Clarification politique?

PhotoLe nouveau gouvernement de Manuel Valls marque une rupture davantage symbolique qu’idéologique dans la politique conduite par le PS au pouvoir. Mais ce symbole est important: le PS assume enfin son orientation sociale-libérale. Le parti dominant à gauche ne l’assume certes qu’implicitement et pas encore explicitement, puisque l’étiquette de « sociaux-libéraux » est malheureusement toujours connotée négativement aux yeux de dirigeants qui continuent à se revendiquer « sociaux-démocrates » voire même « socialistes ». Ce décalage entre le discours et le pratique est une constante de l’histoire de la SFIO puis du PS: il se disait hier marxiste lorsqu’il avait une pratique sociale-démocrate; il se dit aujourd’hui social-démocrate alors qu’il a une pratique sociale-libérale.

Durant sa campagne présidentielle, François Hollande avait été volontairement ambiguë sur l’axe économique de son programme. Avec un éventail allant au second tour de François Bayrou à Jean-Luc Mélenchon, ses soutiens attendaient bien entendu des politiques économiques radicalement opposées. Dans l’opposition, l’ambiguïté ne se voit pas trop. Au pouvoir, le roi est nu.

L’erreur consiste toutefois à considérer que le nouveau gouvernement de Manuel Valls marquerait une rupture idéologique. François Hollande est issu des réseaux de Jacques Delors au sein du PS. Seuls les gogos pouvaient croire qu’il impulserait une politique économique plus proche de Jean-Luc Mélenchon que de François Bayrou. Dès octobre 2012 la ratification du Pacte budgétaire européen, signé par Nicolas Sarkozy, a sifflé la fin de la récréation en confirmant la ligne sociale-libérale qui est celle du PS depuis le « tournant de rigueur » de 1983. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est à l’occasion de ce vote que s’est pour la première fois manifesté le noyau dur des futurs députés « frondeurs ».

Emmanuel Macron est donc un bouc-émissaire un peu facile: si, comme l’a prouvé son entretien au Point juste avant sa nomination au gouvernement, il se situe (à la suite du Manuel Valls de la primaire de 2011) à un degré de libéralisme plus avancé que François Hollande, il ne s’agit en rien d’une différence de nature.

Le départ du gouvernement d’Arnaud Montebourg marque malgré tout une amorce de clarification. Encore faut-il bien préciser les choses: le Montebourg viré du gouvernement n’est pas le Montebourg de la primaire de 2011 chantre de la « démondialisation ». Ce Montebourg-là n’existe plus depuis qu’il a cautionné par sa participation l’orientation économique des gouvernements Ayrault puis Valls. Le Montebourg viré du gouvernement ne demandait en effet que des ajustements au sein de celle-ci, à travers l’application d’une règle des « trois tiers »: un tiers des économies affecté à la réduction du déficit public ; un tiers « au soutien des entreprises« ; un tiers surtout « aux ménages pour stimuler leur pouvoir d’achat et la croissance« .

De fait, les « frondeurs » ne forment pas un groupe homogène. Certains se contentent de vouloir amender dans cette direction la politique gouvernementale. Leurs convictions se jaugent à l’aune de leur approbation du Traité constitutionnel européen (2005) et du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (2012). Bref, pas de quoi affoler le Medef, qui sait bien que seul le PS peut mener sereinement des réformes libérales, car avec la droite au pouvoir ce même PS dénoncerait hypocritement à cor et à cri l' »ultralibéralisme ».

D’autres « frondeurs », en revanche, prônent véritablement « une autre politique ». Ces derniers sont très minoritaires, autour d’une poignée de députés seulement (Pouria Amirshahi, Fanélie Carrey-Conte, Nathalie Chabanne, Pascal Cherki, Barbara Romagnan), de la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, du président du conseil général de l’Essonne Jérôme Guedj ou encore de Gérard Filoche.

Si l’on s’en tient à la seule politique économique, le débat d’idée se résume ainsi en cinq positions:

–    une politique antilibérale à l’échelon européen (le Front de Gauche et l’aile gauche du PS)… ce qui nécessiterait de convaincre l’ensemble de nos partenaires européens car le libéralisme n’est pas le « programme de la droite allemande » mais le dogme gravé dans le marbre des traités européens!

–    une politique sociale-libérale selon un dégradé de nuances (le PS, le MoDem et une partie de l’UDI voire de l’UMP)

–    une politique néolibérale (l’UMP et une partie de l’UDI)

–    une politique antilibérale à l’échelon français (FN) … ce qui commanderait de sortir de l’Union européenne!

La question n’est pas nouvelle. « Il ne peut pas y avoir deux politiques au gouvernement. Mais il peut y en avoir deux à l’intérieur du PS« , avait déclaré en 1983 Jean-Pierre Chevènement en démissionnant du gouvernement (il finira néanmoins par quitter le PS en 1992). La première partie de cette phrase est une évidence, la seconde partie est dramatique pour la clarté du débat démocratique. Si les idées et non les partis guidaient la vie politique (ou bien si les frontières partisanes correspondaient aux clivages idéologiques), le MoDem de François Bayrou appartiendrait depuis 2012 à la majorité gouvernementale, tandis qu’à l’inverse l’aile gauche du PS serait dans l’opposition. Dit autrement, la majorité de François Hollande est viciée depuis l’origine.

La pression de Jean-Luc Mélenchon à la gauche du PS, la mystique unitaire au sein de la gauche en générale et du PS en particulier (magnifiquement résumée dans la formule « l’union pour l’union ») ainsi que le manque de courage politique n’ont pas permis la clarification que nous sommes nombreux – de convictions opposées et à des postes différents (acteurs ou observateurs) – à attendre depuis longtemps. Le symbole de la nomination du « repoussoir » Emmanuel Macron à Bercy constitue néanmoins peut-être un pas supplémentaire vers une recomposition politique. Malgré l’incompréhensible maintien au gouvernement de la « frondeuse » Christiane Taubira, passée du radicalisme de gauche à la gauche radicale…

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