“Règle d’or” : une loi fin septembre

Le Conseil constitutionnel, en annonçant, jeudi 9 août, que la “règle d’or” d’équilibre budgétaire prévue dans le traité européen, n’était pas contraire à la Constitution, ouvre la voie à François Hollande pour inscrire dans la loi la maîtrise des déficits publics. Sans cette décision, le Président aurait dû obtenir, pour modifier la Constitution, une majorité des 3/5 des membres du Congrès (assemblée qui réunit l’ensemble des députés et sénateurs à Versailles) ou convoquer un référendum. Deux options politiquement incertaines, tant la gauche reste divisée sur la question.

Désormais, tout va aller très vite. L’Élysée a immédiatement réagi par voie de communiqué pour annoncer que « le Président de la République a en conséquence demandé au gouvernement de préparer rapidement un projet de loi autorisant la ratification du traité ainsi qu’un projet de loi organique destiné à garantir la bonne application de ce texte.»

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé dans la foulée lancer « immédiatement la préparation du projet de loi autorisant la ratification du traité et du projet de loi organique qui seront présentés au Parlement ». Le ministre de l’économie Pierre Moscovici et le ministre délégué au budget Jérôme Cahuzac confirment que le projet de loi sera présenté fin août, « conformément aux demandes du président de la République ». Le Premier ministre a, quant à lui, évoqué un vote pour la fin septembre.

Martine Aubry, maire de Lille et première secrétaire du PS, se félicite dans un communiqué que « la décision du Conseil constitutionnel ouvre une nouvelle voie pour la France et l’Europe ».

Au sein de l’UMP, on se réjouit également de cette décision. L’ancien Premier ministre et député de Paris François Fillon déclare, lui aussi, par voie de communiqué, que « le fait que le Conseil confirme la règle d’or et indique qu’il sera garant de son respect lors de l’examen des futures lois de finances est une bonne nouvelle pour la France ». François Fillon souhaite d’ailleurs que le gouvernement « mette sans délai sa politique en cohérence avec cet engagement et se montre exemplaire dans la mise en œuvre du nouveau traité européen ».

Également partisane de la “règle d’or”, l’ancienne ministre Valérie Pécresse tacle le Président sur les hésitations du PS. « François Hollande et le Parti socialiste ont fait perdre un an à la France et à l’Europe dans la construction d’une véritable union économique, du fait de leur opposition à la règle d’or débattue au Parlement l’été dernier et de leurs atermoiements successifs depuis le début de l’année », a-t-elle déclaré.

Le contrôle de la Commission

Les sages avaient été saisis le 13 juillet par le Président de la République pour décider si le principe de la “règle d’or” prévu dans le pacte budgétaire européen, ratifié le 6 mars 2012, ne dérogeait pas à la loi fondamentale. Le Conseil a tranché : les dispositions du pacte budgétaire « ne comportent pas de clause contraire à la Constitution ». Il estime que la Constitution et les traités européens de Maastricht (1992) et de Lisbonne (2009) rendent possible une “régle d’or”. La décision rendue jeudi s’appuie notamment sur l’article 34 de la Constitution, selon lequel « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».

Le pacte européen budgétaire, signé par 25 membres de l’Union européenne, à l’exception de la République tchèque et de la Grande-Bretagne, interdit aux signataires des déficits publics excédant 0,5 % du PIB. C’est la Cour de justice européenne qui sera chargée de punir les récalcitrants, avec une amende pouvant aller jusqu’à 0,1 % du PIB, à moins qu’une majorité qualifiée des 2/3 des pays signataires, représentant au moins 62 % de la population européenne ne s’y oppose.

Les candidats Sarkozy et Hollande, s’étaient empoignés lors de la campagne présidentielle sur cette question de la “règle d’or” : l’ancien président de la république plaidant pour une inscription dans la Constitution, tandis que François Hollande penchait plutôt pour une simple loi organique. Le Conseil constitutionnel vient de lui donner raison. Mais, cette annonce provoque des remous à droite comme à gauche.

Pour faire voter la loi, François Hollande devra faire face à une partie de la majorité farouchement opposée à la règle d’or. À commencer par les élus du Front de gauche qui s’y sont toujours montrés hostiles et qui réclament un référendum sur le pacte européen de stabilité. Ainsi Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche, dans une interview au JDD, se dit « stupéfait ». « La Commission européenne pourra prendre la main sur nos affaires intérieures », dénonce-t-il.

Outre le Front de gauche, une partie des écologistes s’oppose aussi à cette règle et au contrôle des budgets nationaux par l’Europe. À l’instar de Vincent Placé, président du groupe Europe Écologie-Les Verts au Sénat, qui déplore dans Libération, ce 10 août, « une contestation absolue du président de la République qui avait indiqué d’ailleurs dans sa campagne qu’il voulait renégocier ce traité. (…) Je pense qu’il faut aller vers plus d’Europe, vers un gouvernement économique européen, un budget européen, une fiscalité européenne », poursuit-il. Vincent Placé a précisé qu’il ne votera pas la loi.

Souveraineté nationale

Au sein même du parti socialiste, les avis sont partagés. Ainsi, le député du Finistère Jean-Jacques Urvoas écrivait sur son blog, le 13 juillet 2012, qu’il lui paraissait « improbable », d’un point de vue juridique, que le traité de stabilité ne porte pas atteinte aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ».

