L’honneur de la France

 

  • Michel Pinton, Ancien député au Parlement européen

la-rafle-du-Vel-dHivDimanche dernier, le Premier Ministre a commémoré l’arrestation, les 16 et 17 juillet 1942, de treize mille Juifs par la police parisienne, leur internement au Vel d’Hiv et leur livraison à l’occupant allemand. Il est juste que les plus hautes autorités de l’Etat manifestent par leur présence, le regret et la douleur de la nation devant cet acte cruel. Nous savons aujourd’hui que ces déportés ont presque tous péri dans les camps de concentration nazis.

Mais Manuel Valls a cru bon de faire plus. Reprenant un thème initié par Jacques Chirac en 1995 et développé par François Hollande en 2012, il a affirmé que la responsabilité de la sinistre rafle retombait sur notre peuple. Il a fustigé « le déshonneur de la France » en soulignant « qu’elle et elle seule avait commis l’irréparable ». Selon lui, notre nation porte depuis 1942 une tache indélébile.

Dans le demi-siècle qui a suivi la guerre, cette interprétation ignominieuse de l’évènement en question a été repoussée par tous les responsables de l’Etat. De Charles de Gaulle à François Mitterrand, ils ont fait la distinction entre la France, qui s’opposait à l’occupant, et quelques Français dévoyés qui collaboraient avec lui. Une autre génération est aujourd’hui au pouvoir. Elle se croit meilleure juge de notre histoire de ceux qui l’ont faite. Seuls quelques esprits libres, tels Jean Pierre Chevènement ou Henri Guaino, s’élèvent contre la nouvelle vérité officielle. Ils ne sont pas entendus.

Si faible que soit ma voix, je veux qu’elle rejoigne la leur. Il m’est insupportable que quiconque et surtout un gouvernement français, porte des coups à la dignité de la France. Certes, comme l’a dit le même Valls, un peuple se grandit quand il reconnaît les fautes qu’il a commises. L’Allemagne nous en donne l’exemple. Mais imputer à notre patrie un crime dont elle est innocente, c’est l’humilier et l’abaisser.

Pour prouver sa culpabilité, le Premier Ministre nous présente un raisonnement simple. Les ordres d’arrestation sont venus du gouvernement de Vichy. Or « la France était à Vichy ». Donc la France est bien la responsable de la rafle. Cette énormité étant difficile à faire passer, Valls se hâte d’ajouter « qu’elle était aussi à Londres », comme si collaborateurs et résistants formaient deux parties complémentaires d’une seule France. Jacques Chirac avait préféré évoquer l’existence de deux Frances, l’une à Vichy, l’autre à Londres. Il semblait nier qu’il y ait une seule histoire de notre peuple, une seule citoyenneté et un seul sentiment national. La seconde variante de la nouvelle vérité officielle ne vaut pas mieux que la première.

petain-et-lavalAllons plus loin. Qui exerçait le pouvoir à Vichy en juillet 1942 ? Exprimait-il la volonté libre de notre peuple ? Quatre mois plus tôt, Pétain, Chef de l’Etat en titre, s’était résigné, sous la pression de l’occupant, à nommer chef du gouvernement un homme qui n’avait pas sa confiance : Pierre Laval. « Pour avoir cédé aux intrigues de quelques Français et aux chantages des Allemands » écrit l’historien Robert Aron , le vieillard « a été forcé de couvrir de son autorité la politique de Laval sans pouvoir la modifier ni y mettre fin ». Pitoyable « potiche » (l’expression est de Laval lui-même), Pétain a signé un « acte constitutionnel » qui stipulait que « la direction effective de la politique extérieure et intérieure de la France est assumée par le chef du gouvernement », c’est à dire un politicien honni par l’opinion publique, imposé par l’ennemi et décidé à « faire le bonheur des Français malgré eux ». Qui peut, de bonne foi, prétendre que ce personnage, c’était la France ?

Fin juin 1942, les émissaires nazis exigent une « action » générale contre les Juifs, qu’ils soient français ou étrangers, résidant en zones libre ou occupée. Laval essaie, selon sa politique constante, de négocier. Il arrive à une « transaction ». : les Allemands ne déporteront pas les Juifs français de zone occupée ; en échange, la police française recevra de lui l’ordre d’arrêter les Juifs étrangers qui s’y trouvent, notamment à Paris. Marché déshonorant, qui flétrit la mémoire de son auteur et de ses complices actifs, comme le sinistre Darquier de Pellepoix, commissaire aux affaires juives, ou passifs comme Benoît-Méchin, secrétaire d’Etat chargé des relations franco-allemandes. C’est faire à de tels individus un honneur bien étrange que de proclamer aujourd’hui qu’ils étaient la France. Nos pères les ont condamnés à mort.

