Les quatre impasses des euros obligations

L’OCDE vient d’apporter son soutien aux euros obligations, le mot magique dont la seule évocation devrait mettre fin à la crise de la zone euro.

eurobonds-pourquoi-improbables-L-zsNplRL’OCDE vient d’apporter son soutien aux euros obligations, le mot magique dont la seule évocation devrait mettre fin à la crise de la zone euro. Pourtant, une étude rapide de ce dispositif en démontre très rapidement les limites, insurmontables, mais aussi le dessein caché.

L’irresponsabilité institutionnalisée

Il est en partie paradoxal que les euros béats s’accrochent autant à cette proposition. En effet, ils sont les premiers à dénoncer les comportements irresponsable qu’a permis le passage à la monnaie unique, avec la baisse des taux d’intérêt (oubliant au passage la responsabilité des créanciers), permettant à des pays comme la Grèce de trop s’endetter. Or le mécanisme des euros obligations va beaucoup plus loin dans l’irresponsabilité.

En effet, les euros obligations consistent à emprunter en commun, ce qui revient à demander aux créanciers les plus sérieux de donner une caution à ceux qui sont le plus en difficulté. Mais du coup, cela donnerait une prime aux comportements les moins vertueux. En fait, c’est pour cela que les euros béats y sont favorables car cela pousserait à adopter en parallèle des dispositifs de contrôle extrêmement stricts pour en limiter les effets pervers.

Solidarité avec les créanciers

Alors, bien sûr, pour vendre les euros obligations, on évoque la solidarité entre les pays européens, en sous-entendant que Berlin serait égoïste, au contraire de Paris. Mais il faut dire que nos dirigeants n’ont pas montré une grande responsabilité dans la gestion des deniers publics et que cela ne leur pose pas beaucoup de problèmes d’être solidaire avec l’argent des Allemands… Et puis, quelle est cette solidarité dont on nous rabâche les oreilles ?

Comme pour les plans européens, on nous vend une solidarité avec les peuples. Avec un taux de chômage de plus de 20% en Espagne ou en Grèce, cela semble juste. Sauf que tous ces dispositifs européens sont, en réalité, des mécanismes de solidarité avec les créanciers de ces pays, pas leurs citoyens. En effet, les euros obligations permettent de garantir le paiement des créances des pays en difficulté. Les peuples n’en voient pas la couleur.

Pire, ces mécanismes introduisent un immense aléa moral pour les milieux financiers puisqu’ils arrivent à obtenir à la fois des taux d’intérêts très élevés sur les dettes espagnoles et italiennes mais souhaiteraient en garantir le remboursement, pour avoir le beurre et l’argent du beurre. Pourtant, si les taux sont élevés, c’est justement parce qu’il y a un risque de défaut partiel, qu’il faudrait leur laisser assumer pour être véritablement juste.

Un dispositif dysfonctionnel

Mais les euros obligations ne posent pas qu’un problème d’aléa moral. L’étude des mécanismes proposés permet de sérieusement contester tout simplement le fait qu’elles résoudraient les problèmes. J’avais étudié le fonctionnement du système proposé par l’institut Bruegel il y a deux ans (collectivisation de la dette à hauteur de 60% du PIB de chaque Etat en « bons bleus » et maintien des dettes nationales au-delà, en « bons rouges »).

Il n’y a pas besoin d’être un financier hors pair pour comprendre qu’il serait sans doute beaucoup plus difficile de placer les « bons rouges » des pays actuellement en difficulté. Qui voudrait prêter à l’Italie sa deuxième tranche de 60% de dette publique, sachant que la première serait prioritaire et qu’elle serait la seule à la garantir ? Il est bien évident que la spéculation serait encore plus forte que sur les bons du Trésor italiens actuellement indifférenciés…

Un mécanisme invendable

Devant les limites d’un tel système, certains avaient imaginé faire le contraire, conserver des dettes nationales jusqu’à 60% du PIB et ne collectiviser que la partie supérieure aux 60%. Mais ce dispositif semble politiquement totalement invendable. Comment demander à l’Allemagne de donner sa caution solidaire sur un tas de créances pourries, sachant qu’elle refuse déjà mordicus le dispositif proposé par l’institut Bruegel, comme elle vient de le rappeler.

Et il faut un peu se mettre à la place de l’Allemagne pour comprendre l’énormité de ce qui leur est demandé. En effet, mettre en place des bons du Trésor communs à hauteur de 60% du PIB, cela revient à créer environ 5600 milliards d’euros de dettes communes (dont environ 1600 milliards de dettes allemandes). En clair, cela revient à demander à l’Allemagne une caution solidaire de 4000 milliards d’euros sur les dettes des autres pays

Passons sur le fait que les socialistes Français ne voient aucun problème à donner une telle caution, un nouveau signe de leur irresponsabilité. Mais il semble aujourd’hui totalement illusoire d’espérer que Berlin l’accepte étant donné l’état du débat public en Allemagne. Les euros obligations, c’est, potentiellement, 20 fois le Mécanisme Européen de Solidarité ! Il n’y a aucune chance que nos voisins l’acceptent et voilà pourquoi cela bloque depuis deux ans.

