« Séchez donc vos larmes de crocodiles »

FIGAROVOX/TRIBUNE – Alors que le salon de l’agriculture s’ouvre le 27 février, Nicolas Dupont-Aignan reproche aux gouvernement successifs d’avoir capitulé à Bruxelles et bradé la politique agricole commune.

258032_dupontaignanNicolas Dupont-Aignan est président de Debout la France (DLF), maire d’Yerres (Essonne) depuis 1995 et député depuis 1997. Il a été candidat à l’élection présidentielle de 2012.

Ministre et anciens ministres de l’Agriculture, présidents de la République en exercice ou battu, vous vous pressez tous en pleurs au chevet d’une agriculture française à l’agonie. Oui, aujourd’hui l’agriculture française est à l’agonie : un agriculteur se suicide tous les deux jours, en 25 ans le pays a perdu plus de la moitié de ses exploitations agricoles, le revenu des agriculteurs est soumis à un yoyo vertigineux et dans nombre de filières, notamment le lait et l’élevage, la surproduction fait chuter les prix sous les coûts de revient.

Vous, Stéphane Le Foll, Michel Barnier, Bruno Le Maire, François Hollande et Nicolas Sarkozy, avez donc de bonnes raisons de pleurer, d’autant plus que vous êtes les premiers responsables de ce champ de ruine… Car depuis une quinzaine d’années, c’est vous qui avez capitulé à Bruxelles et bradé la seule politique communautaire qui marchait, la PAC.

« Bons européens », volontiers donneurs de leçon sur la nécessaire adaptation de l’agriculture au « nouveau monde »:

– vous avez en réalité matraqué nos petites exploitations de charges et d’une pression administrative étouffante ;

– vous avez sacrifié la qualité des produits issus de nos terroirs en les exposant à une concurrence déloyale qui tire les prix vers le bas : notamment l’Allemagne qui a recours à des travailleurs « esclaves » low-cost de Turquie ou d’Europe de l’Est ;

– c’est enfin vous qui accueillez aujourd’hui religieusement le traité transatlantique qui portera le coup de grâce à notre agriculture.

En 2007, vous, Michel Barnier avez délibérément capitulé face à la logique du libre marché exigée par Bruxelles en supprimant la régulation des prix garantis du lait et en acceptant le plafonnement des aides directes: «Elle [La France] n’adoptera pas une position opposée à la proposition de la Commission d’un plafonnement des aides» (Interview de M. Barnier, Gazeta Wyborcza, 30/11/2007).

Sans ces prix garantis, les exploitants sont exposés sans aucun filet de sécurité aux fluctuations des cours mondiaux, qui s’envolent une année et s’effondrent la suivante, les mettant à la merci d’industriels imposant des prix d’achat de misère. C’est en avril 2008, sous la pression de Bruxelles, où vous Michel Barnier briguiez un confortable fauteuil de Commissaire, que la DGCCRF a supprimé le tarif recommandé du lait.

Moins de deux ans plus tard, c’était votre tour, Bruno Le Maire, qui avez soutenu la suppression des quotas laitiers – entrée en vigueur le 1er janvier 2015 – alors qu’ils protégeaient nos filières de la concurrence déloyale : «Je n’en ai pas voulu [du système des quotas] car je ne l’aurais jamais obtenu.» (B. Le Maire à l’Assemblée Nationale, 16/09/2009).

L’existence de ces quotas, dans la filière laitière comme dans d’autres, garantissait une quantité de production et des prix d’achat compatibles avec les structures et les contraintes, normatives et autres, propres à chacun des pays européens. Une fois supprimés, la porte était grande ouverte à la mise en concurrence sauvage d’agricultures nationales totalement différentes, condamnant en particulier celle de notre pays, dont les spécificités ne lui permettent pas d’affronter une concurrence européenne très déloyale.

Tout le monde savait que la suppression des quotas laitiers début 2015 risquait de dévaster le lait français, dont la seule planche de salut, la montée en puissance annoncée et durable du marché chinois, devait finalement se révéler illusoire.

Enfin, Stéphane Le Foll, actuel ministre de l’Agriculture, vous vous contentez de faire de la figuration dans des Conseils européens où la France n’a plus les moyens juridiques et politiques d’inverser la vapeur, ayant signé et approuvé des accords condamnant à mort son agriculture. Vous tentez ainsi désespérément d’acheter la paix sociale auprès de nos agriculteurs en multipliant des promesses d’aides d’urgence dérisoires, qui ne font pas illusion.

