Bayrou et Macron, « la tambouille politicienne »

par Alain Kerhervé

Pour exister, François Bayrou a franchi la ligne jaune qui le démarquait d’Emmanuel Macron. Il renonce à se présenter prévoyant qu’il aurait des difficultés à dépasser les 5%, score déclenchant le remboursement des frais de campagne.

Alliance, dit-il, mais pas « ralliement » à E. Macron, héritier parricide de François Hollande.

Macron est dangereux, il est attaché au « monde de l’argent »

C’est ainsi que François Bayrou qualifiait, il n’y a pas très longtemps, Emmanuel Macron.

« Ça ne marchera pas« , prophétisait François Bayrou en septembre 2016. Avant d’ajouter : « Derrière cet hologramme, il y a une tentative, qui a déjà été faite plusieurs fois, de très grands intérêts financiers et autres qui ne se contentent plus d’avoir le pouvoir économique, ils veulent avoir le pouvoir politique ! »

François Bayrou a oublié ce qu’il pensait d’Emmanuel Macron quand ce dernier a démissionné du gouvernement Valls pour se lancer à son propre compte : « Emmanuel Macron est le principal responsable de la politique économique de François Hollande depuis quatre ans. Pour quel résultat ? ». Et chacun sait qu’après avoir appelé à voter Hollande au deuxième tour en 2012, François Bayrou a fortement critiqué les résultats économiques du quinquennat socialiste.

Enfin rappelons que François Bayrou a bénéficié des voix de l’UMP Sakosiste pour épingler à son palmarès la Mairie de Pau il y a 3 ans, sans oublier aussi son soutien indéfectible à Alain Juppé lors de la primaire de la droite et du centre. Et si Alain Juppé avait remporté cette primaire, qu’aurait été alors la position de François Bayrou ? Comprenne qui pourra !

François Bayrou croit-il toujours au « Père Noël » ?

Il suffit pour le conforter du bien-fondé de son alliance qu’Emmanuel Macron accepte en un clin d’œil sa proposition de loi « sur la moralisation de la vie politique »* sans en connaître le contenu… et ceci sans consultation des militants du Modem, bien silencieux sur cette affaire.

Par contre, les deux alliés ont un intérêt commun : avoir chacun un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale.

… Et la constitution ?

François Bayrou a annoncé qu’il n’y a pas dans cette alliance la volonté de créer un « ticket présidentiel », respectant ainsi l’esprit et la lettre de la constitution de la Ve République. Le rôle du Chef de l’État tel qu’il est défini est limpide. « Il est missionné par le pays tout entier, en charge de l’essentiel, des grandes orientations… Il est par fonction la voix de la France en Europe et dans le monde. » plaidait François Bayrou.**

Mais François Bayrou ne peut ignorer le souhait d’Emmanuel Macron d’instituer une VIe République dont on ne connait d’ailleurs pas le contenu, hormis la promesse qu’ils viennent de graver sur le marbre de leur alliance : je veux évoquer ici l’élection des députés à la proportionnelle. Cette approche démontre une certaine phobie constitutionnelle d’Emmanuel Macron***, car il confond Constitution et modalités électorales, ces dernières n’étant pas formalisées dans le texte constitutionnel****. Il pourrait, pour le moins, se souvenir de 1986, époque où François Mitterrand avait institué la proportionnelle sans modifier à la constitution.

Ainsi, François Bayrou rejoint ceux qui réclament cette VIe République avec l’espoir caché d’un retour au régime des partis. Enfin, si changement de constitution il y a suite à l’élection présidentielle, François Bayrou est-il certain qu’il y aura un référendum ?*****

… L’indépendance de la France et l’Otan

François Bayrou s’est dit opposé au retour de la France dans le commandement de l’Otan. Il a fortement souhaité que le choix fait en 1966 par le général de Gaulle de quitter la structure militaire intégrée de l’Alliance atlantique, « ne soit pas bradé, pas jeté aux orties« . Et il précisait que cette réintégration faite par Nicolas Sarkozy avait constitué une « Atteinte au patrimoine historique et politique« . « C’est une défaite pour la France« , et « c’est une défaite pour l’Europe« , avait-il alors affirmé. « Nous abandonnons une part de notre héritage, et nous l’abandonnons pour rien« ******.

Quelle est la position d’Emmanuel Macron, puisque le gouvernement socialiste auquel il appartenait n’a pris aucune mesure pour revenir sur la décision du gouvernement Sarkozy-Fillon.

