La Ve République est encore bien vivante. N’en déplaise à certains « penseurs » !

Manuel Valls, Emmanuel Macron et Jean-Pierre Raffarin, artisans d'une future "union nationale" ? Ici le 2 juillet 2015. (P.PAVANI / AFP)

Jean Garrigues, historien, nous livre sur le site « leplus.nouvelobs.com » une analyse ambiguë sur la situation politique actuelle qui lui autorise ce titre évocateur : «Tout changer : bipartisme, président monarque… La Ve République est usée, réformons-la» *.

L’examen de son réquisitoire contre la Ve République, réquisitoire justifié par la menace terroriste et la montée du FN comme le précise en introduction Louise Pothier, chef du service « leplus.nouvelobs », me semble non seulement incomplet, mais aussi particulièrement récursif de la bien-pensance de certains milieux politiques qui revendiquent une VIe République sans jamais en préciser le contenu.

De l’Union nationale.

Pour Jean Garrigues, l’Union nationale est tout à fait possible, « à condition bien sûr, précise-t-il, de tout changer ». Vive le grand soir anticonstitutionnel !

Première idée force : en finir avec le bipartisme qui, nous le constatons d’élection en élection, n’existe plus. Bien entendu, à l’image de tous ceux qui veulent donner la leçon, et à grand renfort d’affirmations non éclairées, Jean Garrigues détermine deux pôles extrêmes : « Une gauche clairement anti-libérale » composé du Front de gauche et d’une partie des « frondeurs » du PS, et de l’autre côté, « une droite populiste, identitaire, autoritariste et souverainiste » autour d’un point central, le FN.

Et puis, en pleine jouissance, notre historien regroupe tout le reste, « un bloc des modérés, qu’ils soient socialisants, centristes, radicaux ou plus conservateurs » qu’il considère en accord sur l’essentiel : société libérale régulée et protectrice, en plus « tournée vers l’horizon européen ».

Chacun peut noter, sourire aux lèvres, les contradictions en si peu de mots : libérale, régulée et protectrice (!). Quant à l’européisme qui serait le monopole de cette coalition hétérogène, de quel droit Jean Garrigues distribue-t-il un certificat de bon « Européen » aux seules sensibilités pour lesquelles il montre quel qu’intérêt. En classant ainsi chacun de nous dans une case pré-formatée, il exclut tout en réclamant l’Union nationale ceux qui, comme les gaullistes de conviction, acceptent l’Union européenne, mais réclament aussi une nouvelle orientation et une gouvernance différente. En fait, une UE indépendante et orientée projets.

L’élection présidentielle.

Mais qui empêche l’Union nationale ? La Ve République répond Jean Garrigues. Pas les hommes, mais la constitution, celle de 1958 corrigée en 1962 par l’élection du Président de la république au suffrage universel**. Nous y sommes ; à bas la république gaulliste. Ainsi, espère-t-il être écouté tant la situation politicienne aujourd’hui est propice aux amalgames : la « revanche du parlementarisme » est une orientation qui se présente moderne alors qu’elle n’est en réalité que le fantôme de feue la IVe république.

Pour Jean Garrigue, « l’obsession présidentielle empêche l’union »… et pour le démontrer il ose prendre deux exemples de « majorité d’idées » qui démontrent le contraire : la loi sur l’IVG en 1974 et l’abolition de la peine de mort en 1981… votées par une majorité bien au-delà des clivages traditionnels droite-gauche alors que les Présidents de la république étaient des élus au suffrage universel pour une durée de 7 années***. Septennat supprimé et remplacé par le quinquennat (avec dans la foulée l’élection d’une nouvelle assemblée nationale) qui a eu pour conséquence de menotter le Président et l’Assemblée, ce que n’a jamais voulu le créateur de la Ve République.

Ce qui m’amène à modérer mes propos envers Jean Garrigues puisqu’à défaut de réclamer une VIe République (C’est aujourd’hui une mode !), il en propose une réforme portant essentiellement sur 2 points : revenir au septennat et instiller une dose de proportionnelle pour l’élection de l’Assemblée nationale. Et voilà qu’il retrouve quelques qualités à cette Ve République. Le retour au septennat qu’il souhaite unique, il y voit alors un gage « à la fois de durée, de volontarisme et de séparation des pouvoirs, parce qu’il permettra de couper le cordon ombilical entre le Président de la république et la majorité parlementaire ».

