Les médias vont-ils priver les Français d’une vraie présidentielle ?

par Eric Verhaeghe

Eric Verhaeghe

En anticipant l’issue du premier tour, les médias ne seraient-ils pas en train de confisquer le débat public sur la présidentielle ?

L’atmosphère délétère qui règne dans le pays conduira à priver les Français d’une véritable présidentielle ? En regardant BFM TV hier soir pendant une heure et demie, et en feuilletant la presse de-ci de-là, c’est quand même bien le sentiment qu’on peut avoir.

Pendant 90 minutes, BFM n’évoque que trois candidats

J’ai regardé BFM TV hier soir entre 21 heures et 22 heures 30, d’une oreille discrète comme toujours le soir quand je prépare mes papiers du lendemain. Sauf à ce que mon inattention ait été plus grande que d’habitude, j’ai retenu deux idées martelées pendant toute la soirée.

La première est que François Fillon n’ose plus sortir de chez lui et qu’il évite soigneusement le contact avec les vraies gens. Un commentateur expliquait même que son discours était inaudible depuis les affaires Pénélope. D’ailleurs, ledit commentateur n’a pas jugé utile de relayer les propos du candidat.

La deuxième est qu’un sondage publié dans la journée donnait pour la première fois Macron deuxième du premier tour, derrière Marine Le Pen. Donc, deux débats ont suivi, opposant le camp Macron et le camp Le Pen. Plus la peine de parler d’autre chose. Et voilà, c’est fait, Mesdames et Messieurs, le résultat du premier tour est proclamé par BFM.

Et Hamon ?  et Mélenchon? et Dupont-Aignan ? et Jadot ? visiblement, ils ne font plus partie de l’actualité.

Pas une question pertinente des journalistes

Au passage, les deux débats entre les deux camps (Rachline puis Philippot pour le Front, Ferrand puis Griveaux pour Macron) se sont résumés à ce qu’on déteste : des confrontations oeil pour oeil dent pour dent sur le thème de: « C’est moi qui en ai une plus grosse ».

Pourtant, le matin, la Cour des Comptes avait alerté sur l’état des finances publiques et sur la contrainte que celles-ci exerceraient sur le prochain quinquennat. Mais ni les partisans de Macron ni les partisans de Le Pen n’avaient manifestement envie d’expliquer comment leur héros prendrait ces recommandations en compte.

Et là, tu comprends que ni Macron ni Le Pen n’ont la moindre idée sur les réformes de structure qu’ils vont mener s’ils arrivent au pouvoir.

Macron, fabriqué de toutes pièces par les medias

Il y a quelques jours, une journaliste de l’AFP m’a appelé pour m’interviewer sur les préoccupations des start-uppers dans le cadre de la présidentielle Naïvement, j’ai commencé à parler du RSI, de la complexité réglementaire, et toutes choses qu’elle n’avait manifestement pas envie d’entendre. Elle m’a sèchement coupé la parole pour me demander :

« Mais enfin, est-ce que vous aussi vous considérer que Macron est le candidat qui vous représente le mieux ? »

Elle avait manifestement une commande de sa hiérarchie : présenter Macron comme l’homme de la modernité, l’homme des entrepreneurs.

« Vous me confirmez que les entrepreneurs du numérique sont centre gauche et détestent les extrêmes ? »

Voilà ce qui s’appelle orienter l’information. J’imagine que cette propagandiste doit, le samedi en famille, donner de grandes leçons de déontologie et d’indépendance de la presse.

Où l’on comprend pourquoi Drahi a acheté des groupes de presse

La campagne des présidentielles permet de comprendre pourquoi Patrick Drahi, ce Ponzi des temps modernes, peut-être devenu too big to fail[1] au point de tenir le pays par la catastrophe qu’il causerait s’il était mis en difficulté, a acheté autant de titres et de medias. Pendant six mois tous les cinq ans, sa machine se mettra « En Marche ! » pour pousser le candidat dont il a besoin pour prospérer.

Désolé, mais qu’on ne me demande de dire du bien de ce système fondé sur les illusions télévisuelles et sur l’illusion qu’on gouverne avec des illusions.

Tous ces gens font des calculs à court terme qui tue la bête, la République, à petits feux. Là où il faudrait une thérapie durable et responsable pour reconstituer le patrimoine qu’ils sont en train de dilapider.

