Sondage : la gauche en miettes, le PS coupé en deux

46% des Français jugent que le PS est « insuffisamment à gauche », selon une enquête de l’Ifop réalisée pour « L’Obs ».
Une critique qui porte surtout sur la politique économique et sociale du trio Hollande-Valls-Macron.

Une gauche en miettes, un PS coupé en deux et un impossible défi à relever pour François Hollande s’il entend avoir encore une chance de remporter l’élection présidentielle dans deux ans : rassembler ce qui est aujourd’hui épars dans son camp et recoller les morceaux d’une famille éclatée, tiraillée par des attentes contradictoires. Tel est en substance le verdict du sondage réalisé pour « L’Obs » par l’Ifop (*) qui a demandé aux Français de juger le positionnement politique du parti de la rue de Solférino.

Au bout de trois ans de présence au pouvoir, le recentrage « social-libéral » du PS n’a pas échappé à grand monde : 46% des Français jugent en effet que le PS est désormais « insuffisamment à gauche », une proportion qui atteint 67% parmi les sympathisants écologistes et 81% chez les supporters du Front de gauche ! Plus inquiétant encore pour le tandem exécutif Hollande-Valls, 44% des électeurs socialistes sont du même avis, contre 49% seulement qui pensent au contraire que leur parti se situe « à gauche comme il faut » :

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Le légitimisme des maigres cohortes militantes du parti, qui se sont rangées à plus de 60% derrière la motion de Jean-Christophe Cambadélis, n’est donc pas représentatif des lourds états d’âme des sympathisants socialistes. Ce décalage entre le vote de quelques dizaines de milliers d’adhérents au congrès de Poitiers et l’opinion des électeurs socialistes marque un vrai tournant.

Un noyau dur divisé

Pour la première fois dans l’histoire du PS, les adhérents du parti – ceux qui restent – sont désormais moins revendicatifs et bien plus disciplinés, sages ou résignés que les électeurs – ceux qui ne sont pas encore partis. Longtemps, l’adage voulait que les congrès socialistes « se gagnent à gauche », et les élections, « au centre ». Cette période est révolue, et les militants PS semblent se situer aujourd’hui plus à droite que les simples sympathisants.

Amorcée depuis déjà quelques années, cette évolution explique que Manuel Valls, qui n’avait recueilli que 5% des suffrages des 3 millions d’électeurs de gauche lors de la primaire présidentielle en 2011, se soit imposé trois ans et demi plus tard à la tête du gouvernement et que ses positions imprègnent désormais le cœur du PS et sa motion majoritaire.

En définitive, le noyau dur des sympathisants socialistes, dont la reconquête est indispensable à une hypothétique réélection de François Hollande en 2017, apparaît comme divisé en deux morceaux de tailles quasi égales. Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop, résume :

 Le PS se retrouve au milieu du gué, et deux discours contradictoires sont aujourd’hui audibles. D’un côté, les sociaux-libéraux peuvent dire : ‘On a déjà fait un gros bout de chemin, ce n’est pas le moment de lâcher’ ; de l’autre, les socialistes plus traditionnels peuvent réclamer au contraire un vigoureux coup de barre à gauche. »

Pour l’exécutif, continuer dans la voie de la politique de l’offre incarnée par les baisses de charges du pacte de responsabilité, c’est courir le risque de perdre définitivement le soutien des classes populaires, mais opérer un périlleux tête-à-queue, c’est se fâcher avec les nouveaux convertis.

Un exécutif droitier

Elevé au lait des préceptes fondateurs du mitterrandisme, François Hollande a opté pour une voie médiane. En promettant que les deux années à venir seront plus généreuses et redistribueront davantage les fruits d’une croissance annoncée, le chef de l’État tente d’apaiser les attentes qui se manifestent dans son camp.

