Hollande se prend les pieds dans le tapis

La révision de la Constitution que le président de la République et son Premier ministre comptent soumettre au Congrès est une aberration.

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par Dominique Jamet – Journaliste et écrivain. Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d’une vingtaine de romans et d’essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication

Une femme est-elle un peu enceinte ? Elle est enceinte ou elle ne l’est pas. Peut-on être un peu français ? On est français ou on ne l’est pas.

Thomas Jefferson a écrit : « Tout homme a deux patries : la sienne et la France. » Pris au pied de la lettre, cet axiome flatteur, s’il était toujours vérifié, nous doterait de sept milliards de compatriotes, ce qui fait du monde. Il va de soi que celui qui fut le deuxième président des États-Unis d’Amérique, s’en tenant au registre affectif et intellectuel, ne faisait que rendre un hommage poussé à l’universalisme français. On évalue, aujourd’hui, à seulement un peu plus de trois millions le nombre de nos concitoyens qui jouissent également d’une seconde nationalité, cette situation curieuse étant en grande partie un héritage de notre passé colonial. Sont-ils, du coup, deux fois moins français que les autres, ou deux fois plus ? Ni plus ni moins : ils sont français. Juridiquement français.

Il se trouve qu’un certain nombre d’entre eux, parfois en raison de leur origine, certainement en fonction de leur adhésion à un islamisme radical, ont commis des actes qui les mettent en rupture avec la France. Cela justifie-t-il qu’on crée à leur seul détriment un régime spécial qui en ferait une catégorie de Français à part réduite, traités différemment des autres Français ? Cela justifie-t-il que l’on prenne contre eux, et seulement contre eux, des sanctions rétroactives, contrairement à un principe élémentaire et fondamental du droit ? Cela justifie-t-il que l’on mette en demeure leur autre pays de rattachement, qui n’a que faire d’un semblable cadeau, d’accueillir sur son sol ces déchets dont nous ne savons comment nous débarrasser ? Évidemment non.

La révision de la Constitution que le président de la République et son Premier ministre comptent soumettre au Congrès est une aberration à tous points de vue.

Sur le plan factuel, elle est sans intérêt, car la menace de déchoir de leur seconde nationalité des gens dont les agissements prouvent assez qu’ils n’en ont que faire est évidemment inefficace. Sur le plan juridique, elle est borgne et boiteuse. Elle ne tient compte, en effet, que d’une partie de la réalité. On sait qu’environ un quart des djihadistes sont des convertis. Un Français de souche ancienne, fanatisé de fraîche date, serait-il plus légitime à prendre les armes contre son propre pays qu’un Français d’acquisition récente ? L’un comme l’autre ne sont-ils pas, également, coupables du crime de haute trahison ? Que vaut une loi qui dispose qu’à crime identique, le châtiment ne sera pas le même mais qu’il sera proportionné aux origines ethniques, au statut social et à la tête du client ? Pourquoi l’état civil de leurs ancêtres vaudrait-il condamnation pour l’un et dispense pour l’autre ?

Dans le contexte des événements actuels, il aurait été plus judicieux et mieux approprié de se pencher sur les conditions dans lesquelles accèdent à la nationalité française des personnes qui ne la souhaitent pas ou même n’en veulent pas, qui parfois haïssent le pays dont on les fait citoyens, qui n’en connaissent pas la langue, qui n’en acceptent ni les mœurs ni les lois, et de procéder à une stricte révision de ces conditions de telle sorte que l’avenir ne reproduise pas les erreurs du passé.

D’autre part, plutôt que de s’embarquer dans une aventure constitutionnelle incertaine, discutable, voire incompatible avec les bases mêmes de nos institutions, il était possible de puiser dans l’arsenal des lois existantes ou de reprendre des dispositions imaginées et utilisées dans le passé. Ceux qui, français, prennent les armes contre la France et singulièrement ceux qui, français, tuent d’autres Français parce que français, s’excluent eux-mêmes de la communauté nationale. La moindre des choses, dès lors qu’ils se sont rendus coupables de ces crimes, est de les frapper immédiatement et automatiquement d’une dégradation ou d’une indignité nationale qui les priveraient définitivement de tous leurs droits civiques : droit de vote, éligibilité, accès aux emplois publics, cela sans préjudice des condamnations proportionnées à leurs actes, c’est-à-dire de la réclusion perpétuelle sans possibilité de réduction de peine. Faute de mieux.