De son côté, le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne, dénonce lui aussi dans une interview publiée le 10 août par Libération « le transfert de notre souveraineté budgétaire à des gens non élus, qui pourront nous contrôler et nous imposer des mesures à appliquer. C’est la fin de la démocratie », poursuit-il.

Au FN, aussi, les critiques pleuvent. Floriant Philippot réclame toujours l’organisation d’un référendum sur le traité de stabilité. « Ce traité transfère une large partie de la souveraineté budgétaire de la France à des autorités non élues, et prévoit un système absurde de sanctions financières », a-t-il déclaré dans un communiqué. Le FN a lancé une pétition pour réclamer un référendum, et publie un autre communiqué sur son site : « Ce traité (…) emprisonne la France et l’Europe dans l’austérité à vie. Pire, il nous obligera à payer les dettes des autres pays victimes de l’euro, comme nous l’avons déjà fait pour la Grèce, sans aucun résultat. Bref, c’est le diktat de la Caste et des banques. »

En Europe, rares sont les pays qui ont devancé le pacte de stabilité budgétaire en appliquant déjà une règle d’or. En septembre 2011, l’Espagne l’a inscrit dans sa Constitution, de sorte que le déficit public ne pourra pas excéder 0,4 % d’ici 2020. L’Italie a suivi le modèle espagnol en avril 2012. En Allemagne, le contrôle de l’endettement est inscrit dans la loi fondamentale depuis 1949. La loi « frein à l’endettement », votée en 2009, prévoit en outre de réduire progressivement les déficits pour atteindre 0,35 % en 2016.

Si le Parlement français adopte effectivement ce principe, la France sera le quatrième État européen à limiter drastiquement les déficits publics. Compte tenu des perspectives économiques, il faudra manifestement se serrer la ceinture. Avec les prévisions de croissance revues à la baisse, l’objectif de 3 % de déficit à l’horizon 2013 fixé par le gouvernement s’éloigne un peu plus. La Cour des comptes a estimé que 33 milliards d’euros d’économie seraient nécessaires pour y parvenir.

liza Fabbian et Simon Castel

Jacques Myard, député UMP, contre cette atteinte à la souveraineté de la France.

h318457941261159798_thumbConcernant la décision du Conseil Constitutionnel du 9 Août 2012 sur le Traité sur la stabilité ( TSCG ), le député gaulliste positionne le gouvernement « entre pirouette et avertissement ! »

« La décision du Conseil Constitutionnel sur le TSCG va susciter de très nombreux commentaires critiques car à l’évidence les sages ont tout fait pour buter en touche.

En premier lieu, ils feignent de croire que l’obligation de résultat imposée aux Etats de respecter un déficit de 0,5 % n’est pas contraire à la Constitution sous prétexte que le Traité de Maastricht imposait 3% ,ce n’est rien d’autre qu’une pirouette . Le Conseil refuse de considérer que ce changement quantitatif constitue un changement qualitatif substantiel et donc une limitation de souveraineté équivalente !

Et cela d’autant plus que des sanctions peuvent être mises en œuvre sur proposition de la Commission.

Mais le Conseil en saisissant, telle une aubaine, la possibilité que la règle d’or puisse être inscrite dans une loi organique soumise à son contrôle ,  » repasse  » le bébé au gouvernement qui devra rendre compatible les stipulations du Traité avec les dispositions de la Constitution : une véritable quadrature du cercle ! C’est un avertissement !

En réalité ce traité ne sera pas de nature à sauver l’euro qui est moribond, les déficits publics sont la conséquence et non la cause qui est la perte compétitivité économique des pays en déficits. Pire la discipline budgétaire, une véritable purge, va aggraver la récession économique et provoquer la révolte des peuples !

Pour ma part je voterai contre la ratification de ce traité, incompatible avec notre souveraineté, dangereux et dévastateur pour les économies des pays de la zone euro. »

2 commentaires sur “Règle d’or” : une loi fin septembre

  1. Tant que la politique de l’Union Européenne et en particulier celle de la France sera vassalisée aux USA rien ne changera en matière d’économie et de Finances : toujours plus pour le 1% de ceux qui détiennent 50% des richesses de l’occident . A ma connaissance seul le sénateur américain Bernie Sanders ose crier l’affigeante réalité.
    On aimerait que les députés et sénateurs français de droite et de soi-disant gauche l’imitent .Au lieu d’être des godillots!

  2. Grosso modo, le nouveau Traité ne fait qu’aggraver des dispositions déjà en vigueur ( même si elles n’ont pas été mises en oeuvre en un sens coercitif) depuis Maastricht.
    M. Coquerel, Secrétaire National du Front de Gauche a, je le suppose, à l’instar de son ami M. Mélenchon, approuvé, il y a 20 ans , le dit Traité de Maastricht.
    Il récolte aujourd’hui les conséquences de son vote.
    Un peu plus de sens des responsabilités serait bienvenu.
    La tartuferie des hommes de gauche semble leur être consubstantielle….

    Quant à M Myard, qui nous déclare que  » l’euro est moribond » , on eût apprécié que lui-même et ses amis l’affirmassent, depuis 2 ans, avec un peu plus d’éclat, de vigueur et de détermination alors que le duo Merkel-Sarkozy engageaient les 17 de la zone dans une folle politique de sauvetage  » à tout prix ».

    Une question, le courage est-il compatible avec la démocratie ?

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