Les mécomptes fiscaux de Jérôme Cahuzac

Jérôme Cahuzac

Le ministre du budget, (Photo : Jérôme Cahuzac© Reuters) déjà visé par une enquête judiciaire pour « blanchiment de fraude fiscale », a-t-il truqué ses déclarations de patrimoine ? Sa propre administration se le demande. Mediapart publie un document qui prouve que le fisc a engagé ces dernières semaines des vérifications approfondies sur les déclarations d’ISF du ministre, dont la sincérité pourrait être remise en cause.

Il s’agit d’un mail de l’expert comptable Gérard Ranchon, du cabinet Norminter, envoyé le 19 décembre 2012, à 20h15, au ministre du budget. Son objet : « Rendez-vous fiscal. »

 

 

M. Ranchon, qui s’adresse à Jérôme Cahuzac comme à un client qu’il connaît de longue date, évoque le rendez-vous qu’il a eu le jour même avec trois hauts fonctionnaires de la Direction régionale des finances publiques de Paris-Sud. La teneur de la réunion est pour le moins embarrassante pour un ministre du budget en exercice, comme nous l’avions déjà évoqué.

« Le service a examiné vos déclarations d’ISF et me fait part des observations suivantes »

, écrit ainsi l’expert-comptable. La liste des « observations » est longue.

Premier grief : le fisc s’interroge sur une possible sous-évaluation du patrimoine immobilier du ministre, s’agissant notamment d’un luxueux appartement parisien acquis en 1994 pour 6,4 millions de francs avenue de Breteuil, à quelques pas des Invalides.

« L’évaluation de l’appartement de Breteuil par notre cabinet (10 KEUR/m2 en 2012, 9,5 KEUR en 2011, 8,4 en 2010) semble insuffisante de l’ordre de 10 % », confie l’expert comptable. L’appartement en question se trouvant dans l’un des quartiers les plus chers en terme d’immobilier parisien, il n’est pas exclu que cette sous-évaluation soit en réalité bien supérieure à 10 %.

Deuxième grief : l’administration fiscale s’interroge également sur les conditions d’un prêt paternel de 1,5 million de francs qui avait justement été débloqué pour l’achat de l’appartement de Breteuil en octobre 1994. « Le prêt familial du 14 novembre 1994 n’a pas été mentionné dans la déclaration de succession de votre père », écrit l’expert-comptable. Qui poursuit : « Le service en déduit qu’il a probablement été remboursé et ne devrait pas figurer au passif des déclarations 2010, 2011 et 2012. Je pense que François Szabo (son associé – ndlr) a reconduit mécaniquement ce montant d’année en année. »

En résumé, le fisc soupçonne le ministre du budget d’avoir utilisé ce prêt pour faire diminuer de manière fictive l’assiette du calcul de son impôt sur le patrimoine.

Le retour de l’inspecteur Garnier

Le troisième grief, et non des moindres, porte sur un autre “oubli” déclaratif du ministre socialiste. « La presse a fait état d’un vol de montres de valeur survenu en 2012. Ces montres, même de collection, auraient dû a priori être mentionnées dans la déclaration d’ISF », souligne l’expert-comptable.

En octobre dernier, l’appartement de l’avenue Pierre 1er de Serbie où résidait alors Jérôme Cahuzac avait en effet été visité par de mystérieux cambrioleurs, selon Le Parisien. Le quotidien avait rapporté que, dans le butin figuraient de nombreuses montres pour une valeur de 100 000 euros. L’entourage du ministre s’était alors empressé de faire savoir qu’il s’agissait, pour l’essentiel, d’objets dont la valeur était surtout « sentimentale ».

Mais ce n’est pas tout. L’administration fiscale voudrait en outre tirer au clair les conditions de l’acquisition d’un autre appartement, situé avenue de Breteuil. « Comment l’achat du petit appartement a été financé ? Prix = 400 KEUR. Prêt, 280 KEUR. Solde de 120 KEUR ? » interroge l’expert comptable à la demande du fisc. Il demande également l’évaluation d’une maison détenue par M. Cahuzac à Pujols dans le Lot-et-Garonne, sur laquelle d’autres questions fiscales semblent aussi se poser.

Au final, l’expert comptable propose au ministre l’établissement de « déclarations rectificatives », dont « l’acheminement sera confidentiel ». Le sujet – on le comprend – est quelque peu sensible politiquement. Contacté par Mediapart, l’expert comptable Gérard Ranchon n’a souhaité faire aucun commentaire, se réfugiant derrière le secret professionnel.

Dans un mémoire daté du 28 janvier, que nous publions en intégralité ci-dessous, l’ancien inspecteur du fisc Rémy Garnier, qui évoquait dès 2008 ses soupçons sur un compte détenu secrètement en Suisse par M. Cahuzac, a calculé le montant du redressement potentiel auquel s’expose aujourd’hui le ministre du budget.

Également destinataire du mail reproduit par Mediapart, l’agent Garnier écrit dans son mémoire : « Compte tenu du passif fictif et des montres oubliées, le redressement atteindrait 1.000.000 € environ chaque année et l’impôt correspondant serait de 20.000 € pour les trois années non prescrites ou 72.000 € environ sur dix ans. »

Le mémoire duquel est extraite cette phrase a été déposé devant la cour administrative d’appel de Bordeaux, où l’ancien fonctionnaire de Bercy doit être jugé pour avoir consulté le dossier fiscal personnel de Jérôme Cahuzac en 2007. Son administration lui reproche de l’avoir fait sans raison apparente. Selon l’inspecteur Garnier, au contraire, le mail de l’expert comptable Ranchon « démontre de manière éclatante que la consultation (…) du dossier de Jérôme Cahuzac le 9 mars 2007 présentait un intérêt moral, déontologique et financier pour le trésor public ».

2 commentaires sur Les mécomptes fiscaux de Jérôme Cahuzac

  1. Genty Jean Claude // 11 mars 2013 à 20 h 24 min //

    Mon commentaire n’a pas dû avoir l’heur de plaire au modérateur, bien qu’il ait été on ne peut plus
    retenu.
    Je trouve que ce site Gaullisme.fr est de plus en plus tiède et s’éloigne à grandes enjambées
    de la « Pensée Gaulliste » faite de volonté et surtout d’analyses fermes et courtoises de la
    situation politique et de critiques tout aussi fermes et courtoises de gens ayant failli à
    l’honneur de leur fonction.
    Au fait, surtout, ne publiez pas non plus ce billet d’humeur.
    Je viens, Monsieur le Modérateur, de m’apercevoir, que dans ma lancée, je m’étais écarté de la
    « bouillie tiédasse du politiquement correct ».
    Avec toutes mes excuses.
    Un « trop » vieux Gaulliste.
    Jean Claude GENTY

  2. Genty Jean Claude // 9 mars 2013 à 20 h 04 min //

    Un grand bravo à « Môssieu » Cahuzac, çi-devant ministre du budget pour son implication
    dans un imbroglio fiscal indigne.
    Magnifique exemple de la qualité de ceux qui, avec hauteur et morgue toise le Peuple de France.
    Jean Claude GENTY

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