Il est pourtant possible de remonter la pente, car l’agriculture française dispose de l’essentiel, de ses atouts incomparables qu’elle peut faire fructifier : de ses hommes et de ses femmes, des terroirs, des espaces, des trésors de savoir-faire, des jeunes prêts à s’engager, d’une variété enviée de paysages et de climats, d’une industrie de transformation parmi les plus performantes au monde, de compétences scientifiques reconnues, de chambres d’agricultures innovantes…

Mais il faut d’abord vouloir, comme l’avait voulu le général de Gaulle qui avait osé la politique de la chaise vide en 1965 (Lire ICI) et modernisé une agriculture promise, croyait-on alors, au déclin. Et comme le prouve encore aujourd’hui l’opiniâtreté d’un David Cameron qui a obtenu beaucoup de dérogations et d’adaptations pour son pays en osant taper du poing sur la table…

Il faut remettre les choses sur les rails, c’est un préalable indispensable: réguler certaines productions comme le lait et établir un dispositif de prix garantis planchers et de quotas nationaux, mettre fin au travail détaché en Europe, supprimer les charges salariales sur les employés agricoles contre la création d’une taxe minime sur la grande distribution qui profite de marges trop abusives, rétablir la préférence communautaire et immédiatement mettre un terme aux négociations sur le TAFTA.

Il ne s’agira pas de fossiliser une agriculture du passé mais d’inventer celle du nouveau siècle : à Debout la France, nous savons qu’il faut réguler le marché agricole comme le font depuis des décennies et continuent de le faire tous les pays développés du monde, notamment le Canada ou la Suisse. Nous voulons une agriculture performante, qui relève les défis de la concurrence loyale, innove et avance.

Vous, présidents et ministres, qui n’avez que l’Europe à la bouche mais êtes les fossoyeurs de l’agriculture en Europe et en France, séchez donc vos larmes de crocodiles et, enfin, laissez-nous sérieusement sauver l’agriculture française !

8 commentaires sur « Séchez donc vos larmes de crocodiles »

  1. Plus j’y pense et plus ce dernier baroud auprès de la Troïka, proposé par NDA, JLM, Cheminade et MLP, m’apparaît comme un « Munich 2.0″… Et Cameron débarquant à Londres en brandissant les concessions obtenues pour les Britaniques, me fait penser à Chamberlain, de retour de Munich, qui brandissait les promesses d’Hitler à sa descente d’avion…

    A propos de la délégation Britaniques, Winston Churchill déclare dans le Times du 7 novembre 1938 : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre »

    Toutefois, je concède que Cameron et son entourage sont plus proches de Daladier (qui de retour à Paris ne se faisait guère d’illusions…), que de Chamberlain…

    Ma combativité fait que je suis prêt à faire l’effort d’exposer le point de vue de l’UPR qui, je le rappelle, n’est pas un parti politique, mais un rassemblement dont l’obsolescence est inscrite dans sa charte et qui propose de faire sortir la France de l’UE par la voie légale (telle que celle utilisée par CDG pour faire sortir la France de l’OTAN…) pour être dissout, aussitôt la France libérée.

    Même si l’idée m’effleure encore, parfois,…par découragement,sans aucun doute…, de voir se créer un grand rassemblement souverainiste regroupant NDA, JLM, MLP (pardon pour ce gros-mot !…),JPC, Cheminade (qui fait preuve de constance en s’attaquant au système bancaire plus que tous les autres) et pourquoi-pas Guaino ou Fillon, qui semblent avoir sur ces pages quelques sympathies, j’en reviens toujours à la même logique : il est inutile de créé ce qui existe déjà et qui s’appelle UPR.

    Mais en mon fort intérieur et pour ce qui me concerne, étant donné l’état de contradictions qui se fait jour (et qui s’amplifie) entre la troïka et les intérêts des nations de l’UE, je suis de plus en plus tenté de suivre ce conseil :
    « Assieds-toi au bord de la rivière et tu verras passer le cadavre de ton adversaire… »

    Le problème étant qu’à la suite du cadavre de l’UE, je n’ai pas envie de voir passer celui de la France et que pour y parer, il convient que la sortie de l’UE soit au moins accompagnée, à défaut d’être provoquée, par un mouvement fort et déterminé…

    Mais si l’UPR ne manque pas de cette détermination, seul un rapide accroissement de ses effectifs et de ses moyens pourra en faire l’outil nécessaire pour mener à bien la transition entre la perdition supranationale et l’indépendance.
    Selon les plus ou moins récentes déclarations des leaders cités plus haut, quasiment tous disent ou sous-entendent qu’en cas de refus de la Troïka de donner satisfaction à leurs demandes de modification des traités (dans le cas très improbable où l’un d’eux serait élu en 2017…), il conviendrait de sortir de l’UE.