Comment expliquer que la vérité officielle de notre temps ait paru une abomination aux survivants de la guerre ? Manuel Valls n’hésite pas à lever cette objection. Selon lui, « l’époque (de 1945 à 1995) était à l’indifférence ». Il va plus loin : « la France ne voulait ni voir ni savoir » et elle se cachait « sous une chape de plomb ». Il prête bien peu de liberté d’esprit et d’exigence morale à une génération qui a lutté contre les nazis, à leur chef, Charles de Gaulle, et à tous ceux, entraînés par leur élan, qui ont relevé le pays, émancipé nos colonies et attaqué victorieusement les pires injustices sociales. On attend que notre chef de gouvernement, fort de sa supériorité proclamée, fasse mieux qu’eux. Il serait bien inspiré de commencer par un acte très simple : qu’il permette de « voir et savoir » les vrais responsables de ce qui s’est passé en juillet 1942 et qu’il lève « la chape de plomb » sous laquelle il enferme l’honneur de la France.

3 commentaires sur L’honneur de la France

  1. La haine pour de Gaulle vous égare. Je vous plains

  2. Marie Adélaïde Duglan // 3 août 2014 à 7 h 27 min //

    Le Gaullisme est vraiment indécrottable…

    Comme vous l’écrivez si bien :  » C’est tellement plus facile de chercher la paille qui se trouve dans l’œil de son voisin  »

    Alors, Allez chercher la poutre qui est dans le votre et vous comprendrez vite que dans la situation de la France d’aujourd’hui remonte à la 5ème République depuis sa création, donc c’est plus la peine de remonter avant 1958.

    Gaullistes de droite comme de gauche, vous aurez bien le temps pendant votre paisible retraite d’analyser le véritable héritage que vous allez donner à vos descendants.

    Aujourd’hui, la France punie est en marche et c’est pas tous les gaullistes qui sont encore aux affaires qui vont l’arrêter !

     » Mais sachez quand même, que les mensonges de l’Histoire ne mérite que le mépris de ceux qui savent . »

    Madame Marie Adélaïde Duglan 03/08/2014

  3. VEL’ D’HIV’ 1942-GAZA 2014

    La commémoration du soixante-douzième anniversaire de la rafle du Vél’d’hiv’ le 20.7.2014 par le 1er Ministre Valls n’efface en rien le choc des feux nourris  sur l’enclave de Gaza où succombent actuellement personnes âgées,  femmes, enfants et nourrissons innocents dans l’incapacité de se protéger et où se joue dans cette partie du Proche-Orient un autre « Lebensraum » dans la quasi indifférence de la communauté internationale.
    Dans de nombreux pays,  La barbarie des uns engendre fatalement la  barbarie et la haine des autres dans une spirale sans fin. Le cynisme de certains dirigeants nationaux de ce monde peut dans certains cas être entretenu justement  pour conduire à un pogrom voire à un génocide, sorte de solution finale.
    Cela dit, pourquoi la France entière en particulier devrait-elle assumer seule  son passé historique et aux yeux du monde entier ? Monsieur Valls né en Espagne en 1962, de nationalité française depuis 1982, à la lecture de sa biographie, pouvait également évoquer pourquoi pas, puisque son discours de vingt minutes ne se limitait pas uniquement à la rafle du Vél’d’hiv’, évoquer la guerre civile espagnole, l’Espagne franquiste, le bombardement de Guernica. C’est tellement plus facile de chercher la paille qui se trouve dans l’œil de son voisin ! Occuper l’espace médiatique en jouant sur les émotions et les antagonismes, au risque de déchirer ce qu’il reste d’une France qui se doit d’être «  une est indivisible », faute de résultats tangibles (huitième mois consécutif de hausse du chômage), est un procédé éculé et immonde bien connu. C’est un jeu machiavélique extrêmement dangereux, une faute politique et morale.
    Si c’est pour rappeler des valeurs universelles alors dans ce cas pourquoi des vies valent-elles plus que d’autres au point d’oublier certaines qui forment le passif, terme évoqué dans « le bilan » de jean Ferrat. Manifestement les  valeurs universelles évoquées par le 1er Ministre Valls le 20 juillet ne convainquent pas majoritairement la communauté nationale voire d’autres pays de ce monde avec ce sentiment qu’il y aura toujours deux poids deux mesures.

    Arrêtons de cultiver perpétuellement dans ce pays, ce sentiment de culpabilité et de repentance,  qui va conduire à l’indifférence. Ca suffit ! Il sera difficile ensuite de mobiliser sur des thèmes porteurs lorsqu’il s’agira de faire appel à la nation dans des moments difficiles.

    Fondamentalement on ne changera rien à la nature humaine qui n’ignore rien de la loi du Talion par ailleurs.

    Pour conclure, si la France est à ce point détestable, et le poids de son passé si difficilement supportable, dans ce cas chacun est libre de demander la libération de ses liens d’allégeance envers la France pour retrouver sa nationalité d’origine pleine et entière.

    René Floureux 28.7.2014

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