Le vote des étrangers en France : NON

FRANCE2012-ELECT_15La volonté du gouvernement socialiste de donner aux étrangers non communautaires le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales (donc municipales) s’est traduite par de nombreux débats au niveau national, mais aussi au sein des conseils municipaux, l’organe délibératif des communes étant directement impacté par ce projet.

Mais comme le suggère Jean-Pierre Chevènement, (« je pense que le véritable but, c’est l’intégration, c’est de permettre aux étrangers qui vivent en France de se sentir pleinement citoyens. Je suis donc partisan de faciliter les naturalisations pour ceux qui le souhaitent, aussi largement que possible. On ne doit pas couper la citoyenneté en tranches. »), il convient de mettre l’accent sur la naturalisation.

« La France, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur.
J’y suis né, j’ai bu aux sources de sa culture.
J’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel,
et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux ».
Marc Bloch, « l’Étrange défaite », septembre 1940.

Il ne faut pas se tromper de débat : il ne s’agit pas ici de traiter le problème de l’immigration, encore moins celle clandestine. Il ne s’agit pas non plus de porter une quelconque opinion sur ce qui relève des religions. Nous sommes dans un état de droit et laïque. La moindre des choses pour des élus[1] est de respecter ceci.

Il me semble indispensable que le sujet évoqué reste sur deux points essentiels : d’une part, la relation entre la nationalité et la citoyenneté et d’autre part, les conséquences possibles d’une telle décision.

Ces deux points essentiels nous interrogent sur le but recherché. Ce projet de loi agit-il en faveur d’une meilleure intégration, voire assimilation, des étrangers habitant sur notre sol depuis assez longtemps ? C’est la question fondamentale que je me pose. Et nulle autre.

La nationalité et la citoyenneté.

La première réalité qu’il faut rappeler est la suivante : les étrangers bénéficient en France des mêmes droits civils, économiques et sociaux que les Français. Et ceci est logique car cela participe à la cohésion de la seule communauté que j’accepte d’évoquer, la communauté nationale.

Seul le bénéfice des droits civiques et politiques différencie les uns des autres.

Mais à quoi servirait-il d’acquérir la nationalité française si les étrangers disposaient des mêmes droits que tous les Français ?

Or, la véritable intégration n’est possible qu’à travers la naturalisation. Celle-ci implique certaines conditions, évolutives si nécessaire, mais qui impliquent une acceptation de notre passé, avec ses parts d’ombres, mais aussi une détermination à participer à l’avenir de notre nation. C’est çà la citoyenneté. La décolonisation des premières années de la Vème république a bien fonctionné à partir de ce concept. L’indépendance de chacun des pays est étroitement liée à la faculté des citoyens de déterminer ce qui est bon pour son pays.

Comme le professait Ernest Renan, une nation repose sur un réel passé commun et sur une volonté d’association : ce qui constitue une nation, ce n’est pas appartenir à un groupe ethnographique commun, c’est « avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore » dans l’avenir.[2]

Le suffrage censitaire[3]ou le droit de vote au nom de l’impôt.

L’argument ainsi avancé par ceux qui sont favorables au droit de vote des étrangers non-communautaires est, à mon sens, une posture discriminatoire et dangereuse.

Il revient à réinstaurer une notion anti-citoyenne disparue en 1848 : le suffrage censitaire.

Combien de Français ne paient pas, pour des raisons évidentes de revenus insuffisants, d’impôt sur le revenu ? 50%. Faut-il pour autant leur retirer le droit de vote au niveau national ?

Combien de familles ne versent aucun impôt local (ex : taxe d’habitation) pour des raisons toutes aussi valables ? Faudra-t-il, au nom de cet argument, leur retirer le droit de participer à la vie démocratique de la cité ? Non.

Ni droite, ni gauche.

L’acceptation ou non du droit de vote des étrangers n’est pas l’expression d’un clivage droite-gauche comme certains veulent le faire croire. Dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres, les sensibilités républicaines s’expriment indépendamment des clivages traditionnels. Pour ma part, je ne suis pas l’otage d’un appareil politique.

Dans le Figaro du 1er décembre 1999, Michel Charasse, éminent ministre socialiste de François Mitterrand et membre du Conseil constitutionnel depuis le 12 mars 2010 considérait alors que « le droit de vote des étrangers pouvait entrainer un risque grave pour les institutions de la République ».

