Europe : paumée, l’UMP ferait bien de réécouter le guide Sarkozy !

Mathias Destal – Marianne

 

Les barons de l’UMP sont divisés sur la ligne à suivre pour les élections européennes. Le brouhaha est tel que François Baroin a jugé bon d’appeler Nicolas Sarkozy à la rescousse, histoire qu’il remette de l’ordre et dicte la ligne. Pas besoin : l’ancien président a déjà tout dit aux cadres et élus du parti, le 8 juillet dernier. Marianne.net leur rafraîchit la mémoire… en exhumant un enregistrement de son intervention. Et c’est limpide.

Nicolas Sarkozy à Berlin, le 28 février 2014 - Stefan Boness/Ipon/SIPA

Nicolas Sarkozy à Berlin, le 28 février 2014 – Stefan Boness/Ipon/SIPA

A cinq semaines des élections européennes, l’UMP est déjà essorée par ses divisions internes sur la position a adopter à l’égard de l’Union européenne. Pour schématiser, s’opposent les europhiles et fédéralistes aux eurosceptiques et souverainistes. Par exemple, Henri Guaino, l’ancienne plume de Sarkozy a d’ores et déjà prévenu qu’il ne votera pas pour le candidat UMP Alain Lamassoure en Ile-de-France. Il incarnerait, estime-t-il, une « Europe dont plus personne ne veut ».

Xavier Bertrand, pour sa part, laisse entendre qu’il faut en finir avec le leadership franco-allemand : « l’Europe Merkozy, ça ne marche pas ». Laurent Wauquiez, lui, rêve d’un retour à une Europe à six pays, une sorte de « noyau dur européen ». Quant au député-maire de Maisons-Laffitte, Jacques Myard, il estime que « l’euro, monnaie unique est inadaptée ». « On ne fait pas vivre dans la même zone monétaire un marchand de canons, l’Allemagne, et un marchand d’olives, la Grèce, sauf à instituer une union de transfert des riches vers les pauvres », écrivait-il le 15 avril.

Ces prises de position – qui ont réjouit le président de Debout la République, Nicolas Dupont-Aignan  – ont eu le chic de rendre fou Jean-François Copé qui cherche à imposer une ligne à la remuante formation. Ainsi, un texte définissant la stratégie pour la campagne des européennes  a été approuvé la semaine dernière par l’ensemble des candidats à l’élection du 25 mai prochain. Intitulé « Parce que nous sommes patriotes, nous voulons transformer l’Europe », le document de deux pages affirme que « les batailles entre souverainistes et fédéralistes appartiennent au siècle passé », que l’Europe défendue par l’UMP doit être « une Europe qui assume son identité, qui stoppe l’élargissement sans fin et qui refuse l’entrée de la Turquie », une Europe « qui fait respecter ses frontières, réforme Schengen de fond en comble, refuse l’immigration subie, réduit le regroupement familial et organise une immigration choisie. »

Ce texte d’équilibristes, la députée européenne Rachida Dati l’a signé… avant de le critiquer vertement sur Twitter :

1ère salve :

Rachida Dati @datirachida

La fumée blanche est sortie ! Les candidats investis vont exécuter, sans être consultés ! #BureauPolitiqueStatutaire #UMP

2nde salve :

Rachida Dati @datirachida

Soutien à @laurentwauquiez, @xavierbertrand et Henri #Guaino qui ont le mérite de faire avancer le débat sur l’Europe, avec TOUS.

Bref, il y a de la friture sur la ligne politique. Et pas qu’un peu. D’où ce désir exprimé par François Baroin que « Nicolas Sarkozy s’exprime sur ce sujet ».

François Baroin et ses petits camarades auraient-ils déjà oublié le briefing de leur ancien patron sur l’Europe ? Ou Sarkozy serait-il à ce point démonétisé que plus personne ne l’entend à l’UMP ? Le 8 juillet dernier, lors de son passage express devant les élus et cadres du parti, l’ancien président de la République s’était lancé dans un cours magistral d’une dizaine de minutes sur le sujet. Marianne, qui a eu accès à un enregistrement de son intervention (consultable en fin d’article), leur rafraîchit la mémoire.

Ce jour-là, d’entrée de jeu, il explique que, selon lui, les « sempiternelles clivages fédéralistes – confédéralistes, souverainistes – européens » sont « aussi démodés que se trouve être la grille de lecture gauche – droite (Argument repris presque mot pour mot par le texte cité plus haut, ndlr). » Et ? On pensait pourtant que si un clivage existe bel et bien encore aujourd’hui, c’est sur la vision de l’Europe, le rapport à la souveraineté, etc.

Et l’ex de l’Elysée d’embrayer sur un couplet maintes fois entonné, notamment par Valérie Giscard d’Estaing aux élections de 1994, sur le thème, « l’Europe, c’est la paix ; sans l’Europe, c’est la guerre ». Si « le continent européen est devenu le continent le plus sûr du monde », explique le guide suprême, c’est « parce qu’il y a eu l’Europe. Sans l’Europe les affrontements reprendraient »… Et de rappeler, au cas où, que « c’est en Europe, il y a soixante ans qu’on a massacré 6 millions de juifs ». Raison pour laquelle Sarkozy voudrait que sa famille politique se range derrière l’Europe de ceux qui ont dit « plus jamais ça entre nous, de ceux qui se sont donnés la main, de ceux qui ont dit peu importe de quel côté du Rhin se trouvent les morts, nous ne voulons plus de morts entre nous. » C’est sûr que vu comme ça, on ne comprend pas pourquoi l’UMP s’écharpe sur le sujet…

L’homme à l’initiative avec Angela Merkel du « traité merkozy » est lancé. L’occasion de livrer son opinion sur la relation franco-allemande et, surtout, sur la zone euro : « L’Europe des 17, bientôt 18 (La Lettonie a fait son entrée le 1er janvier 2014, ndlr), ne marchera pas, ne marchera plus, si le leadership franco-allemand n’est pas décidé à exercer non pas son droit, mais son devoir à la tête de l’euro ! » Prends ça Xavier Bertrand !