    Le deux derniers points d’achoppement entre ce que préconise l’UPR et eux concernent :

    – l’intérêt d’aller quémander à Bruxelles des modifications des traités qu’ils n’obtiendront jamais, comme je l’explique dans mes messages précédents…

    – la nécessité de sortir légalement en utilisant l’article 50, comme vraisemblablement CDG l’aurait fait puisqu’il en va de la respectabilité de la France.

    Pour le reste, Asselineau n’est pas un concurent des leaders que je cite, mais un technicien neutre,éclairé et compétant qui propose depuis bientôt 10 ans ce que tous les autres finissent ou finiront par proposer à leur tour.

    La résolution de nos problèmes ne dépend que de la capacité des autres leaders politiques à mettre leur égo en sourdine pour accompagner et renforcer ce mouvement de rassemblement.

    Le même problème d’égo se poserait d’ailleurs, s’il s’agissait de créer un autre mouvement de rassemblement,à la fois similaire et distinct de l’UPR.

  2. Cet article est tout à fait intéressant et en fait NDA et JLM se rejoignent totalement sur cette analyse , ce qui ne ma surprend pas !
    d’ailleurs Michel Onfray l’avait prédit !

  3. Jacques Payen,
    Malheureusement, la politique de la chaise vide n’a jamais entraîné de modifications des traités…
    Le droit de véto était, quant à lui, une concession accordée sans inscription dans les traités. Ce droit de veto n’a été utilisé qu’une dizaine de fois entre 1958 et les années 80, pour finalement tomber en désuétude. Son usage n’a pas non plus entraîné de modification des traités.

    Les concessions accordées à Cameron et sur lesquelles NDA appuie son raisonnement, n’ont été accordées que par quelques chefs de gouvernements et n’ont aucune valeur légale devant la CJUE.
    Elles ne sont donc pas entrées dans la Loi communautaire et seront attaquées, dès la première plainte d’un ressortissant communautaire voulant faire valoir ses droits sociaux, lorsqu’il sera sur le territoire britannique. La CJUE lui donnera immanquablement raison…
    Par opposition, concernant Schengen et l’Euro, les dérogations accordées aux Britaniques sont inscrites dans les traités depuis leur adhésion…

    L’UE a tiré ses dernières cartouches pour éviter le Brexit mais les Britanniques ne seront pas dupes… Croyez-le, s’ils avaient pu faire davantage, ils l’auraient fait !…

    Aucune volonté politique ne pourra entraîner de modification des traités pour la bonne et simple raison que celà ouvrirait une boîte de Pandore et chaque état européen serait à son tour en droit de demander les modifications qui lui conviennent. Celà n’existera jamais !

    C’est bien là que l’on se rend compte de la nature résolument et définitivement piègeuse de la construction européenne et de l’effet de cliquet des règlements et des traités successifs depuis 1958.

    Il vaut donc mieux envisager au plus vite une sortie unilatérale, plutôt que de tenter un baroud d’honneur à l’issue prévisible et finalement,…déshonorante…!
    Les traités forment un tout plus ou moins mal ficelé mais dont la moindre modification entraînerait la chute de l’UE. Ils seront donc défendus jusqu’au dernier technocrate…

    Devant cet état de fait, je conclue :

    Messieurs les Anglais, sortez les premiers !

  4. Intéressant, cet article du Figaro de Janvier 2013 qui relativise déjà les concessions que l’UE sera prête à accorder aux Britaniques…

    http://www.lefigaro.fr/international/2013/01/23/01003-20130123ARTFIG00451-comment-un-pays-peut-il-sortir-de-l-union-europeenne.php

  5. Si celà peut intéresser quelqu’un, voici la vidéo d’un très court débat au salon de l’agriculture avec Nicolas Dupont Aignan et Francois Asselineau.

    http://www.upr.fr/emissions-radio-tv/francois-asselineau-debat-au-salon-international-agriculture-politiques-a-la-ferme