Jean-Pierre Chevènement, également ministre de François Mitterrand, aujourd’hui Sénateur PS, préfère la voie de la naturalisation. « … ce droit de vote accordé aux étrangers aux élections municipales me parait quelque chose d’assez dérisoire et probablement contre-productif par rapport à l’immense problème que constitue l’intégration à la France de tous ceux qui veulent la rejoindre ». Il évoquait alors la promesse du Président élu en 1981.

Malika Sorel, membre du Haut Conseil à l’Intégration, née en France de parents Algériens est elle aussi favorable à l’intégration, mais elle le dit à sa manière : « On ne peut pas devenir Français qu’en respirant l’air de la France. Ce n’est pas suffisant. Pour devenir Français, il faut en avoir la volonté ».

Mais d’autres parlementaires classés à droite ou au centre droit sont néanmoins favorables à cette réforme. C’est le cas de Jean-Louis Borloo, mais reconnait-il, pas celui de la majorité de ses collègues membres de l’UDI.

Quant au ministre de l’intérieur Manuel Valls, en réponse aux 75[4] députés signataires d’une tribune dans le Monde du 17 septembre dernier rappelant l’engagement de François Hollande, il annonce que « le débat risque de provoquer des fractures » et pose deux questions : « Est-ce que c’est aujourd’hui une revendication forte dans la société française ? Est-ce un élément puissant d’intégration ? » Sa réponse est sans appel : NON. Et de préciser qu’aujourd’hui « le défi de la société française est celui de l’intégration ».

En d’autres termes, ce n’est pas parce que qu’ils voteront que les immigrés seront mieux intégrés, mais c’est en s’intégrant qu’ils pourront voter.

Les promesses de F. Hollande, après celles de François Mitterrand.

Il est utile de rappeler l’engagement de François Hollande présenté aux Français dans le cadre de la campagne présidentielle. Je le cite en totalité : « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans. Je conduirai une lutte implacable contre l’immigration illégale et les filières du travail clandestin. Je sécuriserai l’immigration légale. Les régularisations seront opérées au cas par cas sur la base de critères objectifs. »

Et de quoi s’agit-il aujourd’hui ? Du projet de loi constitutionnel du parti socialiste déposé au Sénat et adopté le 8 décembre 2011 et qui précise lui :  » Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France… ». Ce n’est plus la même chose, car il convient d’une part de le comparer aux droits des étrangers communautaires, et d’autre part de bien comprendre les répercussions d’une telle décision.

Dire qu’il y a tromperie sur la marchandise peut sembler excessif, mais pour le moins nous pouvons parler d’incompréhension. Ceci est d’autant plus d’actualité que les précisions sur les conditions de désignation des élus communautaires – je veux parler ici de la communauté de communes – laissent entrevoir que les premiers de liste ont vocation à représenter la commune à l’intercommunalité.

La réciprocité

Au-delà de cette précision qu’il convient de prendre en compte, un autre élément fait surface. Celui de la réciprocité.

Lors du Conseil municipal au cours duquel le Maire s’était engagé à débattre de ce sujet, je l’avais déjà évoqué, mais trop rapidement.

Tout d’abord, rappelons que les étrangers communautaires, c’est-à-dire ceux des pays de la Communauté européenne, bénéficient du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales. C’est l’application du traité de Maastricht du 7 février 1992 et de la révision constitutionnelle du 25 juin suivant qui établit ce droit. L’article 88-3 de notre constitution précise que : « .le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. » tout en précisant que ces élus conseillers municipaux ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Mais il est important, si non fondamental, de noter que cet article débute par : « Sous réserve de réciprocité… ».

Et personne n’envisage de retirer cette obligation partagée.

Attribuer le droit de vote aux étrangers non communautaires sans contrepartie de réciprocité revient alors à leur accorder un traitement privilégié par rapport aux citoyens des pays avec lesquels nous avons décidé d’avoir un destin commun. Ceci serait inacceptable. Ce serait une négation même de l’esprit européen.

D’ailleurs, le premier ministre semble en avoir pris conscience puisqu’il vient de déclarer à propos de la réciprocité: « ça existe dans certains pays, ce n’est pas un sujet tabou ».

C’est d’ailleurs ce qui a été prévu en Espagne, au Portugal, au Maroc. Alors pourquoi ne pas le faire en France ?

Des Conseils municipaux inégaux

Quelles peuvent être les conséquences d’une telle modification de notre code démocratique français ?