Vers la présidentielle la plus fermée qu’on n’ait jamais eue ?

Il y a quelques semaines, comme beaucoup, j’imaginais que la présidentielle de 2017 serait ouverte et aurait le mérite d’ouvrir un véritable débat sur les programmes et les solutions collectives à adopter pour redresser le pays. Les débats qui avaient eu lieu aux primaires laissaient augurer le meilleur. Avec la complicité, de mon point de vue coupable, du Canard Enchaîné, le débat dont nous avions besoin s’est transformé en champ d’ordures. On nous a volé notre présidentielle.

Le Canard Enchaîné pouvait-il priver les Français de leur débat ?

Bien entendu que le Canard dispose des éléments qu’il a publiés depuis plusieurs semaines. De façon très professionnelle, le journal fait ses choux gras de « scoops » bien documentés qui vont lui rapporter de l’argent et accroître sa cagnotte. C’est bien légitime d’un point de vue commercial.

Politiquement, le choix fait par l’hebdomadaire laisse quand même perplexe. Les patrons du Canard ont intentionnellement torpillé une candidature qui devait être majoritaire dans le pays. Par ce choix éditorial, la moitié de l’opinion, ou en tout cas une grande part d’entre elle, est privée d’une voix au scrutin. Il est en effet évident que Fillon est aujourd’hui carbonisé et que le débat ne se tient plus dans des termes satisfaisants.

Dieu (ou l’un de ses substituts selon les croyances de chacun) seul sait dans quelle aventure le Canard nous a embarqués.

Eric Verhaeghe


[1] trop gros pour faire faillite


 

12 commentaires sur Les médias vont-ils priver les Français d’une vraie présidentielle ?

  1. Après les déconvenues subies par le peuple de France lors des deux quinquennats précédents, les électeurs vont-ils souscrire à la passe de trois en propulsant aux manettes l’ un des soupirants à la gloire éphémère que sera la sienne ?

    Si donc on sous-estime les chances que le verdict final n’ engage la France dans l’ ornière sans « fonds » que les raconteurs d’ histoire et les sondeurs semblent nous masquer, c’ est qu’en réalité à la conquête du pouvoir toutes et tous misent en chœur ou en solo sur l’hyper capacité des français et des françaises à pouvoir soupirer longtemps.

    Des sous en transit énergétique du bateleur d’ estrade, des sous pour être peinard du rêveur primaire de gauche, moins de sous dans les poches pour le chantre de la suffisance,des sous pour tout le monde de droite et de gauche de l’hyper égo, en finir avec les sous exprimés en euros pour celle qui peine pour toutes et tous, et sans oublier tous les sous représentés du paysage audiovisuel français qui misent majoritairement sur la multiplication des sous, voilà que s’ annonce un choix délicat pour bon nombre de citoyen(ne)s qui croient encore au bonheur garanti à portée d’ urne, sans cause réelle et sérieuse pour se le fabriquer !

  2. Voyons, voyons…les médias s’intéressent en priorité à celles et ceux qui leur donnent du grain à moudre…pas aux obscurs !C’est comme cela en France, on va (enfin pas tout le monde !) vers celles et ceux qui ont une grande gueule, celles et ceux qui ont du fric, celles et ceux qui « tuent » ou bafouent les Lois de la République , celles et ceux qui font le « buzz » etc,etc….la liste n’est pas exhaustive.

  3. Jean-Dominique GLADIEU // 13 février 2017 à 9 h 47 min //

    Je crois tout d’abord qu’il faut crever « l’abcès Fillon ».
    Quelque opinion qu’on ait de lui (et je n’en suis « fan » loin de là !), il faut se rendre à l’évidence : il n’est à, l’heure actuelle, même pas mis en examen !
    Par conséquent, les attaques dont il fait l’objet ne visent nullement à faire « triompher la justice » mais à éviter un véritable débat de fond entre les programmes des uns et des autres.
    Et je rejoins là les propos d’Eric Verhaegue et Alain Kerhervé.

