Libération de Palmyre : à Bruxelles comme en Syrie, l’angélisme doit laisser place au réalisme

FIGAROVOX/ANALYSE -Alors que l’Europe a été frappée par de nouveaux attentats, l’armée syrienne a libéré Palmyre. Pour Hadrien Desuin, la Russie est notre meilleure alliée avec Damas pour lutter contre Daech en Syrie.


palmyre2Ancien élève de l’École spéciale militaire de St-Cyr puis de l’École des officiers de la Gendarmerie nationale, Hadrien Desuin est titulaire d’un master II en relations internationales et stratégie sur la question des Chrétiens d’Orient, de leurs diasporas et la géopolitique de l’Égypte, réalisé au Centre d’Études et de Documentation Économique Juridique et social (CNRS/MAE) au Caire en 2005. Il a dirigé le site Les Conversations françaises de 2010 à 2012. Aujourd’hui il collabore à Causeur et Conflits où il suit l’actualité de la diplomatie française dans le monde.


 

L’Europe se relève à peine des derniers attentats bruxellois. Comme à chaque tuerie islamiste, la foule allume des bougies. On se recueille, on dessine des cœurs à la craie, les drapeaux sont en berne et on pleure. On se promet que rien ne doit changer et qu’on vivra comme avant. Surtout on veille à ne pas faire d’amalgames, on répète que ce n’est pas çà l’islam. On ne doit pas avoir peur, il faut vivre avec. Et puis on rappelle aux réfractaires que l’Islam est une religion de paix et d’amour. Au bout de quelques jours et de longues minutes de silence, on cible la vraie menace; «l’islamophobie» est finalement identifiée comme le seul ennemi sérieux à combattre.

Tandis qu’en Europe on se drape dans le deuil et le déni, la bataille fait rage contre Daech en Syrie. Au moment où ces lignes sont écrites, les forces syriennes appuyées par les milices chiites irano-libanaises ainsi que l’aviation russe, se battent pour reprendre Palmyre aux mains des barbares. A l’heure qu’il est des soldats tombent et donnent leur vie pour nous venger. Quelle aide fournissons-nous à ces hommes qui tentent de libérer des populations civiles asservies par une charia implacable? Que fait la France pour sauver ce qui reste de ce patrimoine mondial de l’humanité? Rien. Absolument rien. Nous n’avons rien fait pour sauver Palmyre il y a un peu moins d’un an. Nous ne ferons rien pour libérer Palmyre. En dix mois, nous n’avons rien appris et rien compris.

La réalité crève les yeux, et on continue à se mettre la tête dans le sable. La Russie est notre meilleure alliée avec Damas pour lutter contre Daech en Syrie. Et nous refusons toujours de nous unir à elle pour frapper Daech.

Alors que toute la Syrie anti-islamiste s’apprête à remporter une victoire symbolique autant que stratégique contre les hordes djihadistes de Daech, les réactions occidentales risquent de se faire discrètes. Coïncidence heureuse ou rideau de fumée, on annonce une offensive imminente vers Mossoul en Irak. Pas question de remercier la Russie ou l’Iran de leur aide militaire en Syrie. Impossible d’applaudir à cette victoire contre Daech. Depuis le temps qu’on nous répète que Daech et Bachar sont complices, c’est un petit peu compliqué d’expliquer le contraire à présent. La réalité crève les yeux, et on continue à se mettre la tête dans le sable. La Russie est notre meilleure alliée avec Damas pour lutter contre Daech en Syrie. Et nous refusons toujours de nous unir à elle pour frapper Daech. Combien de fois a-t-on répété que la Russie et le régime syrien ne se battaient pas contre Daech mais contre «l’opposition modérée»? Des milliers de fois sans doute. Cette version officielle a été reprise sans preuve dans les médias en dépit de l’évidence. Cette fois-ci, le récit officiel de la guerre va être difficile à entendre. Il faudra bien admettre que la Russie et la Syrie de Bachar Al-Assad sont en première ligne contre Daech tandis que nous les regardons faire.