Concernant la composition même du Conseil, chacun peut comprendre que la situation de Quimperlé ne peut être la même qu’à Clichy sous Bois en Région parisienne. Les pourcentages peuvent atteindre dans certaines communes 60 à 70% d’étrangers en situation régulière. Le communautarisme y est fortement implanté. Des listes entières de candidats étrangers peuvent perturber la vie démocratique locale. Quel imbroglio électoral s’en suivrait puisque ces élus ne pourraient prétendre à autre chose que de constituer un faux Conseil municipal sans Maire et sans adjoint. Même dans le cas le plus favorable d’élection de candidats étrangers sur une liste composée en majorité de nationaux, quelle implication peuvent-ils avoir puisque leur seule mission serait d’être des supplétifs de vote.

L’expression communautariste au sein des Conseils municipaux est dangereuse. Dangereuse pour la démocratie elle-même, dangereuse car elle mettrait en danger la notion même d’intérêt général.

Est-ce une première étape ?

Bien entendu, présentée comme elle est aujourd’hui par le Président de la République, cette réforme peut être comprise comme une finalité en soi. Mais quelles sont alors les garanties qu’elle ne sera pas suivie d’autres réformes encore plus importantes, visant notamment à supprimer les interdictions avancées aujourd’hui, touchant par exemple à la désignation des grands électeurs et donc à la représentation nationale ?

Présenter aux Français un texte modifié.

Si le gouvernement persiste dans cette voie, Il lui appartient de prendre en compte toutes les remarques faites ici ou là, et notamment celles émanant des élus locaux de l’hexagone.

Il convient de choisir le mode de ratification le plus démocratique. La modification constitutionnelle que cette réforme implique de façon fondamentale ne peut se faire en catimini comme nous avons pu le vivre sur d’autres sujets. Le débauchage de parlementaires indispensable au gouvernement pour atteindre le nombre fatidique de 555 représentant les 3/5 nécessaire pour l’adoption en Congrès semble être le choix prioritaire du Président de la République. C’est mesquin, c’est petit. Il est vrai qu’aujourd’hui, le pouvoir politique, quelle que soit sa couleur, a une peur bleu du suffrage direct. Les partis majoritaires ont au moins un point commun. Dans l’exercice du pouvoir, ils ont les mêmes manières qui visent et tendent à museler les électeurs.

Même si le parti politique au pouvoir aujourd’hui possède partout les majorités qui lui permettent d’avoir un pouvoir total sur la vie politique, Présidence de la République, Gouvernement, Sénat, Assemblée nationale, Régions, Départements, communes et communautés de communes, il ne doit pas faire l’économie d’une consultation référendaire. Dans tous les cas, sur des modifications importantes de notre constitution, ce qui a été validé par le peuple ne peut être modifié que par lui. Que le pouvoir socialiste ait le courage de le faire et celui de tirer toutes les conséquences d’un vote éventuellement négatif, comme le fondateur de la Vème République l’a fait le 27 avril 1969[5].

En conclusion, le choix que je fais pour aller vers plus d’intégration réelle est celle de la naturalisation et non du droit de vote aux étrangers non-communautaires.

Le 27 juin 2012, j’ai eu l’occasion de participer à la remise des certificats de naturalisation à la Préfecture du Finistère. Sur la quarantaine de récipiendaires : une Quimperloise. Originaire du Maroc et domiciliée depuis 5 ans à Quimperlé, elle a précisé à toute l’assemblée ce que lui inspirait la remise de son certificat de nationalité française. « J’ai eu un sentiment de responsabilité et d’engagement à respecter ma nouvelle patrie » et c’est à cette occasion que je lui ai exprimé tous mes vœux de bienvenue dans notre communauté nationale en rappelant aussi que la Bretagne est et restera une terre d’accueil.

————————-Annexe1————————-

Proposition de loi constitutionnelle adoptée par le Sénat, le 8 décembre 2011

Article 1er – Après l’article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article 72-5 ainsi rédigé :

« Art. 72-5. – Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »

Article 2 – À la première phrase de l’article 88-3 de la Constitution, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » et le mot : « seuls » est supprimé.



