« Je suis inquiet pour l’avenir de notre démocratie »

Jean-Pierre Chevènement

Entretien de Jean-Pierre Chevènement à L’Express, propos recueillis par Anne Rosencher, 7 mars 2017.

L’Express: Que vous inspire la situation politique actuelle ?
Jean-Pierre Chevènement:
 Je suis très inquiet pour l’avenir de notre démocratie. Même si, pour des raisons d’opportunité, François Fillon a adouci son ton à l’égard de la justice, je comprends l’état d’esprit de ceux que choque la convocation judiciaire du candidat de la droite à deux jours de la clôture des parrainages. La date de cette convocation est de nature à fausser le fonctionnement normal de nos institutions, et je m’alarme des conséquences que cela pourrait avoir. Comment l’électorat qui avait choisi François Fillon va-t-il réagir si ce dernier est conduit à retirer sa candidature, ou ne peut valablement poursuivre sa campagne? Je crains qu’une partie de ces électeurs n’accepte pas ce glissement vers ce qu’on appelle le gouvernement des juges. Il y a une dizaine d’années, je m’étais alarmé dans une tribune au journal Le Monde que son directeur d’alors, M. Colombani, nous vante « la judiciarisation de l’espace public et le règne de l’opinion comme le sommet inégalé de la régulation des sociétés démocratiques, en passant par pertes et profits les ravages qu’exerce le préjugé ». Je n’y voyais déjà rien de tel : « L’étroit concubinage de la justice et des médias a entraîné la désuétude du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence, le tribunal devenant bien souvent pilori », écrivais-je. Je ne changerais pas un mot aujourd’hui.

Etes-vous de ceux, dès lors, qui préconisent une trêve judiciaire le temps des campagnes ?
Je pense que le Parquet national financier a pris son temps, contrairement aux juges qu’il a désignés. Une convocation deux jours avant la clôture des parrainages, voilà qui pose problème. Et n’en déduisez pas que je soutiens pour autant le programme économique de François Fillon, ni la regrettable confusion qu’il fait entre « islamique » et « islamiste ». Ma réflexion porte sur le fonctionnement de notre démocratie : la république, c’est d’abord le suffrage universel et la sérénité avec laquelle les citoyens doivent pouvoir s’exprimer.

Il y a quelques semaines, Marcel Gauchet mettait en garde contre la pluie d’opprobres qui pourrait s’abattre après l’affaire Fillon, pas seulement sur le personnel politique, mais aussi sur les médias et le pouvoir judiciaire. Craignez-vous également cette sorte de déréliction démocratique ?
Oui, je la crains. On semble oublier que le Front national est tout de même à plus de 40 % au deuxième tour dans les sondages. Tout cela devrait imposer à chacun un minimum de déontologie et de sens des responsabilités.

Source: L’Express

 

10 commentaires sur « Je suis inquiet pour l’avenir de notre démocratie »

  1. Jean-Dominique GLADIEU // 13 mars 2017 à 9 h 37 min //

    Cher Michel Chailloleau,

    DLF est certes incontournable au sein du mouvement « souverainiste » mais il n’est pas le seul. Le référendum de 2005 a montré que, tous horizons politiques d’origine confondus, le « souverainisme » est majoritaire en France.
    Les « supranationaux » (droite-gauche réunies) ont pu trahir le peuple précisément parce que les souverainistes de « gauche » sont allés inventer un prétendu « non » de gauche, ce qui n’a pas encouragé les souverainistes de « droite » à faire un pas vers l’union et les a même incité à rester à « droite » voire à renforcer celle-ci.
    Résultat des courses : aux présidentielles de 2007, les trois premiers (Sarko, Ségo, Bayrou) étaient des « ouistes » et le souverainisme s’est retrouvé noyé.
    Et ça semble reparti pour ce coup-ci où la seule candidate « souverainiste » (ou se réclamant telle) en mesure de l’emporter est MLP !!!
    Dur, dur, non ?