Bref, non seulement les euros obligations sont, à raison, invendables, mais en plus, elles ne résoudraient pas la crise. En fait, ce nouveau machin sorti du cerveau malade des eurocrates, est seulement le moyen de pousser l’agenda d’une Europe fédérale.


2 commentaires sur Les quatre impasses des euros obligations

  1. Je retiendrai de l’article de Monsieur Laurent Pinsolle une seule phrase :
    « non seulement les euros obligations sont, à raison, invendables, mais en plus, elles ne résoudraient pas la crise »
    Les États de la zone Euro placés face au devoir de résorption de leurs dettes abyssales, Grèce en tête, ne sont pas encore prêts à remettre leurs comptes dans le vert et à faire l’économie de crises socio-économiques majeures nonobstant les agitations à répétition des responsables politiques concernés.
    Alors , faute d’y voir clair et pris dans le tourbillon de la diarrhée mentale des politiciens de tous bords ,on agite les vieilles ficelles du c’est la faute à l’État, c’est la faute aux banques, c’est la faute aux grands groupes, c’est la faute aux donneurs d’ordres, c’est la faute à la concurrence déloyale des pays émergents, c’est la faute à l’Europe….et comme à la Prévert j’irai même jusqu’à dire c’est la faute à Voltaire !
    Finalement, ce malaise de la gouvernance économique des États se fait de plus en plus perceptible, malgré les changements de têtes dans les postes de pilotage, et tend à démontrer que là où on laisse faire n’importe quoi aux politiques, on obtient n’importe quoi et un échec à plus ou moins long terme programmé.
    Les « machins » intergouvernementaux de la zone Euro se mettent à produire du vent médiatique, alors que les peuples attendent des solutions pratiques pour sortir de la sinistrose et des malheurs qui s’abattent sur une grande partie de la société .
    D’indignation en manifestations diverses et variées, voire en consultations électorales à répétition, rien n’avance et tout se gâte, car la machine politicienne européenne à tuer le temps conduit inexorablement aux surcoûts d’apurement des dettes et au creusement des déficits insupportables pour des économies en panne de croissance réelle et durable.
    La fuite en avant à la manière de la grande cavalerie financière qui consiste à rembourser des dettes par un nouvel emprunt n’a que trop duré pour des pays qui sont globalement interdépendants les uns des autres et du monde entier.
    Les facteurs indestructibles qui frappent l’Europe et par extension tous les pays modernes, tels que démographie-vieillissement, géographie du globe, comportements des populations, climatologie, environnement, etc., devraient nous contraindre à éviter les gâchis financiers sous toutes les formes en faisant nôtre, et le plus vite possible ,la devise : qui paie ses dettes s’enrichit.
    C’est donc l’heure de la mobilisation générale de tous les portefeuilles qui sonne à nos poches de citoyens, d’entreprises, de collectivités, d’administrations publiques. Oui il faut se résoudre à puiser dans nos bas de laine, dans nos ilots de confort pour faire sursaut de bon patriotisme économique et financier et se débarrasser du boulet de nos dettes qui plombe nos déficits et nos capacités de rebond.
    Bien entendu ces prélèvements exceptionnels doivent être organisés à la hauteur des richesses de chacun et de manière non homéopathique de façon à provoquer un sérieux et réel recul de notre niveau d’endettement et des déficits incidents.
    Certains esprits chagrineux objecteront que nous plongerions dans une récession généralisée alors que tout au contraire tout le « fric » ainsi économisé sur les intérêts d’emprunt, par le remboursement anticipé de nos dettes, permettra de doper les initiatives économiques de tous ordres. Nous pouvons le faire, encore faut-il le vouloir et ne pas une fois de plus remettre à plus tard des mesures inéluctables!

  2. « En fait, ce nouveau machin sorti du cerveau malade des eurocrates, est seulement le moyen de pousser l’agenda d’une Europe fédérale. »
    D’un point de vue juridique la création d’Eurobonds vaudrait peut-être pour les emprunts à venir ,si troutefois chacun des Etats membres consent à mettre dans un pot commun ses dépenses et ses recettes ! Comme explicité par Laurent pinsolle….on en est loin et cela est invendable aux PEUPLES et accessoirement à l’Allemagne !
    C’est un peu comme si dans ma HLM, sur tous les étages on demandait à tous les locataires de financer en commun les dettes contractées par les autres….c’est STUPIDE, sauf pour les banquiers ou les assureurs toujours prets à faire du fric sur la bétise humaine !
    Alors, conscient de cette impasse , on voudrait en guise d’exorcisme monétaire et financier , que la mesure s’applique toutes afafires cessantes aux emprunts déjà consentis par des Etats indépendants qui n’ont pas demandé préalablement l’avis à leurs partenaires pour emprunter à la va comme j’te pousse.Il ne faudrait tout de même pas confondre solidarité et malhonneteté intellectuelle !!!!!!!
    C’est donc une fausse bonne idée trés contestable et nul doute que personne ne peut y souscrire sauf les plus touchés par la diarrhée mentale qui sévit actuellement au plus haut nieveau de l’organisation européenne.
    Alors que faire sinon revenir à des pratiques qui ont fait leur preuve : les prélévements exceptionnels libératoires que chaque Etat en délicatesse financière devrait mettre en place d’ici la fin de l’année !

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