… Du « mariage pour tous » à la GPA

La position d’Emmanuel Macron est maintenant connue, même après sa séance de jonglage entre compassion envers les centaines de milliers de manifestants de la « manif pour tous » et soutien aux communautés homosexuelles. Si une majorité de nos concitoyens ne veut pas, et c’est compréhensible, remettre en cause le mariage pour tous, il y a manifestement un grand écart entre les deux nouveaux alliés. En 2012, François Bayrou était opposé au mariage pour tous. Si le gouvernement maintient son projet, écrivait-il, « je forme l’espoir qu’une majorité de nos parlementaires ne votera pas ce projet »*******.

Emmanuel Macron est-il foncièrement opposé à la GPA (mères porteuses) et à la PMA pour les couples de femmes ?

***

Personne ne peut nier que la position de François Bayrou modifie profondément cette campagne présidentielle.

Par contre, j’ai le sentiment amer que François Bayrou vient de se fourvoyer sur une voie scabreuse. Il joue ici sa dernière carte. Si Macron l’emporte, il peut espérer un portefeuille ministériel (pourquoi pas le premier) et le retour d’un groupe parlementaire (15 députés). Dans le cas contraire, il s’enfermera dans sa mairie de Pau afin de terminer, dans la cacophonie, son mandat local.

… Mais la France ne vaut-elle pas mieux que çà ?

… À suivre


* Devenue indispensable, notamment après l’épisode que nous connaissons actuellement.

** « État d’urgence », ouvrage de F. Bayrou (2012) page 151.

*** Il n’est pas le seul parmi les candidats

**** Art. 25 de la constitution.

***** Comme le soulignait encoure F. Bayrou dans ce même ouvrage, « il ne faut pas contourner la décision des Français. Ce que les Français ont décidé, ils sont les seuls à pouvoir, le cas échéant, le changer…

****** Page 105 du même ouvrage.

******* Début 2013, il réitérait son opposition au « mariage pour tous » dans une interview au journal « Les échos »


 

10 commentaires sur Bayrou et Macron, « la tambouille politicienne »

  1. Gilles Le Dorner // 29 mars 2017 à 6 h 34 min //

    La politique de la chaise vide , c’ est certes une façon parfois de gouverner ou de se gouverner . Mais la politique de l’ abstention mesurée en calculs , d’ attendre que la situation se décante pour pouvoir cueillir son heure , ou de rester entre deux chaises comme ceinture et bretelles en tact et mesure de survie , tels de vieux renards tout en finesse des arcanes du pouvoir , ce n’ est pas à l’honneur d’ être en politique , sauf à n’ être que des professionnels de la politique , politique comme un puits de commerce ou une table dont on se servirait plutôt que de servir en politique . Il en va ainsi de ralliements qui tardent , de fractionnements qui persistent , d’ absentéisme à l’ appel comme en écoles primaires , de M. Guaino absent en prise de recul , de M. Chevènement absent préférant peut-être une sixième république de front de gauche en tentation de jeunesse et du Che , de M. Myard parmi d’autres ou droite forte ou pas dont on se demande ce qu’ ils fabriquent encore à l’ UMP rebaptisé LR . Et pourtant , il est un appel come un devoir , Debout la France

  2. A Thierry Theller,
    « Question, quoi de neuf depuis ces dernières dix longues années ? Réponse, excepté un vigoureux brassage de vide politique, rien. OK. »
    C’est le temps des nouvelles éoliennes politiques….qu’on se le dise

  3. Nos politicards n’ont même pas honte de se présenter en affirmant aujourd’hui, l’inverse de ce qu’ils affirmaient hier……!!!!!!!

    Messieurs c’est l’avenir de la France qui se joue. Le votre à titre purement personnel, les électeurs s’en moquent…Alors SVP perdez vite votre outrecuidance et devenez modeste.

  4. Pourquoi tant de haine?
    Je ne suis pas Bayrouiste mais il est logique qu’il rejoigne Macron vu que l’électorat centriste se retrouvera sur l’essentiel!
    Je ne serai pas affirmatif mais il me semble qu’à Pau lors de l’élection précédente l’UMP l’avait plombé avec les socialistes!
    Bayrou est clairement pour une Europe Fédérale au moins c’est clair!
    L’UMP puis LR serait contre mais signe les même accords qui nous dépossèdent de notre souveraineté, pas cohérent!!!!!!

