Le CETA entrera en vigueur avant même sa ratification

Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)

L’application « provisoire » du traité commercial est fixée au 21 septembre. Cet accord entrera en vigueur avant même d’avoir été ratifié par les 38 Parlements nationaux européens.

Est-ce une nouvelle étape délicate sur le chemin déjà semé d’embûches du CETA, ce fameux accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada ? Samedi 8 juillet, depuis le G20 à Hambourg (Allemagne), Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, et Justin Trudeau, le premier ministre canadien, ont annoncé la date de l’application « provisoire » du traité commercial : ce devrait être le 21 septembre.

L’application « provisoire » signifie que le CETA va entrer en vigueur avant même d’avoir été ratifié par l’ensemble des 38 Parlements nationaux européens et régionaux (pour l’instant, seuls quatre Parlements ont ratifié le traité : le Danemark, la Croatie, l’Espagne et la Lettonie).

Cette procédure, permise par le droit international, a été validée par les États membres à l’automne 2016. Elle est appliquée assez systématiquement par Bruxelles dans des dizaines d’accords (traités commerciaux, d’association, etc.) afin qu’ils produisent leurs éventuels bénéfices le plus vite possible, sachant qu’obtenir une ratification intégrale dans les 28 pays membres de l’Union prend des années.

Elle était ardemment souhaitée par M. Trudeau, qui l’avait déjà réclamée fin mai lors du G7 de Taormine (Italie), mais des détails restaient à régler avec Bruxelles (notamment la répartition, dans le quota alloué à l’Europe, des différents fromages promis à l’export vers le Canada).

Le 21 septembre, ce sont l’essentiel des droits de douane des exportations européennes et canadiennes qui devraient disparaître. En revanche, le mécanisme – très contesté – de cour d’arbitrage destiné à trancher les différends entre les États et les multinationales ne devrait pas s’appliquer immédiatement.

« Commission d’évaluation »

Les applications « provisoires » n’ont jusqu’à présent jamais posé problème, mais qu’en est-il maintenant que les traités de libre-échange sont contestés par une partie de la société civile, en France, en Allemagne,…


L’Accord économique et commercial global (AEGC) ou Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) est un traité international de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, signé le 30 octobre 2016. C’est à ce jour le premier accord commercial bilatéral de l’Union Européenne avec une grande puissance économique – et le plus ambitieux jamais négocié. Souvent associé au TTIP (ou TAFTA), il suscite cependant de nombreuses critiques. Il a été approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017, et doit encore obtenir l’aval du Parlement canadien avant son entrée en vigueur provisoire, probablement en avril. Il sera ensuite soumis aux votes des parlements nationaux des Etats membres.


 

7 commentaires sur Le CETA entrera en vigueur avant même sa ratification

  1. René Floureux,

    Mais la parlement est DÉJÀ cantonné à n’être qu’une chambre d’enregistrement par l’application du traité de Lisbonne !

    Wikipedia :

    «La politique commerciale est une politique exclusive de l’Union européenne»
    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Politique_commerciale_de_l%27Union_europ%C3%A9enne

    «Clarification des compétences de l’UE»

    «Le Traité de Lisbonne (article 207)[1] rationalise la politique commerciale de l’UE en confirmant que tous les principaux aspects du commerce extérieur, incluant l’ensemble des services[2], les droits de propriété intellectuelle liés au commerce et, surtout, l’investissement direct à l’étranger (IDE), deviennent des compétences exclusives de l’UE. La compétence exclusive signifie que les décisions doivent être adoptées à la majorité qualifiée. Cela signifie également que les accords mixtes (qui incluent à la fois des compétences de l’UE et des États membres) deviendront marginaux.
    L’extension de la compétence exclusive à l’Investissement Direct à l’Etranger signifie que l’UE peut maintenant négocier des accords complets couvrant le commerce et l’investissement.
    https://www.ictsd.org/bridges-news/eclairage-sur-les-n%c3%a9gociations/news/le-trait%c3%a9-de-lisbonne-cons%c3%a9quences-pour-la

    José Bové, député européen, a interrogé un cabinet de juristes pour savoir si un recours était envisageable contre le CETA…

    La conclusion des juristes est claire :

    «Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’un accord international conclu avec l’Union Européenne ne peut pas faire l’objet d’un recours direct.
    Le recours doit être dirigé contre la décision du Conseil autorisant la signature ou la conclusion de l’accord.
    Un requérant individuel peut former un recours en annulation [auprès de la Cour de Justice de l’UE] à l’encontre de la décision de conclure un accord international à la condition de démontrer qu’il est directement et individuellement concerné.»

