« Ça ne coûte rien… c’est l’Etat qui paie »

« Ça ne coûte rien… c’est l’Etat qui paie ». Ainsi répond François Hollande aux journalistes qui osent demander qui paye pour mettre en œuvre les annonces d’hier soir. Un moment de flottement…

 

Un Président qui ne gouverne plus

« Ça ne coûte rien… c’est l’Etat qui paie ». Ainsi répond François Hollande aux journalistes qui osent demander qui paye pour mettre en œuvre les annonces d’hier soir. Un moment de flottement…

François Hollande veut apparaitre comme le Président des Français d’en bas. Mais il confirme ce que les Français pensent tout bas : les politiques parlent trop pour ne rien dire. Pour certains observateurs, notamment la presse écrite, cette émission n’a servi à rien, sinon à mettre en évidence l’existant : la crise économique, financière et sociale dont nous subissons tous aujourd’hui les conséquences… et aussi les échecs des gouvernements successifs de François Hollande.

Yves Calvi, journaliste

Yves Calvi, journaliste

Est-il sorti indemne de cette émission ? NON. Les véritables vainqueurs sont Yves Calvi qui a su pousser le Président dans ses retranchements avec beaucoup d’à-propos et de conviction, mais aussi Karine Charbonnier, cette entrepreneuse de 46 ans à la tête d’une entreprise de plus de 600 salariés à Armentières.

François Hollande est-il le Président de la République française ? Pas encore ! C’est la raison pour laquelle il envisage sérieusement de se présenter en 2017. L’émission d’hier n’a été en fait qu’un premier de temps pour sa candidature. Sa campagne future ressemblera à ce qu’il apprécie avant tout, être un Président « normal », mais en réalité surtout « banal ». « J’ai passé 30 ans à fréquenter les bistrots »  a-t-il confié aux 9 millions de téléspectateurs. Que promet-il pour demain et 2017 ?

Impôts et dette

« L’année prochaine il n’y aura pas d’impôt supplémentaire » annonce le Chef de l’Etat et précise « sur qui que ce soit ». Doit-on comprendre qu’à revenu imposable identique chacun de nous ne paiera aucun euro supplémentaire ?

Si tel est le contenu de son annonce, alors le Président de la République ment. Un exemple qui concerne tous les Français : la loi de finance 2015 prévoit, parce que sa majorité l’a votée, une augmentation des bases locatives de 0,9% qui s’appliquera automatiquement et mathématiquement sur les impôts liés aux habitations (Taxe foncière et d’habitation*).

Interrogé sur l’utilisation des impôts, le Président invoque la diminution des déficits, confondant ainsi déficit et dette. La dette continue d’augmenter chaque année et représente dans le projet de budget pour l’année prochaine 95.1% du PIB. Ce déficit pourrait atteindre 100% en 2016. La dette s’élève à 2023,7 milliards d’€ (valeur à la fin du 2nd trimestre 2014), soit 30.000€ par Français (+1300€ en 1 an).

Fonction présidentielle et 2017

La fonction de Chef de l’Etat n’est-elle pas trop grande pour François Hollande ? « Je dois avoir le cuir tanné, être serein, avoir du sang froid… pour réussir une fonction exceptionnelle ». Mais ceci doit s’accompagner, ce qui n’est pas le cas, d’un minimum de respect envers la fonction. Chaque candidat doit assimiler les contraintes de la Présidence de la République. Y compris sur la vie personnelle. Concernant la prochaine échéance électorale de 2017, je suis totalement convaincu qu’il se représentera. Dans le cas contraire il n’aurait pas hésité à entamer des réformes de structures, évidemment impopulaires. A la question des journalistes, il botte en touche : « Je suis président, je n’ai pas besoin de me poser cette question » répond-il et il complète « … Pas tout de suite ».

Chômage …

Il reconnait l’échec de ses gouvernements. Mais ce n’est pas suffisant. Une autre politique doit être proposée, mais sa majorité n’est plus en mesure de le faire. Il compte sur la relance en Europe alors que tous les économistes prévoient une crise durable. A moins que Moscovici… Mais c’est une autre histoire.

et pré-retraite

On ne peut pas l’appeler autrement. Il réinvente la pré-retraite en répondant à cette chômeuse de 60 ans. Sauf que sa proposition ne pourra satisfaire que peu de seniors privés d’emploi et de revenus suffisants.

Service civique et référendum

L’instauration d’un service civique de quelques mois ouvert à tous les jeunes (femmes, hommes) pourrait faire l’objet d’un référendum. Surprenant ! Voilà un projet partagé par le plus grand nombre de nos concitoyens. Lancer un référendum sur ce sujet répond plus à un besoin de gagner une élection (à défaut des autres) que de proposer un projet important pour la France. Il y a bien d’autres sujets à soumettre directement au peuple de France, et pour ne prendre en compte que des promesses du candidat Hollande, citons le « droit de vote des étrangers aux élections locales » (Consulter le dossier de Gaullisme.fr ). Chiche Monsieur le Président ! Et si vous le perdez, alors partez.

Institutions et proportionnelle

Ce pourrait être aussi le cas d’une instillation d’une part de proportionnelle pour les prochaines élections législatives. Mais là, il botte en touche. « Ce n’est pas la priorité du moment » nous précise-t-il. Je ne le crois pas.

Evènements futurs

Sur ce point, nous avons pu tous noter une certaine jubilation. Après la coupe européenne de football organisée en France en 2016, il rappelle l’organisation d’une conférence sur le climat fin 2015, et il souhaite la candidature pour une « exposition universelle » en 2025, et la tenue des JO en 2024. Dès cette annonce, il convient de noter avec étonnement (Encore que…) la réaction d’Anne hidalgo, Maire PS de Paris, qui a appelé à «se poser les bonnes questions avant de s’engager».