[1] Je suis maire-adjoint de Quimperlé, commune de 12 000habitants (Sud-Finistère)

[2] Ernest Renan combat l’idée selon laquelle la race constituerait l’origine de la Nation, et s’oppose ainsi à toute forme de pangermanisme, panslavisme, etc. « La vérité est qu’il n’y a pas de race pure et que faire reposer la politique sur l’analyse ethnographique, c’est la faire porter sur une chimère. Les plus nobles pays, l’Angleterre, la France, l’Italie, sont ceux où le sang est le plus mêlé. L’Allemagne fait-elle à cet égard une exception ? Est-elle un pays germanique pur ? Quelle illusion ! Tout le Sud a été gaulois. Tout l’Est, à partir d’Elbe, est slave. Et les parties que l’on prétend réellement pures le sont-elles en effet ? Nous touchons ici à un des problèmes sur lesquels il importe le plus de se faire des idées claires et de prévenir les malentendus »

[3] En 1848, le suffrage censitaire est remplacé par le suffrage universel masculin. Le droit de vote est accordé aux femmes en avril 44 par le général de Gaulle

[4] Pourquoi seulement 75 députés sur 523 parlementaires (Assemblée nationale et Sénat) socialistes et alliés ?

[5] Référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat.

3 commentaires sur Le vote des étrangers en France : NON

  1. La France poursuit sur le chemin d’une aventure démocratique suicidaire : donner la parole et le pouvoir aux minorités agissantes.
    Moins il y a de citoyens qui se rendent aux urnes (taux d’abstention record de 78% aux dernières législatives partielles) ,mais aussi dans bien des assemblées d’associations des acteurs sociaux,syndicaux, sportifs,culturels,moins les responsables élus n’ont la légitimité du coeur et de l’âme d’une démocratie forte et brillante et font ainsi plonger la France dans le n’importe quoi sociétal.Aprés le mariage pour tous, les allocs pour tous ,pourquoi pas le droit de vote pour tous ?
    Au train où va la politique en France,il y a fort à parier que ce nouevau millénaire va nous réserver de cruelles désillusions et ce ne sont pas hélas les plus ardents à vouloir nous remettre les esprits à l’endroit qui l’emporteront si nous nous contentons de faire seulement obstacle verbal aux orientations politiques,économiques et sociales stupides et désastreuses qui nous sont proposées par ces minorités agissantes (fussent-elles élues).
    Bla,bla,bla… »les français sont des diseurs,rarement des faiseurs » se plaisait à dire feu Raymond Barre….il n’avait apparemment pas tort !
    Bonne année 2013 à tous et à chacun(e) ,l’année va certainement être exaltante!

  2. Jean Claude GENTY // 27 décembre 2012 à 20 h 07 min //

    Pour pouvoir décider de l’avenir de son pays, il faut en être un des citoyens.
    Sans xénophobie aucune, je pense donc que le droit de vote est un droit
    EXCLUSIF des citoyens, donc des habitants de NATIONALITE FRANCAISE.
    Si tu aimes la FRANCE, que tu veux avoir un avenir commun avec elle, ô toi
    l’Etranger, sans façon, demande à en être citoyen.
    Tu sais, c’est simple, la naturalisation!
    Renseigne-toi, tu verras comme c’est simple.

  3. Si le mot démocratie a un sens, alors il faut interroger le peuple par voie référendaire : qui mieux que le peuple français peut décider d’une mesure aussi propice à la polémique?
    « Accessoirement », il faudra un jour se poser la question sur le sens du mot citoyenneté : a priori, celle-ci suppose un adéquation entre nationalité (de natio, naître) et droits, en l’occrurence droit de vote, et devoirs, notamment le devoir de défendre sa patrie; comment fait-on pour donner le droit de vote à des étrangers qui, par essence, sont les nationaux d’un autre Etat et qui à ce titre pourrait combattre les nationaux de l’Etat dans lequel ils auraient le droit de s’exprimer?
    Comment fait-on pour préserver l’unité de la république et son indivisibilité quand l’appartenance à la nation qui en est le déterminant est relativisée?
    Il y aurait beaucoup de questions à poser. Mais il semblerait que la polémique soit politicienne, c’est à dire à visée stratégique : faire monter le front national et affaiblir la droite libérale… Du Mitterand tout craché… Quand à la France, plus personne n’en parle. Noyée dans sa faillite économique et financière, elle se perd dans les débats stériles sensés occupés l’esprit des gens… Le destin de notre pays dépendrait du droit de vote des étrangers aux élections municipales et du mariage gay qui sera célébré par la municipalité mais pas par les élus étrangers….Au final, quelques élus imbéciles nous amènent dans le pays torturé de Kafka. Je préfère Descartes et Hegel.

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