    L’entrée en vigueur provisoire du CETA contourne, de fait, le débat démocratique

    «La politique commerciale est une politique communautaire (article 3 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne – TFUE). La Commission européenne représente l’ensemble des États membres de l’UE lors des négociations commerciales multilatérales avec les pays tiers ou les organisations internationales (art. 207 § 3 du TFUE). Les Etats membres ne peuvent agir de manière autonome.»

    Concernant la mise en œuvre provisoire du CETA, ce sont bien les gouvernements qui en ont la responsabilité :

    « Ainsi, la mise en œuvre provisoire du CETA devra recueillir l’approbation du Parlement européen : cela correspond à un droit de veto.

    Cette approbation est purement formelle et constitue une concession accordée par la Commission sous la pression de certains États. En effet, l’article 218 du Traité de fonctionnement de l’Union (TFUE) énonce en son point 5 : « Le Conseil, sur proposition du négociateur, adopte une décision autorisant la signature de l’accord et, le cas échéant, son application provisoire avant l’entrée en vigueur. C’est donc bien le Conseil des ministres européen qui décide de l’application provisoire des traités commerciaux. Ainsi, la responsabilité des gouvernements est entière dans la décision de l’application provisoire.»

    https://www.euractiv.fr/wp-content/uploads/sites/3/2016/10/Argumentaire-CETA-revu-et-corrig%C3%A9.pdf

    Conclusion :

    Viviane Reding, Vice-présidente de la Commission européenne, Commissaire européenne à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, avait parfaitement raison lorsqu’elle déclarait devant des députés (dont NDA qui n’a pas moufté…) réunis à l’Assemblée :

    « Il faut lentement mais sûrement comprendre qu’il n’y a plus de politiques intérieures nationales »

    Quand Viviane Reding enterre les Nations :

    https://m.youtube.com/watch?v=Y2zu6GXk60o

  2. Les jeux sont faits

    L’Union Européenne et le Canada (J-J. Juncker pour la Commission Européenne et J. Trudeau pour le Canada) ont annoncé lors du G20 à Hambourg les 7 et 8. Juillet 2017, l’application provisoire de l’accord économique et commercial global (Ceta) dès le 21.9.2017, avant même son passage devant les parlements nationaux cantonnés demain à un rôle de chambre d’enregistrement.
    Le candidat à la Présidentielle E.Macron, avait annoncé avant le second tour, la création (effective le 6.7.2017) d’une Commission d’évaluation de l’impact du CETA, composée d’experts et de scientifiques indépendants devant faire part de leurs conclusions d’ici le 7.9.2017 notamment sur les interactions potentielles entre le commerce, le climat, l’environnement et la santé et leurs impacts attendus découlant de l’application des dispositions du ceta.
    Prise de cours, elle servira avant tout comme beaucoup de commissions créées par les circonstances du moment, de couverture médiatique pour masquer l’impuissance de nos dirigeants.
    M.Bruno le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances a de son côté annoncé le 12 juillet dernier devant la Commission des Finances que tant que ne sera pas réglé le problème des quotas de fromage, l’accord CETA ne sera pas appliqué. On peut déjà parier sur qui gagnera le bras de fer et moyennant quelques concessions minimes discrètes éventuellement.
    Pris de vitesse eux aussi par nos concurrents, maîtres dans l’art de la maîtrise du calendrier et de l’ordre du jour et qui ont pour habitude de piétiner les démocraties nationales, nos dirigeants français qui devraient peser de tout leur poids et de leur envergure, s’appuieront comme ils en ont l’habitude, lâchement et opportunément sur la décision du Conseil Constitutionnel du 31.7.2017, qui sur un plan purement de droit constitutionnel ne voit pas d’objection à une application provisoire de cet accord qui peut selon lui toujours être dénoncé selon des procédures particulières à respecter.
    On baigne dans l’hypocrisie la plus totale puisque nous savons qu’en règle générale, les négociations se passent en coulisse et à l’abri des micros, et qu’au retour nos tartufes nous joueront du pipeau en nous faisant croire que les bernés se sont les autres.
    René Floureux 18.8.2017

