Conférence de presse du 29 juillet 1963

 

Au cours de cette conférence, en réponse aux questions des journalistes, le Général aborde plusieurs points essentiels de la politique de la France.

Le rôle de l’Etat…. Et le Plan, cette « ardente obligation »

« Je commencerai par ce qui m’a été demandé en dernier lieu, ce qui, à propos du Plan et de notre développement, semble devoir être fait en matière de coopération entre l’autorité publique, d’une part, et les représentations professionnelles, d’autre part »…

Puis le Général passe en revue l’immense transformation que la France est en train d’accomplir

« Cet immense mouvement, l’Etat est obligatoirement amené à le digérer. Il l’oriente, il le planifie, il l’exécute souvent lui – même et il le paie pour la plus grande part. Il lui faut, tout à la fois, pousser l’expansion nationale, en répartir les fruits entre les catégories, toutes ardentes et revendicatives, faire monter le niveau de vie régulièrement et constamment. »

Le rôle de l’Etat …et la solidarité nationale

« 3 données, à mon avis, dominent la vie du pays à cet égard. La première, c’est le fait que l’Etat, puisqu’il est investi de la direction, doit prendre carrément les moyens de l’exercer comme il convient. La seconde, c’est la solidarité des catégories, solidarité telle que la collectivité a intérêt au bien de toutes, mais que chacune a envers elle des devoirs qui, au bout du compte, l’emportent sur ses droits, tandis que l’exagération de ses propres exigences la vouerait à la réprobation publique. La troisième, c’est la nécessité, pour chacune de ces catégories, de se doter d’organisations qui soient assez solides et assez valables, non seulement pour représenter les revendications de leurs mandants, ce qui est normal et nécessaire, mais encore, ce qui ne l’est pas moins, pour concourir d’une manière positive à l’œuvre des diverses branches de l’activité ainsi qu’au progrès d’ensemble de la collectivité nationale. Car, en dernier ressort, c’est cela que veut le peuple français. »

Le Chef de l’Etat trace une troisième voie

« Eh bien ! ces conditions de l’effort moderne nous commandent d’importants changements en fait de discipline et d’organisation sociales, dès lors que nous repoussons la tyrannie du totalitarisme et qu’en même temps nous rejetons le fatalisme inhumain du « laissez-faire, laisser passer »

… Et imagine les premières mesures de décentralisation…

« C’est ainsi enfin que nous nous sommes mis à régler notre développement d’après le Plan, auquel contribuent les représentants de toutes les catégories, que nous avons institué le Conseil économique et social où ceux – ci se joignent, prennent l’attache des administration, formulent les avis qui leur sont demandés par le pouvoir, que nous sommes en train de créer dans les régions du territoire des comités d’expansion répondant localement aux mêmes buts »

… Et de l’association du capital et du travail

« …organiser mieux la coopération du travail, du capital et de la technique à l’intérieur des entreprises, la coopération de l’administration avec les services publics dont elle a directement la charge, la coopération du pouvoir avec l’ensemble des représentations professionnelles, voilà ce qui est à faire ! »

Puis le Général se propose de traiter des affaires de la France dans le monde. Il aborde alors les relations de la France avec les USA.

Il refuse de prendre en compte les «  saccades de ce qu’on est convenu d’y appeler l’opinion. » Qu’il juge « assez excessifs ».

Le général de Gaulle passe alors en revue certains évènements ayant fait l’objet d’un « pilonnage vain » et rappelle l’affaire de la CED[1] « qui consistait à priver notre pays non pas certes de ses dépenses militaires, mais bel et bien de son armée, et auquel du fond de ma retraite je m’opposai catégoriquement. »

Le Chef de l’Etat confirme la nécessité de l’Alliance Atlantique et rappelle que les Etats-Unis et la France ont une responsabilité capitale «  parce les Etats-Unis disposent d’un armement nucléaire sans lequel le sort du monde serait rapidement réglé, et la France parce que, quelle que soit l’infériorité actuelle de ses moyens, elle est politiquement, géographiquement, moralement, militairement essentielle à la coalition. »

Et le Général de dire ce qu’il ne veut plus pour la France, c’est-à-dire un commandement des troupes françaises de l’Otan par les USA et une Europe sans aucune réalité politique :

« C’est pourquoi, vis-à-vis des Etats-Unis, riches, actifs et puissants, elle (la France) se trouvait en situation de dépendance. Il lui fallait constamment leur concours pour éviter une débâcle monétaire. Les armes de ses troupes, c’est de l’Amérique qu’elle les recevait. Sa sécurité ne tenait qu’à leur protection. Quant aux entreprises internationales auxquelles prenaient part ses dirigeants d’alors, c’était souvent en vue de l’y dissoudre, comme si le renoncement à elle – même était désormais sa seule possibilité, voire son unique ambition, tandis que ces entreprises, sous le couvert de l’intégration, postulaient automatiquement l’autorité américaine. Il en était ainsi de l’OTAN où la responsabilité de la défense de notre pays était attribuée en propre au commandement militaire américain. Il en était ainsi du projet d’une Europe dite « supranationale » où la France, en tant que telle, aurait disparu, sauf pour payer et pour discourir, d’une Europe régie en apparence par des comités anonymes, technocratiques et apatrides, c’est-à-dire d’une Europe sans réalité politique, sans ressort économique, sans capacité de défense, et vouée par conséquent, face au bloc soviétique, à n’être qu’une dépendance de cette grande puissance occidentale qui avait, elle, une politique, une économie, une défense : les Etats-Unis d’Amérique. »

Il annonce alors sa volonté d’indépendance vis-à-vis des grandes puissances : « C’est une des raisons pour lesquelles la France se dote d’un armement atomique propre ». Enfin, il précise : « Il en résulte que, pour le gouvernement français, des modifications importantes s’imposent pour ce qui est des conditions, des modalités de notre participation à l’alliance, puisque cette organisation a été fondée sur l’intégration, laquelle, aujourd’hui n’est plus valable pour nous. »

Mais le général de Gaulle veut aussi rassurer sur une politique de désarmement atomique.

« Je vous répèterai, une fois de plus, que si un jour les Américains et les soviétiques en venaient au désarmement, c’est-à-dire à la destruction et à l’interdiction contrôlées de leurs moyens nucléaires, c’est de grand coeur que nous – mêmes nous renoncerions à nous en procurer. Rien n’annonce malheureusement qu’on soit sur le point d’en venir là »

L’Europe et l’agriculture.

Le Général termine sa conférence en abordant l’avenir de l’Europe.

« Pour ce qui est du Marché Commun, au développement duquel nous espérons que le traité franco-allemand contribuera d’une manière effective, c’est bien entendu, le problème agricole que les 6 ont encore à régler. Que signifieraient les mots mêmes « Communauté économique européenne » si l’Europe n’assurait pas, pour l’essentiel, son alimentation grâce à ses propres produits agricoles, lesquels peuvent y suffire largement ? Et qu’irait faire la France dans un système à l’intérieur duquel il n’y aurait bientôt plus de douane excepté pour son blé, sa viande, son lait, son vin et ses fruits ? Sans doute, le traité de Rome, assez complètement agencé pour ce qui concerne l’industrie, se bornait- il à évoquer sans la résoudre la question de l’agriculture. Mais depuis le mois de janvier de l’année dernière où la France a obtenu de ses partenaires l’engagement formel d’aboutir dans ce domaine, faute de quoi le développement de l’ensemble serait arrêté, d’importants progrès ont été faits. Il reste à en accomplir de plus importants encore et cela doit avoir lieu avant la fin de cette année »


[1] Voir l’affaire de la CED, cliquez ICI

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