Mais il n’y en a pas que pour le député-maire de Saint-Quentin. A tous, il présente ce qui pourrait s’apparenter à sa feuille de route pour le parti : « Si l’euro explose, l’Europe explosera, si l’Europe explose et bien c’est la paix que vous ne maintiendrait plus sur notre continent. Ce discours rencontre le scepticisme devant les souffrances des usines qui ferment, des paysans qui se meurent et de cette Europe qui est devenue une passoire, mais c’est le cœur de notre engagement. Une fois qu’on a dit ça il faudra que nous prenions des risques, des risques très importants. Des risques qui consistent à dire que l’Europe de l’euro ne peut pas être l’Europe de l’Union européenne. On ne peut pas avoir le même degré d’intégration. On ne peut pas dire que des pays qui n’ont pas la même monnaie doivent être conduits comme des pays qui ont la même monnaie… Ça n’a pas de sens ».

Nicolas Sarkozy est de « ceux qui pensent qu’il ne faudra pas hésiter à ce que l’Union européenne rende des compétences » car « l’Europe qui s’élargit doit réduire ses compétences, si elle ne réduit pas ses compétences, elle explosera ». Message reçu et largement amplifié par Laurent Wauquiez, ancien ministre chargé des Affaires européennes du président déchu. 

Reste le passage sur l’immigration et l’espace Schengen. Un refrain que le président-candidat avait déjà développé lors de l’élection présidentielle et qui semblent aujourd’hui faire l’unanimité à l’UMP. Ou presque: Laurent Wauquiez, encore lui, a tout simplement décidé de militer pour la sortie de la France de Schengen… Nicolas Sarkozy est moins catégorique : « Vous aurez à en débattre, mais je pense qu’il est absolument indispensable de créer les conditions d’un Schengen 2, de supprimer le Schengen d’aujourd’hui. Ce fut une erreur — non pas de prévoir la liberté de circulation des personnes — de dire on fait Schengen, puis on réfléchi à une politique de l’immigration commune ! On doit réfléchir à une politique de l’immigration commune et tous ceux qui adhéreront a priori à cette politique de l’immigration commune auront le droit a posteriori de rentrer dans Schengen. C’est du bon sens et cela nous permettra d’être simplement audible pour les Français. » Neuf mois après la leçon de « bon sens » du guide, l’équilibre est fragile et les désaccords nombreux. Même si, par un étrange paradoxe, l’UMP enregistre de très hauts scores pour les européennes dans les enquêtes d’opinion…

2 commentaires sur Europe : paumée, l’UMP ferait bien de réécouter le guide Sarkozy !

  1. Coriolan // 4 mai 2014 à 22 h 35 min //

    Pour atténuer la cacophonie ambiante à l’UMP sur ce sujet sensible, François BAROIN a pensé faire appel à l’arbitre, ayant figure de commandeur, faute de mieux. Guillaume BERNARD faisait une analyse très fine de ce recours ultime pré-électoral, dans son article paru dans Le Figaro-Vox du 25 Avril 2014, intitulé:
     » La question européenne va t-elle faire exploser l’UMP? »
     » Il n’est pas certain que la figure de Nicolas SARKOZY soit la meilleure pour cette élection. La liste qu’il avait conduite en 1999, avec Alain MADELIN et suite à la défection de Philippe SEGUIN, n’avait pas atteint les 13%, était arrivée derrière celle de Pasqua-de Villiers. Il est aussi l’homme qui a ratifié le traité de Lisbonne malgré le référendum de 2005 rejetant le TCE. Enfin, il a fait supprimer, lors de la révision de la Constitution en 2008, l’obligation de recourir à un référendum pour les élargissements de l’UE ».

    Après les promesses non tenues de référendum sur l’Euro par J. CHIRAC, puis la volte-face sur l’entrée de la Turquie, promis à nouveau par F. HOLLANDE. Les négociations de la CEE avec ce pays étant ouvertes depuis 1963, la Commission vient de conclure avec Ankara, un accord de libre-circulation des Turcs en UE à partir de 2017. Un lot de consolation, en attendant plus et mieux…

  2. Ce n’est pas en assemblant plus de 20 nations malades que nous ferons une Union européenne saine. Ce n’est pas en soutenant l’Ukraine contre la Russie que nous éviterons la guerre.

    Il faut reprendre notre liberté et le droit de frapper notre monnaie pour équilibrer nos comptes, notre balance commerciale et vivre selon notre production.

    Pour consommer, il faut produire.

    L’UMPS a vendu notre industrie. L’UMPS a favorisé l’entrée des travailleurs étrangers pour faire baisser les salaires sans comprendre que nous payons EN PLUS le chômage des ouvriers Français sacrifiés.

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