Libérer les entreprises

Karine Charbonnier, entrepreneuse

Karine Charbonnier, entrepreneuse

Il me semble pertinent de finir ce propos par ce qui semble à tous essentiel : la vie économique, la compétitivité des entreprises, et le dialogue social.

C’est à ce niveau qu’intervient, avec pertinence, Karine Charbonnier. Elle dénonce avec justesse les charges financières trop lourdes pour assurer une réelle et saine concurrence entre les entreprises de France et celle de nos voisins européens. Elle oppose la politique gouvernementale annoncée dite de « choc de simplification » à celle vécue réellement par les entreprises, la « poursuite des complexifications multiples ». Elle appuie là où ça fait mal : l’incapacité du Président et de son gouvernement à comprendre l’économie réelle. En effet, il y aura des embauches si les entreprises se portent financièrement bien et que le carnet de commande se remplit un peu plus. Manifestement l’évidence échappe au Président.

De plus, j’ai aussi retenu le souhait de cette entrepreneuse de rénover le dialogue social. Comment ? En privilégiant la négociation au niveau de l’entreprise. Pour cela le code du travail doit être modifié, allégé, réorienté vers plus de souplesse. Et Karine Charbonnier a totalement raison de mettre en cause le monopole de candidature au premier tour des élections professionnelles réservé aux organisations syndicales dites « les plus représentatives », alors qu’elles ne représentent qu’une infime partie des salariés (8% pour la plupart dans la fonction publique et les entreprises nationalisées). Sur ce point, pas de réponse du Chef de l’Etat. Mais a-t-il déjà feuilleté le code du travail ?

***

Comment ai-je ressenti sa prestation ?

Les Français ne le comprennent plus, s’ils l’ont déjà compris. Les Français ne le suivent plus, s’ils l’ont déjà suivi. Mais pire, les Français ne l’écoutent plus. L’Elysée est dans le brouillard, et la France n’est plus gouvernée.

Alain Kerhervé


 

* Sauf si les conseils municipaux et les intercommunalités décident d’annuler cette augmentation par une révision des taux dont la fixation leur appartient.

5 commentaires sur « Ça ne coûte rien… c’est l’Etat qui paie »

  1. Persiste et signe: tout le discours sur « les charges qui écrasent les entreprises est celui du Medef » Discours malfaisant et rétrograde! Croyez-vous que De Gaulle eût repris un tel discours qui fait le malheur de notre peuple?
    De Gaulle a mis en place entre octobre 1944 et janvier 1946 le programme progressiste du CNR alors que notre pays était largement désorganisé, détruit, appauvrit. Le patronat de l’époque eût hurlé comme maintenant s’il ne s’était pas compromis avec l’occupant. Le patronat de nos jours dit MEDE »F » est tout aussi rétrograde, étranger au pays qu’il est censé servir.
    Un peu moins de conformisme, SVP!

  2. Toutes les analyses des hommes censés convergent et rejoignent celles d’une majorité silencieuse : Ne donnons pas à des profiteurs de la République les rennes du pouvoir, car ils nous font choir.
    Quand on entend de la bouche même d’un président « ça ne coûte rien, c’est l’état qui paie ou encore « les impôts servent à réduire les déficits » on est bien au cœur de la pensée de personnes qui aiment vivre sur le dos des autres sans autre formalité de devoir de production de richesse vive pour toutes et tous.
    Le pire c’est que ces tendances comportementales déplorables font des émules parmi le peuple tout entier, parmi les peuples qui nous rejoignent légalement ou illégalement et pas seulement parmi les bobos friqués sans foi, ni Loi.
    MERCI Monsieur Kerhervé pour avoir choisi la seule phrase qui résume pourquoi la France part en quenouille depuis des lustres sous François Hollande et les autres..

  3. à Cording : Point d’approbation du discours du Medef. Seulement une réalité : les charges des entreprises pèsent sur l’emploi. Je vous invite à parcourir mon site Gaullisme.fr et vous pourrez constater que je ne défends jamais le capitalisme financier. Dans ce parcours, vous verrez également que j’épouse, pour beaucoup, ce que nous dis Jacques Sapir. Soyez rassuré, sur mon site, le gaullisme de conviction est toujours « à la une ».

  4. Votre analyse reprend le credo économique dominant : le discours du MEDEF sur les charges qui écraseraient les entreprises. Il semble qu’il vous a échappé que cela fait trente ans que tous les pouvoirs ont réduit les charges ou plus exactement le financement de la protection sociale pour la mettre en danger et justifier l’idée « on n’a plus les moyens de maintenir notre protection sociale ».
    Pour le résultat que l’on sait!
    Parce qu’il ne faut jamais remettre en question les exigences du capitalisme financier et le caractère désastreux de l’euro et du dogme de la monnaie forte depuis 30 ans pour notre économie donc 30 ans de stagnation voire de régression économique et sociale.
    Pour une analyse économique hétérodoxe je vous invite à lire les chroniques de Jacques Sapir sur son blog « russeurop@hypothese.org . Et ses interventions publiques en différé sur Youtube ou Dailymotion .

  5. Bellenger Pierre // 8 novembre 2014 à 19 h 55 min //

    Cher Ami Kerhervé
    ,Après ces deux analyses celle de Calvi (homme des médias actuels) et la vôtre, si vous proposiez de revenir à ce que de Gaulle a rétabli le 3 Septembre 1944, au nez et à la barbe des alliés ? à savoir le couple d’institutions Démocratie-Keynésisme ? ça a formidablement marché, el nous a donné les trente glorieuses !
    Pourquoi vous ne le proposez pas ?

    Très cordialement.

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