  3. Le CETA puis bientôt le TAFTA est une enième perte de souveraineté de nos gouvernements qui non content d’avoir délégué leurs pouvoirs à Bruxelles les délèguent maintenant à de grands groupes industriels et financiers mondialisés qui vont faire la pluie et le beau temps en fonction de leurs intérêts à notre détriment s’il le faut et sous le regard impuissant de nos gouvernements fantoches. En en fini pas de nous dépouiller de notre démocratie, d’éloigner le peuple de la maitrise de son destin au profit d’intérêts privés. Ces groupes auront la maitrise de tout les grands marchés, que ce soit industriel, pharmaceutique, d’armement, mais aussi alimentaire, ou de l’eau. Nous serons ainsi un peu plus à leur merci et nos gouvernements ne pourront plus nous protéger contre toutes leurs dérives, comme on peut déjà le constater dans certains pays ou des gouvernements sont faibles ou instables et qui ont délégués leur marché de l’eau à des grands groupes comme Véolia qui a fait ensuite flamber les prix privant ainsi les plus pauvres d’une ressource essentielle à la vie, ou bien encore Monsanto et son emprise malhonnête sur les semences au détriment des producteurs, et donc des consommateurs…. Encore une belle réussite de la faiblesse ( voir de la corruption ) de Bruxelles et de ses commissaires au mieux déconnectés au pire malhonnêtes.

  4. A Mr TARRIDE…merci pour ces éléments de réponse et nous notons l’impasse juridique qui subsiste et que vous soulignez à savoir si une partie ne signe pas personne ne peut savoir ce qu’il va se passer pour les 27 autres . Notre doute est donc partiellement éclairci mais pas dissipé.

  5. Pour répondre un peu trop rapidement à BAERTJC, disons que le Traité CETA prévoit qu’il n’entrera en vigueur qu’après ratification de l’ensemble des parties signataires qui sont au nombre de 29 ( le Canada + les 28 Membres de l’UE
    Si l’une des 29 parties signataires ne ratifie pas, personne ne peut dire exactement ce qui se passe, puisque d’une part la cas ne s’est jamais produit pour aucun traité expressément signé et que d’autre part la seule entité négociatrice est l’UE dont les 28 membres sont liés par le Traité de Lisbonne.`
    La seule solution raisonnable serait que les membres de l’UE qui approuvent soient invités à signer un nouveau traité identique au précédent. Seul un refus de ratification du Canada mettrait un terme au Traité .
    S’agissant le la France, l’article 53 de la Constitution s’oppose à ce que l’entrée en vigueur puisse se faire avant ratification par le Parlement puisqu’il s’agit d’un Traité de commerce.
    le Traité CETA permet une mise en oeuvre provisoire.Cette disposition m’apparait contraire à la Constitution puisque le Parlement français n’a pas ratifié ce traité et cette mention particulière.
    J’ajouterai, juste pour le plaisir que le problème du Royaume Uni se pose puisqu’il est signataire mais a quitté l’UE depuis.

    Etienne Tarride

  6. Je suis persuadé depuis longtemps que la rupture entre Hollande et Macron a pour origine le refus de François Hollande d’accepter le Traité TAFTA.

    Le précipitation de la mise en oeuvre du CETA me confirme dans cette idée. Avec Macron à l’Elysée, c’est définitivement la commission Européenne qui gouverne.

    L’heure est grave

    Etienne Tarride

  7. Sauf erreur de notre part, l’unanimité des ratifications nationales n’est pas requise pour l’entrée en vigueur d’un traité voté, puis ratifié par certains des Etats qui ont pris part au vote d’adoption du dit traité ?!
    Si quelqu’un a des billes sérieuses sur le sujet, nous sommes preneurs !

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