Dominique de Villepin, « La nouvelle donne européenne »

  • (Le Figaro, le 12 mai 2012)

 

05ffc148-ec06-11de-9edf-00a1a66c6a13L’élection française change la donne en Europe.  Plus qu’aucune élection des dernières années, l’élection de dimanche dernier a été lue par les opinions publiques européennes et mondiales à l’aune de la grande crise que nous traversons et de leurs propres préoccupations. Qu’on lise les journaux européens ou qu’on rencontre des responsables, comme je l’ai fait cette semaine en Europe centrale, il en ressort une idée : une stratégie centrée exclusivement sur l’austérité est vouée au rejet et à l’échec et cela même s’il est légitime de prendre en compte les préoccupations des Allemands mises en avant par Angela Merkel face au risque de laxisme.

Il y a là un paradoxe majeur. A l’heure où ils semblent avoir perdu confiance, les Français feraient-ils encore l’histoire, mais sans en avoir clairement conscience ? La nouvelle, au-delà de l’élection d’un homme, c’est que les Français ont retrouvé le levier d’Archimède perdu depuis longtemps. Contre toute attente, il y a aujourd’hui des marges de manœuvre inespérées pour la France  comme pour l’Europe. S’il y a un état de grâce, c’est bien là. C’est aussi un fait politique dont il faut prendre acte dès maintenant, sans attendre l’issue des législatives, et qui s’impose à tous, à gauche comme à droite.

Ne laissons pas passer l’histoire, car la fenêtre de tir sera brève, tant les logiques politiciennes vont essayer de reprendre le dessus. La France doit faire un choix et l’assumer clairement.

Il ne s’agit plus pour notre pays d’endosser une stratégie d’austérité sans fin. L’exigence de croissance est désormais sur la table et personne n’a rien à gagner à faire marche arrière.

Il ne s’agit pas davantage pour la France de prendre la tête des pays du sud endettés pour rompre les digues de la rigueur. L’élection grecque, au même moment, est un signal d’alerte que nous devons entendre. Ne laissons pas se déchirer toute l’Europe en camps antagonistes.

Il y a un chemin d’équilibre à trouver qui ne saurait être un chemin de confrontation, mais le choix d’un compromis constructif. Bâtir ce nouveau consensus, c’est la responsabilité de la France aujourd’hui, en s’appuyant sur l’esprit d’union nationale et d’union des Européens autour de l’intérêt commun.

Comment faire ?

Première exigence, gardons nous de faire des législatives un troisième tour : ni revanche des tenants de l’austérité, ni surenchère des partisans du laisser-aller financier. Ce serait une erreur historique alors même que nous avons besoin d’un débat politique vigoureux, équilibré et tourné vers l’avenir. Le peuple français a parlé et ce message de croissance doit désormais être incorporé par les programmes de toute la gauche comme par ceux de la droite, qui doit comprendre qu’on ne gagne pas une élection en menant la bataille d’hier. Sachons-nous adapter à ces nouveaux enjeux, dans le respect de nos convictions et de nos différences.

Deuxième exigence, soyons dès aujourd’hui en initiative sur le front européen. François Hollande a aujourd’hui la lourde tâche d’imprimer une marque et une vision en faisant levier sur les prochains rendez-vous, le conseil informel de l’UE, la rencontre du G8, le sommet de l’OTAN. C’est dans les premiers jours que se cristallise l’image mondiale d’une présidence. Cela suppose un axe fort et c’est celui de la réconciliation.

Réconciliation européenne, d’abord, grâce à une stratégie de croissance et de stabilité qui aille au-delà d’un compromis boiteux entre relance de la consommation et rigueur budgétaire et qui évite les affrontements stériles. Il faut des réformes structurelles pour la compétitivité, pour l’innovation et la recherche en Europe, pour une politique énergétique commune. Il faut des euro-obligations affectées au financement de grands projets. L’exigence prioritaire, c’est de refonder la relation franco-allemande, de façon plus ambitieuse pour nos deux pays et pour l’Europe. Mais il faut également sortir du huis clos franco-allemand en développant une approche plus collégiale de l’Europe.

Réconciliation des rives de la Méditerranée ensuite en faisant de la présidence de François Hollande le temps du rapprochement et du dialogue stratégique, notamment avec le Maghreb. La relation avec l’Algérie reste un frein psychologique de notre politique étrangère et même de notre identité mondiale. Nous devons retrouver une politique arabe dans un contexte où stabilité ne saurait plus être synonyme de statu quo.

