Chevènement : "Tout ce que j’ai dit en 2002, c’est vrai aujourd’hui"

  Jean-Pierre Chevènement était l’invité de France Info mardi 2 septembre 2014. Il répondait aux questions de Philippe Vandel.

Verbatim express :

  • A propos de la démission en bloc du gouvernement Valls-I : je ne suis pas sûr qu’il n’eut pas été possible de recueillir la démission de un ou deux ministres sans forcément changer tout le gouvernement. Mais c’est la prérogative du président de la République.
  • Il est évident qu’il y a des marges de manœuvre en politique, simplement il faut savoir où on les prend. Quand j’entends M. Cambadélis dire que le mot « social-libéral » n’a pas sa place au PS, excusez-moi, mais le PS est devenu social-libéral dans les années 1980, dans la réalité.
  • Quant on a été ministre, on s’efforce de ne pas attaquer nommément les personnes. On les attaque sur les politiques qu’ils font ou qu’ils ont fait. Par exemple, moi je ne ménage pas Jacques Delors, parce que je considère qu’il est le grand architecte, comme ministre de l’Economie puis président de la Commission européenne, du tournant de 1983 et ensuite de la monnaie unique.
  • Cecile Duflot est une femme sympathique, mais elle a toujours été dans cette logique sociale-libérale, même si elle se racontait quelques histoires, au prétexte de l’écologie. Il fallait mâtiner son discours gouvernemental d’un certain nombre d’ingrédients qui faisaient « jeune », « moderne », « dynamique », « branché ». Curieusement, ce qui est branché aujourd’hui, c’est ce qui hier était réactionnaire : le principe de précaution, la décroissance plutôt que la croissance…
  • Je connais bien François Hollande, depuis longtemps, j’ai avec lui des relations amicales, et il ne m’est jamais venu à l’esprit qu’il m’appellerait un jour à Matignon. Et j’exclue totalement de revenir au gouvernement.
  • Je cite Pierre-Mendès France pour faire le bilan de l’action de cette première moitié de quinquennat : « s’il n’y a pas de politique sans risques, il y a des politiques sans chance ». Je crois qu’une dévaluation interne ne peut pas permettre à la France de regagner sa compétitivité.

  • Je préférais le terme « instituteur » à celui de « professeur des écoles », parce que dans instituteur il y a institurer, instituer, mettre debout. Et quel plus beau métier que celui d’instituteur, moi qui ait vu mes parents corriger les copies de leurs élèves jusqu’à onze heures le soir, et qui sait ce qu’était les instituteurs de la République.
  • Le sauvageon, un mot du vieux français qui date du XIIe siècle, est un arbre non-greffé. Il a choqué du fait de l’inculture de ceux qui ne savent pas ce qu’il signifie. Naturellement je ne voulais pas dire « sauvage ».
  • J’ai été appelé en Algérie en 1961 et cette expérience a été pour moi fondatrice. J’ai découvert une guerre injustifiable, contre un peuple qui voulait être indépendant. Cela s’est passé dans des circonstances extrêmement dures, que j’ai vécu de l’intérieur. J’ai ressenti pendant toute cette période la justesse de ce qu’avait dit le général de Gaulle : « L’Algérie doit devenir indépendante, c’est une évidence maintenant, et il vaut mieux que cela soit avec la France que contre elle ».
  • Je suis passé à plusieurs reprises à deux doigts de la mort. Cela n’a en rien changé ma vision du monde. L’expérience que j’en ai, c’est que ça se passe très bien. Une fois que vous y êtes, vous n’existez plus. Ce n’est pas vraiment un problème.
  • Revenu à la vie grâce au dévouement des services de réanimation du Val-de-Grâce, qui m’ont ramené à la vie manu militari car j’ai fait un arrêt cardiaque de 55 minutes, j’ai été victime d’un accident thérapeutique. Ma santé était excellente ! Je n’ai même pas été opéré de ce pourquoi je devais l’être.

  • J’ai pleuré le 7 mai 1954 au soir de la chute de Dien Bien Phu, parce que je suis patriote, et j’étais triste de voir l’armée française défaite, ses soldats prisonniers. Pour autant, j’étais mendésiste à l’époque. J’ai été reconnaissant à Pierre-Mendès France, j’avais quinze ans, des accords de Genève. J’ai même failli adhérer au Parti Radical ! C’était mon premier élan politique. Je suis patriote, mais je suis républicain.
  • Mai 68 m’a laissé de marbre, et pour une fois le Nouvel Observateur ne se trompe pas. J’avais imaginé un autre parcours, l’union de la gauche, pour porter la gauche au pouvoir, et par conséquent Cohn-Bendit apostrophant les communistes « les crapules staliniennes en arrière ! », cela ne me paraissait pas être véritablement dans la perspective à laquelle je réfléchissais.
  • Oui, j’ai inventé le slogan du PS des années 1980 « Changer la vie ». Il faut rendre à Rimbaud ce qui lui revient. C’était un titre poétique. Ce qui est le plus important, c’est le fond du programme.
  • C’est totalement faux de dire que j’ai éjecté Lionel Jospin du second tour de la présidentielle de 2002. Je pense qu’il n’a pas fait une bonne campagne, il n’a pas cherché à dissuader ni moi-même ni Christiane Taubira de se présenter, il a fourni des parrainages à Besancenot… Il avait surestimé le score qu’il ferait, et que les sondages lui donnait.
  • Mon but était de donner une composante républicaine à la gauche. Nous sortions de la gauche plurielle avec les écologistes en avant-garde et les communistes en voiture balai, c’était une mauvaise idée – c’était l’idée de Cambadélis. Moi je voulais donner une composante républicaine à la gauche, pour la redresser, avec d’autres si c’était possible, parce que notre pays a besoin d’une autre vision de l’avenir.
  • Tout ce que j’ai dit en 2002, c’est vrai aujourd’hui. Donc je ne regrette absolument pas ma candidature. Je pense que c’est très facile d’essayer de me transformer en bouc-émissaire pour ne pas rendre de compte, et pour ne pas approfondir sa réflexion, quand on est au PS.
  • J’avais trouvé une vieille photo de Marx barbu, que j’avais affiché dans mon bureau pour narguer mes interlocuteurs, surtout quand c’était des diplomates américains ! C’était une provocation, je m’amusais.
  • Vous savez bien, par expérience, que les journalistes voient et lisent essentiellement des journalistes.

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