Après plus de cinq ans de guerre civile syrienne, il serait temps de changer de stratégie et de sécher nos larmes. Contre Daech, on ne devrait pas avoir de scrupules à se battre aux côtés des Russes, des Kurdes et de l’armée syrienne. C’est un moindre mal qui doit l’emporter sur toute autre considération. A Palmyre, celui qui ne se bat pas contre Daech est quelque part avec lui.

La meilleure réponse à apporter aux attentats qui frappent notre continent tous les quatre mois, ce n’est pas de s’agenouiller devant un lumignon ou de s’interroger sur l’état d’urgence. Ce n’est pas de hisser un grand drapeau blanc en haut de la cathédrale de Strasbourg. Ce n’est pas seulement un grand sursaut national contre l’islam radical, infiltré sur notre sol, qui est nécessaire. C’est aussi en Syrie qu’il faut changer d’alliés. On renâcle à se battre aux côtés des russes et des syriens qui sont en première ligne contre Daech au prétexte qu’ils ne sont pas de parfaits démocrates. On préfère encourager contre eux une «rébellion modérée» qui n’en est pas une. Cette vision stratégique a un nom, l’angélisme. A Bruxelles, à Paris comme en Syrie, l’angélisme doit laisser place au réalisme.

5 commentaires sur Libération de Palmyre : à Bruxelles comme en Syrie, l’angélisme doit laisser place au réalisme

  1. « Contre Daech, on ne devrait pas avoir de scrupules à se battre aux côtés des Russes, des Kurdes et de l’armée syrienne. » Hadrien Desuin semble ignorer que la quadrature du cercle au poker menteur comme dans toute activité humaine est une chimère. Avoir honte comme beaucoup de nos compatriotes en est la conséquence quand on confond but et moyens.
    A juste titre JP Delaisse remet les choses dans l’ordre « le plus urgent, c’est de liquider au plus vite et au mieux ceux qui s’attaquent aux Droits des Hommes. DAESH est en tête de liste »
    Seulement voilà ,un pays qui se dit en guerre contre des fantômes sans Foi ni Loi, contre des fous psychiatriquement dérangés venus d’un peu partout s’exercer à semer la terreur et la barbarie, ce pays se ment à lui même car il ne fait pas la guerre il « s’émotionne et gesticule  » par défilés et autres dépôts de gerbes sur la voie publique. Rendre hommage aux victimes est certes louable mais hélas nous éloigne du seul but qui vaille avec ce cancer sociétal international la chirurgie lourde pour tordre le cou à cette maladie envahissante.
    Hélas redonner des points de PIB supplémentaires à nos Armées, accepter les Lois de la Guerre, c’est à dire accepter de courir le risque des morts au champ d’honneur du combat militaire ne fait plus partie de l’Etat d’urgence de bon nombre de pays confortablement installés dans la diplomatie de bazar et la « drone » de guerre !

  2. Il est bon de savoir ce qu’il en est de la politique étrangère de l’UE et de celle des Etats membres après Maastricht et Lisbonne.

    http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/fonctionnement/enjeux-reformes/existe-t-il-politique-etrangere-europeenne.html

    EXTRAIT :

    « En outre, une politique étrangère doit s’appuyer sur une capacité de défense qui fait défaut à l’UE. Les forces armées de la plupart de ses membres sont intégrées dans l’OTAN, tandis que certains sont neutres et souhaitent le rester (Autriche, Finlande, Irlande, Malte, Suède). En outre, deux pays disposent d’une force de frappe nucléaire (France et Royaume-Uni), ce qui rend difficile une harmonisation des stratégies militaires. Enfin, le contexte budgétaire difficile de l’UE pèse sur les dépenses militaires. »

    Et dans la conclusion de cet article, on peut relever cette perle :

    « L’ensemble des relations extérieures de l’Union constitue UNE SORTE de diplomatie européenne. »

    Une diplomatie commune à 28 pays aussi différents par leur histoire et leurs intérêts géostratégiques traditionnels ne peut être autre chose qu’une « sorte de diplomatie »…, c’est-à-dire une diplomatie QUI N’EN EST PAS UNE !…

    La primauté du Droit européen a muselé et menotté les diplomatie nationales sans proposer d’outil efficace pour qu’une diplomatie commune les remplace.
    Logiquement, on peut donc constater une paralysie individuelle et collective de ces diplomaties et l’impossibilité de défendre individuellement ou collectivement nos intérêts extérieurs.