Réconciliation du nord et du sud dans une mondialisation qui multiplie les incompréhensions, enfin. Le G8-G20, auquel Nicolas Sarkozy a su donner une nouvelle impulsion au lendemain de la crise de 2008, doit s’atteler à une régulation de la mondialisation fondée sur des bases crédibles de réciprocité et de juste échange. Le cycle de Doha, bloqué, doit laisser la place à une nouvelle approche. A l’échelle du monde, nous devons mesurer à quel point nous devons aller plus loin dans notre partenariat avec certains pays-clé comme la Russie ou la Turquie, indispensables à toute ambition mondiale, sans parler de la Chine avec laquelle nous devons poser les bases de la confiance, à l’heure où elle aussi s’engage dans le renouvèlement de ses dirigeants.

Ne gâchons pas cette chance historique de faire entendre le message de la France. C’est le combat du gaullisme, c’est l’héritage d’un demi-siècle de construction européenne, c’est la vocation de la France depuis toujours de chercher le dialogue  et de jeter des ponts.

Dominique de VILLEPIN,
Ancien Premier Ministre

3 commentaires sur Dominique de Villepin, « La nouvelle donne européenne »

  1. Nicolas dupont-aignan avait tendu la main a Villepin à la condidtion qu’il renonce à cette europe qui s’est dénaturée;
    l’avenir dira et se lit deja dans les propos de Nicolas Dupont-aignan. Il est le seul à avoir eu raison depuis… 2005 2007 quand les français ont dit non à cette europe.
    andré JACQUES

  2. Toujours le bla-bla-bla vide, creux, insupportable.

  3. M. de Villepin est décidément l’un des meilleurs spécialistes des discours sonores, parce que creux. Son texte est une enfilade de « principes » puisés dans le prêt-à-penser de la politique politicienne.

    DdV : « Il y a un chemin d’équilibre à trouver qui ne saurait être un chemin de confrontation, mais le choix d’un compromis constructif. »

    Une bonne politique ne se définit pas comme la moyenne de deux mauvaises. Et tous les grands hommes sont d’accord, et l’histoire confirme que les compromis sont nuls dans les grandes affaires. Mais somme toute M. de Villepin l’écrit-il : il propose une politique d’équilibriste, dans un moment où tout ce qui permettait de simplifier les équations en considérant une entité : l’État, comme représentant la direction d’ensemble que suit une communauté, a été détruit, et que les circonstances ne sont plus que les heurts de velléités contradictoires que l’événement départage.

    Avec un état rassemblé, parce qu’il y aurait une unité, un chemin escarpé pourrait être tenté (difficilement ; mais ce ne serait pas impossible). Dans une situation fluide, parce qu’il n’y a pas de volonté directrice s’appliquant à un ensemble constitué, une position d’équilibriste sur la corde raide est vouée à conduire à la chute.

    DdV : « Bâtir ce nouveau consensus, c’est la responsabilité de la France aujourd’hui, en s’appuyant sur l’esprit d’union nationale et d’union des Européens autour de l’intérêt commun. »

    Le levier d’Archimède suppose déjà qu’il est rigide (on ne soulève rien avec une barre en gelée) ; et qu’il repose sur un appui formidablement résistant, puisqu’il supporte la somme des efforts. Or quel est le point d’appui de M. de Villepin ? Une « union nationale » qui n’existe plus puisqu’il n’existe plus de nation dans le cadre même (celui de la déconstruction européenne bruxelloise) dans lequel raisonne M. de Villepin, et parce que l' »union des Européens » relève d’un humour malheureusement ! involontaire…

    Le laïus de M. de Villepin découvre « une marge de manoeuvre » mais dans le cadre étroit de l’euro, qu’il ne s’agit pas d’abandonné, et de l' »Union européenne », qui n’a jamais été si désunie ni moins européenne.

    Pour pouvoir parler de stratégie, il faut pouvoir faire des choix et donc les avoir. Il n’y a aucun choix et aucune latitude dans le cadre du C.E.E. (Camp d’Extermination de l’Europe) et il s’agit donc d’en sortir avant d’avoir été liquidés.

    Et la première étape, c’est de mettre mat le Système en imposant la cohabitation lors des prochaines élections législatives : puisqu’il est impossible d’espérer une politique nationale de la part des deux faces de la fausse monnaie vichyste : UMPS, il s’agit d’utiliser l’UMP pour bloquer le PS et réciproquement — à défaut de pouvoir élire partout des députés soucieux des intérêts nationaux.

    « Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. » Il n’y a pas de politique du tout dans ce texte.

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