  5. Thierry Theller // 25 février 2017 à 22 h 38 min //

    Cet article a été écrit en 2007. Dix ans déjà. Dix ans que le « démocrate » Bayrou, fidèle à lui-même, trimbale sa malvoyance politique sur une France en perdition. Une France qui, de promesses en promesses, s’enfonce chaque jour davantage dans la lie de ses amis euro atlantistes.

    Question, quoi de neuf depuis ces dernières dix longues années ? Réponse, excepté un vigoureux brassage de vide politique, rien. OK. Mais alors, hormis son savoir tirer ses comètes d’incompétence, que compte faire F. Bayrou demain, qu’il n’a pas su faire naguère ?

    D’autant que la soupe d’arguments recuits du « Macron » d’aujourd’hui, ressemble étrangement à la bouillie de limaces du Bayrou d’hier ?

    Oui !C’était il y a Dix ans. Qu’on en juge :

    LES NOUVEAUX “DALTON” DU CINEMA MONDIALISTE

    Les accointances fortes que le candidat François Bayrou partage — sur fond de convergences atlantistes, avec tout ce que l’establishment de prédateurs oligarchiques charrie de rabatteurs médiatiques, préfigurent déjà, qu’on le veuille ou non, ses futures orientations et sa préférence donnée à une France politiquement et socialement désincarnée.

    Pourtant, ce que ce prétendant au fauteuil élyséen dit moins ou, peut-être, feint d’ignorer, mais que les électeurs vont probablement et prochainement lui faire re-découvrir ; c’est qu’une France de la cohésion nationale ; qui est aussi celle d’une France du courage, n’a aucunement l’intention de se muer en un länder de la déprime perpétuelle : sans droits spécifiques autres que ceux soumis à l’incessante pression d’une “charia” aussi hégémonique que dominatrice : mise en place par une cohorte d’idéologues mondialistes de la pensée unique.

    Autrement dit, une France qui n’a plus envie de se shooter à l’autosatisfaction d’aspirations platoniques, fussent-elles agrémentées de “diversité” culturelles : implicitement contenues dans le projet bayrouiste qui n’est, en réalité, que l’autre face d’une boîte de suppositoires homéopathiques pour futurs mirages annoncés. Alors que, dans le même temps, par un jeu de sape mortel, la stratégie des coteries “antiracistes” appointées projette, elle, depuis des lustres, de déstabiliser la société française, avant que de la dissoudre dans un ensemble aux contours définitivement oppressifs.

    Par exemple : dans un registre à peine différent, cette question : peut-on, véritablement, aujourd’hui ; sans susciter les foudres de sourcilleux Fouquier-Tinville du politiquement correct — relookés pour la circonstance en ardents défenseurs universels d’humanité —, tenter seulement la plus petite allusion critique à l’endroit d’une idéologie économiquement délétère, dont il semble abusivement préétabli par la sphère internationaliste — et M. Bayrou en est —, qu’il importait peu, au fond, d’expliquer aux Français l’impact profondément meurtrier de sa puissance dévastatrice ?

    En revanche, si l’on en croit les récentes et multiples obstructions faites à la défense légitime de la démocratie ; relativement aux nouveaux frères Dalton du « cinéma » mondialiste, on peut prédire sans se tromper, en parlant de la « Doulce France » et de son charivari social, que lors de la projection future — prévue en technidolor — du film d’horreur ploutocratique — actuellement en cours de tournage sur les places fortes de la haute finance internationale, qu’aucune contestation citoyenne ne sera admise. Ni tolérée !

    À l’instar des dictatures mondiales de ce temps ?

    Or, précisément, c’est là que le bât blesse. Car, s’agissant du postulant aux fonctions suprêmes, et de ses prises de positions économiques ; développées avec une rare maestria quant à leurs éventuelles et supposées maîtrise, elles n’ont qu’un seul défaut : celui d’être contredites aussitôt que prononcées.

    Pourquoi ? Pour la bonne raison qu’on ne peut éternellement noyer le libre arbitre des Français dans des méandres et des approximations démagogique telles que “Service civique” ; “Communauté civique ;” “Révolution civique”, etc.

    En outre, si “Le prononcé fait foi,” comme l’affirme M. Bayrou, alors celui-ci devrait savoir, mieux que quiconque, qu’il ne suffira pas demain de se contenter de le prononcer !

    Tout comme ne suffira pas la réponse donnée aux “fractures sociales“ qui, à coup de manoeuvres financières : outrageusement manipulées contre tout ce qui bouge et travaille, n’ont, à terme et en réalité, et pour seul objectif, que celui de réduire les citoyens de France à un ersatz humain… déshumanisé.