Il y a urgence car, en matière sociale, l’exécutif se voit vertement reprocher son positionnement « droitier » et libéral : 53% des personnes interrogées jugent le gouvernement Valls « insuffisamment à gauche » en matière de lutte contre le chômage, 50% sur la fiscalité, et 47% pour ce qui est de sa politique envers les entreprises. Le constat des sympathisants socialistes est plus sévère encore puisque le désaveu atteint 54% sur le chômage, 58% sur les entreprises et même 60% sur la fiscalité.

Compliquée, la donne vire au casse-tête pour François Hollande puisque le PS, jugé trop libéral sur le plan économique et social, est à l’inverse considéré comme « trop à gauche » sur des sujets comme la sécurité, la justice et l’immigration. Ainsi, malgré la fermeté du duo Valls-Cazeneuve, une collection de déclarations martiales et un rythme d’expulsions qui n’a pas molli depuis la période Sarkozy, la politique du gouvernement est encore considérée comme « trop à gauche » en matière d’immigration par 43% des Français. Il est même un quart des électeurs socialistes pour partager cet avis !

Sur ces dossiers touchant à l’identité et à la protection, rien n’y fait : Manuel Valls a beau rouler des mécaniques policières et tourner le dos à la tradition de générosité de la gauche, le gouvernement continue de passer pour laxiste. En tout cas, le mélange d’attentes sociales fortes et d’une demande d’autorité accrue, notamment en matière d’immigration et de sécurité, explique le succès du cocktail national-populiste de l’extrême droite version Marine Le Pen.

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Royal, à gauche « comme il faut »

Côté personnalités de gauche, ce climat se traduit sans surprise par l’installation du tandem Macron-Valls sur le versant libéral et « droitier » de la majorité. A ce titre, le ministre de l’Economie fait figure d’épouvantail à électeurs de gauche, 55% d’entre eux le jugeant « insuffisamment à gauche », soit 11 points de plus que le Premier ministre, qui profite de la présence de ce paratonnerre pour recentrer quelque peu son image.

Inspirateur de cette politique depuis le lancement en grande pompe du pacte de responsabilité, en janvier 2014, François Hollande penche lui aussi dangereusement à droite pour 41% de ses sympathisants. A l’autre bout de l’échiquier, Martine Aubry, en réserve de la république socialiste, et Christiane Taubira incarnent le versant gauche de la majorité, 40% des Français reprochant même à la garde des Sceaux d’être « trop à gauche », conséquence du feu nourri qu’elle subit de la part de Nicolas Sarkozy et de la droite.

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En définitive, c’est la ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, et plus encore Ségolène Royal, qui se retrouvent au centre de gravité de cette gauche éclatée. Jugée « à gauche comme il faut » par 46% des Français et, surtout, par 67% des électeurs socialistes, la ministre de l’Environnement a retrouvé une place déterminante dans le dispositif de François Hollande. Le président sait à quel point il devra, une fois encore, compter sur l’appui de son ancienne compagne s’il entend sauver sa peau électorale dans deux ans. Comme un éternel recommencement.

Renaud Dély

 

4 commentaires sur Sondage : la gauche en miettes, le PS coupé en deux

  1. Michel Chailloleau // 6 juin 2015 à 11 h 44 min //

    Pour les présidentielles, les futurs candidats(es) devraient penser à la France et non pas à la gauche ou à la droite.

  2. Cette enquête de l’IFOP a au moins le mérite d’enfoncer des portes ouvertes que l’on soit du PS ou d’ailleurs. Quand à prédire que Hollande n’aura aucune chance en 2017 c’est aller vite en besogne car lors de cérémonies devant les monuments aux morts, il est actuellement imbattable et cela touche les français et les françaises.

  3. fremondiere // 4 juin 2015 à 18 h 00 min //

    OUI….Mais notre DROITE est divisée en QUATRE ?

  4. Romano Edmond // 4 juin 2015 à 13 h 29 min //

    Je ne sais pas si les socialistes sont trop à gauche ou trop à droite, ce que je sais c’est qu’ils conduisent la France dans un mur.

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