Hamon-Valls : un débat pour solder le quinquennat de Hollande

Par François-Xavier Bourmaud et Mathilde Siraud

La tension est encore montée d’un cran entre les deux finalistes de la primaire qui s’affrontent ce mercredi lors du débat télévisé de l’entre-deux-tours.

Au Parti socialiste, il y aura un avant et un après primaire. Il suffira sans doute pour s’en convaincre d’écouter Benoît Hamon et Manuel Valls débattre ce mercredi soir à la télévision, à quatre jours du second tour. L’un comme l’autre placent l’enjeu de leur confrontation à un niveau très élevé. «Historique» pour un proche de Manuel Valls. «De civilisation» selon un membre de l’équipe de Benoît Hamon. Sans aller jusque-là, ce sera avant tout le règlement de comptes final entre les deux gauches «irréconciliables» théorisées par Manuel Valls, celles qui n’ont cessé de s’affronter sous la présidence de François Hollande. «L’esthétique de l’idéologie d’un côté, la gouvernance au canon de l’autre», résume un socialiste qu’aucune des deux options ne satisfait.

Signe de la tension croissante dans cette dernière semaine de campagne, les deux camps se sont durement affrontés mardi sur le terrain de la laïcité et de l’islam. Selon Manuel Valls, «il y a des ambiguïtés, il y a des risques d’accommodements» sur ces sujets de la part de Benoît Hamon.

«C’est du niveau d’Ali Juppé»

Pour accentuer l’attaque, le député Malek Boutih a ensuite accusé l’ancien ministre de l’Éducation d’être «en résonance avec une frange islamo-gauchiste». Une allusion à la polémique sur les cafés de Sevran interdits aux femmes, lorsque Benoît Hamon avait donné l’impression de pas être choqué par ces pratiques d’un autre âge. «Je préférerais que Valls parle de ses propositions, peste le directeur de campagne de Benoît Hamon, Mathieu Hanotin. Mais quand on ne sait plus comment faire, on s’accroche à ce qu’on peut. Ses attaques ne sont pas à la hauteur, elles jouent sur les peurs et les instrumentalisent.» Alexis Bachelay, autre lieutenant du candidat, renchérit, dénonçant la «caricature»: «C’est du niveau d’Ali Juppé.» Une référence à la campagne de dénigrement dont a été victime le maire de Bordeaux pendant la primaire de la droite…

«Valls est en train de partir en vrille à faire son Nicolas Sarkozy. Il s’énerve, il est brutal, il manque de sérénité»Pascal Cherky, soutien de Benoît Hamon

Mais la laïcité et le communautarisme ne sont pas les seuls terrains sur lesquels Manuel Valls veut aller chercher son adversaire. Mercredi soir, il compte aussi le «débusquer» sur les questions du travail et des règles de vie en société comme la dépénalisation du cannabis par exemple. «Sur nombre de sujets, ils ont des conceptions très différentes. Il faudra les aborder», explique un proche de Manuel Valls. L’ex-premier ministre veut aussi demander des comptes à Benoît Hamon sur les textes «renforçant la sécurité des Français» que le député des Yvelines n’a pas votés à l’Assemblée nationale. Il s’est en effet penché avec attention sur l’ensemble des votes de son rival durant son mandat de parlementaire pour tenter de le prendre en flagrant délit de contradiction.

Mal parti après le premier tour dimanche dernier, Manuel Valls a vu les aubrystes rallier Benoît Hamon dès lundi. En réponse, il a réuni mardi 200 soutiens parlementaires à l’Assemblée nationale pour les appeler à la mobilisation avant le second tour. Objectif, motiver les électeurs qui se sont abstenus dimanche dernier, sa dernière chance d’inverser la tendance. Manuel Valls n’a plus le choix. S’il veut rattraper son retard, il doit cogner. Il s’y prépare. Mercredi, après une interview sur France Inter, il passera à son QG de campagne puis retournera à son domicile pour se préparer et se concentrer avant un débat qu’il aborde comme un match de boxe. Une disposition d’esprit qui n’a pas échappé à Benoît Hamon. Le député des Yvelines a adapté sa stratégie en conséquence : laisser Manuel Valls s’énerver tout seul. «Il est en train de partir en vrille à faire son Nicolas Sarkozy, assure le député Pascal Cherki. Il s’énerve, il est brutal, il manque de sérénité et lance des invectives à tout va… Tout ce que nos électeurs détestent. On va le laisser faire, ça va nous faire monter.»

