De Gaulle en Amérique du Sud

 

clip_image001Le voyage du général de Gaulle en Amérique du Sud se déroule du 21 septembre au 16 octobre 64. Ce périple de « 32.000 kms est un triomphe »[1] pour le Général. Pour bien percevoir l’accueil exceptionnel qui lui a été consacré par les populations des différents pays visités, il convient de rappeler que ce périple sud-américain trouve sa place quelques mois après sa visite au Mexique.

Le prestige de la France est immense en Amérique latine comme le fait remarquer Matthieu Trouvé dans un article publié en 2002 dans la revue Espoir n°130. « La France jouit alors d’un immense prestige en Amérique latine et auprès des chefs d’État latino-américains, renforcé même depuis 1962 et les accords d’Évian. Débarrassée d’une « hypothèque » qui pesait sa politique étrangère, la France se tourne vers des pays latino-américains qui ont souvent adopté, par tradition anticolonialiste, une attitude hostile à son égard, comme la Bolivie, par exemple, qui avait pris des positions favorables au FLN aux Nations Unies. » écrit-il. Ce prestige est particulièrement aigu dans le domaine culturel et politique.

La concurrence avec les Etats-Unis.

Si le prestige de la France est également accentué par la stature historique du général de Gaulle, son souci de refuser la mainmise des deux blocs (Etats-Unis et URSS) sur le monde est un des thèmes les plus porteurs de sa tournée. Malgré un ton modéré envers nos amis américains, « le général de Gaulle voyage, et il est surtout acclamé là où les Yankees ne sont pas aimés » comme l’écrit Maurice Agulhon[2]. « À chaque escale du chef d’État français, on a effectivement pu remarquer ça et là des slogans hostiles aux Américains. Ainsi, dès l’arrivée de la caravelle présidentielle à Bogota le 22 septembre, une foule surprenante attend en brandissant des banderoles « A bas les Américains ! ». Le lendemain, des étudiants de l’université catholique de Bogota se précipitent vers la voiture décapotable où se tient de Gaulle en scandant : « Viva Francia, Yankees no ! » » précise encore Matthieu Trouvé.

Si plusieurs thèmes sont abordés pendant ce voyage, il se fait essentiellement sous le signe de la « coopération ». Certes économique, mais pas exclusivement. Elle concerne aussi la coopération politique et culturelle. Ceci semble au Général une évidence puisque ces peuples latino appartiennent à une communauté chrétienne. Il aborde aussi d’autres thèmes : Indépendance des nations, la libre détermination des peuples à disposer d’eux-mêmes, rejet des hégémonies, notamment celles des USA et des Soviétiques. Ces thèmes et les paroles du Général, s’ils créent quelques tensions avec les pouvoirs en place pour la plupart soumis à l’influence des Etats-Unis, sont accueillis avec enthousiasme par les gens du peuple.

Le Chef de l’Etat rencontre tous les responsables politiques des pays visités : les Présidents Léoni (Vénézuela), Valencia (Colombie), Belaunde Terry (Pérou), Paz Estenssovo (Bolivie), Allessandri ( Chili), Illia 5Argentine), Stroessner (Paraguay), Giannattasio (Uruguay), Castelo Branco (Brésil) et même les 4 membre de la junte militaire de l’Equateur.

Ce périple voulu par le Général, minutieusement préparé par les services diplomatiques et Maurice Couve de Murville, son ministre des affaires étrangères qui l’accompagne, est également placé sous la protection des 4 « gorilles » (Sassia, Comiti, Tessier et Djouder). En effet, le général de gaulle est toujours sous la menace d’un attentat de l’OAS, la présence de l’ex-colonel Château-Jobert (membre de l’OAS) en Amérique du sud étant un élément précis du risque encouru. Cette situation n’empêchera nullement le Général de se mêler aux foules venues l’accueillir et l’écouter[3]

Du 20 septembre au 16 octobre 1964, le général de Gaulle effectue un voyage en Amérique latine. En Argentine, à la Faculté de Droit de Buenos Aires, il définit le rôle de l’enseignement.

C’est ainsi qu’il explique sa vision : « Sous l’impulsion de la science et la règle de la machine, la civilisation moderne change complètement la condition matérielle de l’homme. Mais il y faut un effort de recherche scientifique, un déploiement technique, une organisation économique qui imprègnent nécessairement l’enseignement, et avant tout, à son degré supérieur ». Puis il aborde un de ses sujets favoris : la place de l’homme dans les organisations des sociétés : « Ce qu’il advient de l’homme, son affranchissement de la misère, de la faim, de l’ignorance sous le signe de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et grâce aux moyens énormes que notre époque met à la disposition de l’ensemble des Etats, voilà, n’est-il pas vrai, la condition internationale de la réussite de chaque nation ?

 

 

 

 


[1] Michel Winock (historien français spécialiste de l’histoire de la République française ainsi que des mouvements intellectuels et politiques) résume ainsi cette tournée.

[2] Maurice Agulhon, né le 20 décembre 1926 à Uzès (Gard), est un historien français, spécialiste de l’histoire contemporaine de la France du xixe et xxe siècles et professeur au Collège de Francede 1986 à 1997. Bien que ses premiers travaux portent sur la Révolution de 1848 en Provence, Maurice Agulhon devient au fil du temps l’un des plus grands spécialistes des institutions de la République et de la symbolique du pouvoir républicain.

[3] Matthieu Trouvé : « Dès l’arrivée à Caracas, de l’aérodrome au palais Miraflores, c’est le « kilomètre de délire » ; 50.000 personnes sont massées pour voir de Gaulle à Lima ; 60.000 personnes saluent le Général à Arica, au Chili ; l’accueil à São Paulo est digne de Broadway. Ces manifestations de ferveur, s’adressant au héros de la Libération tout autant qu’à l’homme d’État, donnent au voyage une allure de tournée triomphale et exceptionnelle. Les clichés des photographes confirment bien évidemment cette impression. »

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*