  2. Effectivement, si les gens qui comptent voter Marine Le Pen réfléchissaient un peu, ils s’apercevraient que leur vote sera stérile sachant qu’une coalition votera contre au deuxième tour!
    Par contre si Nicolas Dupont Aignan se hissait au second tour le résultat serait totalement différent!
    Alors ne vous trompez pas de candidat!

  3. Michel Chailloleau // 12 mars 2017 à 12 h 02 min //

    Il existe effectivement un recours possible pour changer la politique en France: c’est Debout le France. Le programme parfaitement détaillé est facilement consultable sur le site du mouvement. Cela change de l’absence de programme ou de reniement d’un jour à l’autre des autres candidats, voire pire de la candidate extrémiste dont le parti n’hésite même pas à appeler les gaullistes à voter pour l’extrême-droite. Il faut se souvenir des origines du mouvement gaulliste par rapport à celles du front national. Ces dernières sont peu reluisantes. Attention de ne pas retomber dans les mêmes risques!

  4. Jean-Dominique GLADIEU // 9 mars 2017 à 16 h 13 min //

    Il existerait pourtant une possibilité pour « faire dégager » l’UMPS : l’union des « souverainistes » dits de « droite » et dits de « gauche ».
    En ce sens, la tentative de JPC en 2002 était intéressante. Et puis, surtout le référendum de 2005. Mais, à « droite » comme à « gauche », l’UMP et le PS ont su retomber sur leurs pieds.
    Il semble malheureusement évident que les « souverainistes » aient quelque difficulté à rompre avec leur famille politique d’origine !
    Alors : « Que Faire ? »

  5. MOI,JE CRAINS SURTOUT QUE l’UMPS CONTINUENT A GOUVERNER LA FRANCE,DEJA 44 ANS,C’EST PRESQUE LA FAILLITTE,ENCORE 5 ANS COMME CA ET CE SERA LA MISERE POUR TOUS.

  6. Gilles Le Dorner // 8 mars 2017 à 21 h 39 min //

    juste encore un effort ou encore un petit geste , Monsieur , pourquoi se contenter d’ analyses ou soupirs ou inquiétudes même en réalisme taxé de Cassandre , même sage et sage de cheveux blancs (une bougie de plus il est vrai), et d’ expérience , c’ est un souffle sans tempête , dépassant un parti ou mouvement ou esprit revanchard , sain et décloisonnant , qui n’ attend que par vous et d’ autres aussi , à deux mains et pour d’ autres jours , auprès de M. NDA candidat et Debout la France

  7. Et pourquoi pas une mise entre parenthèse de tous les mis en cause pour quelque nature que ce soit au prétexte d’une élection et pas seulement pour les politicards?
    On marche sur la tête et en cela JPC peut nourrir quelques craintes pour notre Démocratie dès lors où la justice devrait faire une pause « politique » !!!!.

  8. Comment voulez vous que les Français aient confiance après les affaires: URBA, Emplois fictifs de la ville de Paris,bygmalion, etc
    Toujours les mêmes politiciens à l’Assemblée Nationale,au Parlement Européen, puis au Sénat voire au CESE!
    Il est temps que la triche,l’escroquerie,la malhonnêteté le mépris ne soient pas les « qualités premières » de nos dirigeants!

  9. JPC est bien gentil, mais que n’a-t-il fait lorsqu’il était en mesure d’agir pour éviter que nous en arrivions là ?

  10. Jean-Dominique GLADIEU // 8 mars 2017 à 11 h 34 min //

    Entièrement d’accord avec Jean-Pierre Chevènement sur son analyse de « l’affaire Fillon ». Toutefois sur « la pluie d’opprobres qui pourrait s’abattre … sur le personnel politique mais aussi sur les médias et le pouvoir judiciaire » que craint JPC, à qui la faute sinon à la classe politique, aux médias et au pouvoir judiciaire eux-mêmes ?

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