293952-jpg_182508_1000x667C’est bien ce qui existait du temps du Général à la condition que soit réhabilitée l’utilisation du référendum, seul moyen démocratique de régler un différend entre le Chef de l’État et le parlement. Mais Jean Garrigues ne l’évoque pas. Un oubli sans doute !

Quant à la dose de proportionnelle pour les élections législatives, rien n’empêche de le faire, en garantissant néanmoins une majorité pour gouverner, la loi électorale n’étant pas gravée dans la constitution.

En conclusion, comme le montre Jean Garrigue, la Ve République n’est pas encore usée et elle a prouvé tout au long de son existence tous les bienfaits qu’elle peut prodiguer à la France pour peu que soient respectés et sa lettre et son esprit. Une affaire d’homme en fait !

Alain Kerhervé


Texte ICI

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*** Il convient de noter également la fin de la guerre d’Algérie.


 

5 commentaires sur La Ve République est encore bien vivante. N’en déplaise à certains « penseurs » !

  1. Delaisse Jean-Paul // 5 janvier 2016 à 16 h 19 min //

    Aucune objection, au contraire sur l’exposé de M. Herhervé, ni sur les commentaires ! Maintenant, que tout soit clair : Chirac, se vantant d’être gaulliste jusqu’au bout des ongles pour être élu, a bel et bien torpillé la Vè en plaçant le quinquennat, et supprimant le Service militaire ! Le septennat est une nécessité logique pour le fonctionnement des institutions tel que le voulait le Génarl, et le Service (sans doute qu’il aurait fallu le remanier), était un creuset social qui permettait la mixité des opinions, et le ciment de base de la Nation, là ou chaque homme, et donc, chaque famille pouvait retrouver une stabilité commune, en dehors des opinions politiques, ou des orientations sociales.

  2. Bien vu Richard, mais ce n’est pas la quadrature du cercle analysé par Jean Garrigues mais bel et bien le Triangle des Bermudes politicien que j’évoquais sur ce forum !!!!

  3. Pourquoi une VI ème République ? C’est toute la classe politique qu’il faut changer. De nouveaux hommes, sincères, honnêtes, francs etc… Mais, là, je crois que je rêve debout.

  4. Avec le quinquennat,l’Europe et la décentralisation la République n’est plus ce qu’elle était. Nous ne sommes plus vraiment libres, souverains.

  5. Oui il n’a pas tort Alain Kerhervé ,la Vème République est bien vivante preuve s’il en est du nombre de candidats aux élections. On a multiplié les sièges dans la quasi totalité des Assemblées y compris lors des dernières élections de conseillers départementaux où l’on se retrouve globalement avec plus de conseillers malgré la disparition de la moitié des cantons !
    La Vème République de ce point de vue nourrit de ses bienfaits ses enfants élus à telle enseigne que bon nombre ont choisi d’en faire leur métier à défaut d’en avoir exercé un autre.
    Quant à savoir si la lettre et l’Esprit de la Constitution président aux décisions, Lois , décrets et règlements mis en oeuvre en abondance depuis 1958, on pourrait constater que la Lettre est passablement jaunie face au monde nouveau qui est apparu sur la planète bleue et que, pour l’Esprit ,le triangle des Bermudes de la politique politicienne a été atteint avec obstination pour certains, avec roublardise pour un certain nombre,avec résignation pour d’autres mais toujours avec une certaine passion pour les « grandes gueules » prêtes à nous vendre des vessies pour des lanternes.
    Alors comment expliquer le paradoxe de la Vème République qui tremble en franchissant l’espace-temps du saut dans l’inconnu mais ne rompt pas : oui vous avez encore raison Alain Kerhervé, ce sont les hommes qui en décident ainsi et il n’est pas encore arrivé le temps de la VIème République tant que le Ciel ne sera pas tombé sur la tête de ce beau pays latin et ensoleillé tant vanté dans Alice au Pays des merveilles et de ce point de vue Monsieur Garrigues devra fournir d’autres arguments pour sa thèse du grand soir constitutionnel.

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  1. La Ve République est encore bien vivante. N’en déplaise à certains « penseurs » ! | Gaullisme.fr | Grégory Lamothe

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