    Ce dernier complète ses interventions sur Facebook, notamment en ce qui concerne les concessions accordées à Cameron et l’argument mis en avant par NDA, qui affirme que la volonté politique suffirait pour faire céder l’UE sur les traités.

    https://fr-fr.facebook.com/upr.francoisasselineau/posts/10154014567047612:0

  6. « l’agriculture française dispose de l’essentiel, de ses atouts incomparables qu’elle peut faire fructifier : de ses hommes et de ses femmes, des terroirs, des espaces, des trésors de savoir-faire, des jeunes prêts à s’engager, d’une variété enviée de paysages et de climats, d’une industrie de transformation parmi les plus performantes au monde, de compétences scientifiques reconnues, de chambres d’agricultures innovantes… » NDA n’oublie qu’une seul facteur, le facteur essentiel : LE FRIC !
    Le sur-endettement chronique global de tous les acteurs, y compris l’Etat français et bon nombre de collectivités territoriales, plombe la compétitivité des exploitants, ajoute des surcoûts financiers extravagants pour tous, en conduit certains au suicide et ruine les efforts des plus raisonnables. Alors comme toujours dans la bouche des politicards il est plus facile de désigner « l’Europe..l’Europe », l’Europe comme ironisait le Gl de Gaulle ou bien encore de faire porter la responsabilité des difficultés sur des tiers….souvent mal identifiés. La crise agricole n’est que le révélateur du mal profond qui ronge tous nos secteurs économiques l’ENDETTEMENT irraisonné et excessif de nos développements.
    Réfléchissons sur le coût de la part alimentaire des produits qui viennent dans votre assiette y compris le pain et alors nous constaterons qu’en dehors de la part alimentaire nous mangeons d’abord des frais financiers, des impôts ,des taxes sur l’énergie, les emballages les transports, la distribution etc. etc. etc et accessoirement le juste prix de revient d’accès à notre bonheur alimentaire…viandes, poissons, volailles, fruits et légumes etc,etc !
    Le désastre financier de politiques suicidaires de la grande cavalerie financière qui consiste à rembourser ses dettes par de nouveaux emprunts ruine la France et le monde agricole est en première ligne pour en subir les conséquences.

  7. Flamant rose // 26 février 2016 à 16 h 05 min //

    L’agriculture est l’une des richesses naturelles de la France. Elle est un des éléments fondamental de sa puissance économique.

    Vis à vis de son agriculture, la France a des possibilités de nature bien différentes car elles tiennent à la fois à la dimension européenne donnée par la politique agricole commune et aux implications de la politique nationale choisie par les responsables de l’État. Toute politique agricole exige qu’un ceratin nombre de préalables soient levés, le premier d’entre d’entre eux étant que l’État devrait ne pas laisser diverger durablement nos grands équilibres par rapport à ceux de nos partenaires européennes et depuis des décennies , cela n’a pas été le cas.

    Le premier devoir d’un gouvernement soucieux de défendre l’agriculture française devrait être de s’imposer, dans la conduite des affaires économiques, la même rigueur et la même discipline que ses partenaires. Là encore on en est loin. Reste que même si c’était le cas et, une fois ce préalable levé, reste l’essentiel c’est à dire la mise en œuvre d’une politique agricole orientée vers l’avenir, qui tienne compte à la fois, des nécessités économiques et de l’aspect humain de cette activité essentielle pour la nation. L’objectif essentiel de toute politique agricole doit être de garantir aux agriculteurs la progression régulière de leurs revenus, ce qui répond à la fois à une exigence de justice sociale et à un souci d’efficacité économique.

    En Camargue, certains de nos riziculteurs (et il y en a de plus en plus ) s’apprêtent à abandonner la culture du riz pour se diversifier. La décision de la France d’exclure la riziculture de la Politique agricole commune a été un coup de massue pour les agriculteurs du delta du Rhône. La Camargue a déjà perdu 6000 hectares de riz en 2 ans passant de 18000 ha en 2013 à 12000 en 2015. Ce que ignore probablement Le Foll à l’origine de cette mesure c’est que le paysage, également, va changer. parce que si les riziculteurs sont obligés de se diversifier, sur le plan environnemental on ne verra jamais de hérons ou de flamants roses sur un champ de tomates.

  8. Jacques Payen // 26 février 2016 à 14 h 50 min //

    Une seule solution : la remise en cause, des Traités.

    Soit, implicitement, par la politique de la chaise vide jusqu’à une prise en compte de nos intérêts vitaux.

    Soit par une dénonciation juridique.

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