«Le mot d’ordre pour les derniers jours de campagne c’est: amplifier le mouvement, répondre aux attaques»  Un proche de Benoît Hamon

La stratégie politique de Benoît Hamon a été longuement abordée par son équipe lundi soir, lors d’une réunion à huis clos. Les aubrystes fraîchement convertis (Jean-Marc Germain), les amis d’Arnaud Montebourg (Marie-Noëlle Lienemann, Gérard Filoche, Christian Paul) mais aussi des ségolénistes (l’ex-ministre Dominique Bertinotti) étaient présents pour un «brainstorming» d’entre-deux-tours. «Nous avons évoqué le positionnement politique, on va élargir le spectre en restant sur notre ligne, par exemple sur l’Europe, mais en s’ouvrant sur les institutions, la démocratie, avec les montebourgeois», raconte Roberto Romero, directeur général adjoint de la campagne de Hamon. «Le mot d’ordre pour les derniers jours de campagne c’est: amplifier le mouvement, répondre aux attaques», glisse un autre proche du favori du scrutin.

Un nouvel angle d’attaque

Mercredi, après une interview matinale sur France 2, le candidat de l’aile gauche «emmènera ses filles à l’école» et travaillera seul pour préparer l’ultime débat. «On veut absolument parler du droit de vote des étrangers, de culture, d’éducation et de ce que peut rapporter notre projet de revenu universel en termes de retours fiscaux», souligne Mathieu Hanotin.

Hamon se tient donc prêt à répondre à Valls. Nouvel angle d’attaque: «la ligne politique libérale autoritaire» de l’ex-premier ministre contre la vision soi-disant plus rassembleuse de la gauche de l’élu des Yvelines. «Nous croyons à la laïcité, nous la pensons comme un pacte, pour réussir le vivre ensemble. Nous voulons lutter contre l’islamisme radical mais pas stigmatiser les cinq millions de musulmans qui vivent en France», insiste encore Hanotin.

Les hamonistes n’attendent plus que le soutien de Christiane Taubira. Pour l’heure, elle se fait désirer. Comme d’habitude. Mais un ralliement de cette figure de la gauche serait un atout de poids pour Benoît Hamon. Et vraisemblablement le coup de grâce pour Manuel Valls.

 

2 commentaires sur Hamon-Valls : un débat pour solder le quinquennat de Hollande

  1. Edmond Romano // 27 janvier 2017 à 12 h 32 min //

    Le dernier débat de la Primaire de la « triste alliance » est passé. Nous a-t-il appris quelque chose? Oui assurément: nous avons d’un côté le favori qui rêve de détruire la fondement même d’une société, le travail en assurant à tous pour une somme exorbitante un « revenu universel ». De l’autre le « challenger » qui nous propose de poursuivre la politique engagé depuis 2012 et dont nous payons le prix fort et qui au passage, après avoir tant décrié ce dispositif, veut revenir à la défiscalisation des heures supplémentaires. Bref, nous entons bien que ces deux candidats ont acté la défaite du PS en 2017 et se place dans la perspective de refonder leur Parti. Mélenchon ou Macron? Lequel des deux sera troisième de la Présidentielle? La gauche de gouvernement (utile à l’exercice démocratique) est en passe de disparaître temporairement des écrans radar. Je le regrette car d’un côté nous avons un objet politique non-identifié: Macron et de l’autre une gauche communiste qui n’ose plus dire son nom: Mélenchon. La démocratie est la plus grande perdante.

  2. Méfiance, un Hollande peut en cacher un autre. Le débat d’hier au soir sur FR2 en a été la preuve, les deux protagonistes ayant fait la démonstration qu’ils avaient été nourris au même sein de la lutte des classes et que profiter des bienfaits sociaux de la République devait se poursuivre de façon universelle ou de manière décente par prélèvements obligatoires renforcés sur celles et ceux qui ne sont pas encore tombés dans la pauvreté galopante de ce système de pensée archaïque ,comme ce fût le cas pour le Hollande sortant, qui place la France du futur aux portes des désillusions politiques les plus traumatisantes . Le toboggan de la médiocritude politicarde est donc avancé et la lutte contre ce fléau de gouvernance sans perspective franchement plus enthousiasmante pour le plus grand nombre de nos compatriotes risque de pâtir autant du climat, que d’un environnement politico économique et géostratégique qui sanctionnera la singularité politicarde de ces candidats aux idées creuses, mus à l’idéologie de la lutte des classes dans tous les domaines de la vie du peuple de France.

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