Prenant apparemment pour modèle son prédécesseur immédiat, François Hollande a cru devoir adapter dans la précipitation notre loi fondamentale aux événements. Il a surfé sur l’émotion, il est allé très loin dans le sens des propositions et des espérances de la droite et même du Front national, il a tenté de tirer un bénéfice politique d’un drame national. Ce faisant, il a sous-estimé la violence des réactions, dans son propre camp, à la trahison de ces « valeurs républicaines » dont il se gargarise. Il s’est pris les pieds dans le tapis. Cela arrive aux plus malins.

Dominique Jamet

 

5 commentaires sur Hollande se prend les pieds dans le tapis

  1. Il faudra un jour alléger nôtre Constitution de tous ses ajouts inutiles depuis 20 ans.

  2. Une manie bien française : chaque président veut faire sa petite et inutile réforme de la Constitution!

  3. François Hollande est un néoconservateur dans la lignée de Bush Junior, Blair et autres personnages soumis aux oligopoles financiers industriels. il importe le patriot act.
    il est une marionnette qui entend rester au pouvoir, à n’importe quel prix.
    Il se verrait bien dans la position de président d’une France comme le reste de l’UE, devenue par la signature du traité transatlantique, un protectorat de l »hyperpuissance. Il occupera un poste sans responsabilité, qui lui ira parfaitement !

  4. Je suis heureux de me trouver en total accord avec Dominique Jamet et triste, si j’en crois les sondages, d’être en désaccord total avec 94% de nos concitoyens.

    94% de nos concitoyens qui ne voit pas la grosse ficelle politicienne qu’agite Hollande, en bon élève du roi des coups tordus qu’était son professeur Mitterrand.

    Revenons à l’essentiel. Ces gesticulations ne sont fondées ni en droit ni en raison. Leur but est de détourner l’attention.

    Par exemple, d’éviter de poser la question de la responsabilité du gouvernement dans les crimes du 13 novembre en raison de son refus de coopérer avec les services secrets syriens pour lutter contre le terrorisme djihadiste.

    Cette question viendra un jour au rôle de l’Histoire. Et si j’étais Fabius, je tremblerais.

    Pour faire diversion, on amuse la galerie avec une mesure inepte, une espèce de peine à teneur symbolique, certainement inconstitutionnelle, et sans aucune efficacité pratique.

  5. La France est devenue un pays de Perroquets qui disent mais n’écoutent pas.
    Cette proposition de révision constitutionnelle ,c’est encore un truc pour semer la pagaille dans les rangs des politicards de tous bords.
    Est-ce que cette déchéance va faire renoncer les kamikazes à passer à l’acte ? Réponse, NON puisqu’ils cherchent à partir ailleurs en fumée!
    Est-ce que cette déchéance va faire renoncer tous les terroristes en herbe ? Réponse, NON, car sur leur CV cela deviendra un MUST comme la PUB faite à leurs actes odieux!
    Est-ce que cette déchéance s’appliquera aux français à part entière? Réponse, NON puisqu’ils deviendraient apatrides et que cela est Interdit par toutes les conventions internationales.
    Est-ce que cette mesure, si elle n’est pas retoquée par le Conseil Constitutionnel, et si elle recueille les 3/5 du Congrès, évitera la surpopulation carcérale des terroristes condamnés? Réponse, NON et la radicalisation des « embastillés » perdurera.
    Est-ce que cette mesure à la sauce hollandaise va nous coûter beaucoup de pognon ? Réponse ,OUI, car il faudra, déployer beaucoup de moyens judiciaires pour condamner JUSTE et après purge des condamnations dans nos prisons, retourner à nos frais les fauteurs de trouble dans leur pays!
    Et voilà donc le piège qui se referme sur l’opposition qui va du coup devoir voter la réforme de l’article 16 de la Constitution emballé dans le même paquet de révision constitutionnelle avec la déchéance de nationalité qu’elle appelait il y a quelques années de ses vœux.
    La vie en Démocratie a un coût, la médiocratie politicienne conduit hélas à un surcoût qu’il nous faudra aussi payer.

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