    Si vous tapez « traité de Lisbonne diplomatie souveraineté » dans votre barre de recherche, vous ne trouverez que des articles très critiques, que cela soit clairement exprimé ou à demi-mots, sur l’efficacité des mesures légalisées par les traités en ce qui concerne les diplomaties européennes.
    EXEMPLE :
    https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2011-2-page-95.htm

    Dans cette video d’une interview récente de Francois Asselineau en Martinique, il relate une anecdote très révélatrice de cette paralysie diplomatique (à partir de 30mn et 20 secondes).
    https://m.youtube.com/watch?feature=youtu.be&v=mLzbiZkNwig

    Au passage, j’en profite pour souligner son expérience et sa compétence en la matière, son franc-parler et les qualités de son argumentation.
    A ce titre, et pour répondre à ceux ( « Noël » sur l’article « Jacques Myard »…) qui souhaitent une confrontation/débat entre NDA et FA, il est très probable que le premier ait quelques hésitations, même si je peux affirmer que le second n’attend que cela…

    Bonne fêtes de Pâques à tous !

  3. Frrancis FELTRIN // 27 mars 2016 à 10 h 59 min //

    comment aider matériellement la Syrie et toutes les victimes de l’intolérance fanatique islamiste en Orient dont les chrétiens?
    Hollande a fait fermer l’Ambassade de Syrie.
    Hollande et Fabius ( mais aussi un stock important de « républicains » dont Juppé de la Fondation Amérique France comme Hollande et NKM etc..)ont soutenu et soutiennent encore les mouvements séditieux initiés par les théocraties pétrolières islamiques, la Turquie et les USA.
    Il faut ouvrir un « tribunal Russel  » chargé de juger les crimes et génocides des djihadistes et de leurs commanditaires, mêmes décorés de la Légion d’Honneur.

  4. JEAN-PAUL DELAISSE // 26 mars 2016 à 19 h 25 min //

    Tout à fait dans le même axe que M. Desuin, je suis persuadé que nos dirigeants actuels, et sans doute aussi beaucoup des précédents, n’ont de la géopolitique qu’une connaissance libresque issue de l’ENA, connaissance qu’ils n’appliquent pas. L’ENA a été une belle institution, aurait pu la rester, mais ce n’est plus le cas. J’ai le sentiment qu’on y apprends essentiellement l’art de berner ceux qui écoutent.
    La situation en Syrie semble tellement évidente à tous, que tous reste béats devant l’inertie totale de nos « chefs » (…?…).
    Ceux-ci se cantonnent dans un optimisme hors du temps et des situations, dans des considérations et des élucubrations intellectuelles « bobos » similaires à celles que nous avons connues lors des guerres d’Indochine et d’Algérie.
    Je m’attend à entendre de toute part les protestations véhémentes des « défenseurs des Droits de l’Homme », quand il s’agira de passer en jugement ceux qu’on aura réussi à interpeller avant leur auto-destruction.
    Mais quoi !! bon sang (je reste correct dans l’article !) !! Ces gens-là auraient encore des droits similaires à Mère Thérésa, ou à ceux dont elle s’occupa ???
    Mon amertume envers tout ces « charlots » n’a pas de limite. Quant aux médias, elles restent soigneusement dans le sens du vent, de peur de déplaire à ces mêmes « chefs », lesquels en ont besoin pour exprimer leurs pauvres visions du monde. Poutine est peut-être tout ce que l’on veut, mais au moins, il garde la tête froide, et sa vision au moins est réaliste, et il l’applique avec succès.

    Pour régler d’autres comptes, il faut d’abord régler le plus urgent, et le plus urgent, c’est de liquider au plus vite et au mieux ceux qui s’attaquent aux Droits des Hommes. DAESH est en tête de liste, et c’est quand même simple…trop simple sans doute pour les énarques….entre eux copains comme cochons, quelle que soit la promotion…

  5. Je suis heureux que palmyre soir libère. Pour y être allé deux fois,
    Merci à l’armée Russe notre meilleurs allié qui défend nos valeurs,respect à l’armée syrienne.
    Hé suis encien militaire j’ai honte de notre politique.
    Courage et felicitation pour votre article.

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