  4. A Alain Kerhervé…. évidemment que les médias se saisissent d’abord des « clients » qui font le buzz en leur donnant beaucoup de grain à moudre et laissent les « obscurs » se débrouiller pour leur « com ».C’est ainsi dans tous les actes de la vie courante: les individus se passionnent plus facilement pour celles et ceux qui sont connus, pour les riches plus que pour les pauvres et enfin pour celles et ceux qui sont en pleine forme plutôt que pour les « alités » en mauvaise santé. Quant à l’indépendance et à la neutralité des médias si quelqu’un sur ce site peut faire la démonstration je suis preneur.

  5. Jean-Charles Marcil // 12 février 2017 à 20 h 39 min //

    D’un point de vue Nord Américain, je dirais que vos médias et vos politiciens ne vous informe pas bien a propos de mon continent. Justin Trudeau est en train de vendre le Canada et le Québec aux étrangers, donc il compte affaiblir la francophonie du nord du même coup. Et D’ailleurs, rien de plus flou que les relations France-Québec. Il faut dire que c’est le Québec lui-même qui défend le français et sans l’aide de la France. Il y a donc deux francophonies a Montréal, car les Français de France a Montréal ont l’air de former un communautarisme isolé des québécois, il font donc partie du vote multiculturaliste et sont indifférents au souverainisme québécois en général. La France de Sarkozy a encourager le fédéralisme Canadien, donc elle semble nuire elle-même a la francophonie d’Amérique du nord.

  6. Michel Chailloleau // 12 février 2017 à 12 h 08 min //

    Il est temps que les medias arrêtent de publier de soi-disant sondages qui se révèlent faux (Brexit, Clinton, Juppé, etc….)donnez plutôt la parole à tous les candidats et pas seulement à 2 ou 4 qui feront vendre et par conséquent gagner beaucoup d’argent par les sociétés de pub.

  7. Oui… mais là il ne s’agit pas de mise en cause des politiques. Les petits candidats n’ont pas la couverture médiatique comme les autres 4 ou 5 « grands candidats ». C’est cela qui est dénoncé.

  8. Il ne faudrait pas encore une fois inverser les rôles;
    Si les médias racontent c’est que les mis en cause leur ont donné du grain à moudre. Quand on s’expose médiatiquement en qualité d’élu (ils adorent cela) on doit accepter la transparence la plus totale Les médias en Démocratie ne sont que des moyens de faire connaître non la cause des histoires qu’ils racontent sauf cas de rumeur infondée ou de diffamation.

  9. Les médias sont la propriété de notre élite banquière , la première chose a faire a mon sens est d’ interdire les sondages . Cette présidentielle est vraiment du grand n ‘importe quoi !

  10. Delaisse Jean-Paul // 11 février 2017 à 19 h 26 min //

    Il est une évidence que les medias, quel que soit leur procédé, écrit, télévisé ou radio, ont perdu et depuis longtemps, leur soi-disant indépendance dont elles se gargarisent, et ce, depuis très longtemps.
    Il aura suffit que quelques uns désireux de puissance et d’influence, ont fait main basse sur cette profession, au départ des plus honorables.
    Si en plus, on cherche à voir ailleurs cette indépendance qui fait défaut chez nous, on entre dans une opacité encore plus certaine….
    Par malheur, le plus grand nombre de nos concitoyens n’ont que cela comme moyen de réflexion et d’estimation…
    Dramatique !!!
    A relier aussi avec la débilité exponentielle des spots publicitaires…bonsoir les dégâts dans l’intellect des matraqués de l’audiovisuel… intellect déjà bien encadrés par les nouveaux modes d’éducation qu’ils auront subis…..

  11. Question tout à fait spécieuse :

    Imaginons François Fillon ayant eu un comportement scrupuleux, précautionneux, en un mot décent, dans l’utilisation des fonds alloués aux députés, la question qui est posée… se poserait-elle ?

    Je note que de nombreux députés et sénateurs utilisent ces fonds avec mesure et discernement.C’est fort heureux ! Et il est fort dommage que le candidat soutenu par les Droites ne soit pas de leur nombre.

  12. Pour MOI FILLON est RESPONSABLE ,on ne peut pas être celui qui a crier que l’état FRANÇAIS EST EN FAILLITE et se donner des avantages sur le dos de la RÉPUBLIQUE .Je suis d’accord il n’est pas le seul et la situation est très grave .
    une grande majorité de FRANÇAIS N’ACCEPTENT PAS ..
    il doit ARRÊTER ,et les républicains GAULLISTES choisir rapidement un autre candidat

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