    De même que ne suffira pas, non plus, l’interminable maintient sous clés des portes d’accès à la véritable liberté d’opinion d’une France désormais soumise à des diktats aussi médiatiques que politiquement corrompus. Excepté que ces diktats révèlent l’existence, non d’une fatalité française, mais bien plutôt celle d’une impudeur politicienne, recrue de scandales et de compromissions.

    Sans compter que les projets de M. Bayrou n’ont jamais été autre chose qu’une morne compilation de procédés divers dictés par des Euros-Trotters de la haute finance mondialisée et des Bobos europoïdes : version droits de l’hommiste. Ou, pour tout dire, de fieffés coucous européistes : encastrés dans les niches d’une nouvelle Babylone bruxelloise et antidémocratique.

    À quoi s’ajoutent des questions aussi cruciales que la subversion de l’identité française et la substitution de population.

    Quant à vouloir persuader les Français de se laisser empaqueter dans une France immobile, en passe d’être constituée de citoyens dénationalisés, “dhimitisés” et placés à “l’insu de leur plein gré” sous tutelle apatride, cela relève tout bonnement de la gageure. Ce qui, dans le contexte actuel d’une France sans repères, ne manque ni d’audace ni d’aplomb.

    Alors, pour le coup, devant tant d’amabilités à venir, on est rassurés. Rassurés de savoir que M. Bayrou et consorts, face aux nuées de desperados sociaux et de soutiers de la vie active, ne fera rien qui puisse… leur simplifier la tâche.

  6. Vite que les électeurs et électrices virent ces deux là…..sans oublier les autres qui ne valent pas mieux !Repeindre la girafe de la quatrième République, non Merci on a déjà PAYE !!!!!

  7. Il fallait bien un accord politicien avec la Bayrou de secours du système pour relancer une candidature qui s’essoufflait en devant dévoiler son programme qui montre bien la posture et l’imposture d’une candidature présumée anti-système.

  8. Edmond Romano // 24 février 2017 à 15 h 30 min //

    Cher Alain Kerhervé, vous vous demandez quelle est la position du jeanfoutre Macron vis-à-vis de la PMA et de la GPA. Permettez-moi de répondre à votre interrogation. Le candidat de l’échec du quinquennat qui s’achève s’est dit favorable à la PMA pour les couples de femmes. Il ne s’est pas prononcé sur la GPA mais de sa position sur la PMA nous pouvons prévoir la chose suivante.
    Toute personne qui légaliserait la PMA ouvrirait de facto la voie à la légalisation de la GPA. Pourquoi? Tout simplement parce qu’autoriser la PMA aux couples de femmes et refuser le recours à la GPA pour les couples d’hommes créerait une rupture de droits entre couples homosexuels qui serait sanctionné par la Cour de Justice Européenne. Ceci, ne peut être ignoré par aucun juristes. Donc, ceux qui affirment être pour la PMA mais contre la GPA mentent aux Français et ont la certitude que la Cour Européenne sanctionnerait leur refus de la GPA. Il leur sera facile, ensuite, de dire qu’ils sont obligés d’harmoniser le droit français. Ce n’est pas seulement la position de Macron c’est également celle de Hamon et de Mélenchon. Mais venant de la part d’un candidat (Macron) qui est soutenu par Terra Nova qui souhaite remplacer la fête de Pâques par une fête musulmane et par Pierre Berger qui est favorable à la suppression de toutes les fêtes chrétiennes comment être étonné. Hélas, il n’y a qu’une place pour le second tour, le seul qui puisse être qualifié à droite et au centre est François Fillon et tout ce qui permettra que la droite soit divisée renforcera les chances de qualification de Macron, il sera ensuite trop tard pour pleurer durant cinq ans. Moi, j’ai fait un choix de raison et quoiqu’il se passe ensuite je n’aurai aucune responsabilité.

  9. Général Giraud, Jean Monnet, Robert Schumann, Lecanuet, Giscard, Bayrou, Macron…ont incarné, incarnent, le parti informe de tous ceux qui ont, depuis la guerre, sacrifié notre souveraineté à l’Otan et à l’utopie d’une Europe fédérale.

    Rien de nouveau sous le soleil.

    L’accouplement Macron-Bayrou est une faux évènement. Leurs électorats ont en gros les mêmes caractéristiques sociales et les mêmes options.
    Centre gauche, centre droit, mou devant, et toujours soumis aux puissants du moment !

  10. MAZZOLENI-MOYSE // 24 février 2017 à 13 h 35 min //

    MERCI POUR CET ARTICLE !

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