Pourquoi la crise de la zone euro va continuer – par Laurent Pinsolle

Il y a trois mois, on nous expliquait que la crise de la zone euro était résolue. Plus de deux ans après le premier plan, la situation est toujours aussi explosive entre une Grèce sans gouvernement et une Espagne en crise. C’est que la zone euro n’est pas une Zone Monétaire Optimale.

Un marché du travail peu mobile

915086The Economist cite une étude de l’OCDE qui mesure le pourcentage de la population qui a déménagé dans l’année. 2,4% de la population des Etats-Unis a ainsi changé d’Etat d’habitation au cours de la seule année 2010, malgré la crise du marché immobilier, qui affecte pourtant la mobilité. A titre de comparaison, la mobilité entre pays de l’Union Européenne atteint à peine 0,3%, soit huit fois moins qu’aux Etats-Unis, démontrant la différence entre les deux ensembles.

En fait, les habitants de la zone euro sont particulièrement sédentaires puisqu’à peine 1% des habitants d’un pays change de région au sein de ce même pays. En clair, la mobilité des travailleurs est 60% plus faible dans les pays européens par rapport aux Etats-Unis et elle est près de 90% plus faible dans l’Union Européenne qu’outre-Atlantique. La mobilité au sein des pays européens est égale à celle du Canada (1%), mais moins forte qu’en Australie (où elle atteint 1,5%).

De manière très intéressante, la mobilité de la population est beaucoup moins forte entre le Québec et les autres provinces puisqu’elle tombe à seulement 0,4%, un score à peine supérieur à la mobilité à l’échelle de l’Union Européenne. Des études réalisées à Harvard et à l’université Goethe de Francfort indiquent en effet que le langage est un facteur prédictif de la mobilité encore plus fort que les frontières nationales, ce qui augure bien mal de l’avenir de la zone euro.

Les fondations pourries de l’euro

Bref, tout indique que la monnaie unique n’aurait pas du être construite, comme le rapporte également une étude de l’INED citée par Marianne. Bien sûr, certains affirment que davantage de solidarité pourrait permettre à cette construction bancale et baroque de fonctionner, mais ce ne serait qu’un moyen de prolonger encore un peu plus longtemps la vie de l’euro. Les euro obligations ou l’augmentation du budget de l’UE ne résoudrait en effet aucun problème de fond.

En osant une comparaison simplificatrice avec une entreprise, les aides qui sont apportées par l’Europe (comme les euros obligations ou une augmentation des transferts) reviennent juste à régler les problèmes de trésorerie d’une entreprise qui perd de l’argent (le solde extérieur déficitaire). Bref, cela permet de continuer l’activité, mais sans en résoudre le problème d’exploitation, qui ne peut être résolu que par une baisse sauvage des salaires ou une dévaluation.

Patrick Artus a récemment montré que la seconde solution est beaucoup moins douloureuse. Pire, les « solutions » actuellement apportées ne permettent pas une correction rapide des déséquilibres, qui ne cessent d’augmenter, comme le montre la fuite massive des capitaux depuis les pays de la périphérie vers l’Allemagne notamment. Comme je l’avais montré dans un dossier, la zone euro n’est pas viable et, mieux, son démontage est possible et facile s’il est concerté.

Hier 9 mai, Yves Calvi, débattait de ce sujet dans son émission sur France 5. A la fin, les trois intervenants, tous partisanes de la monnaie unique, étaient confrontées à une impasse. Dommage qu’il n’ait pas invité Sapir, Gréau ou Cotta… Cet aveuglement explique la crise de la zone euro.

3 commentaires sur Pourquoi la crise de la zone euro va continuer – par Laurent Pinsolle

  1. LECHEVALIER // 20 mai 2012 à 11 h 53 min //

    Laurent,

    Votre analyse est « classique dans l’hétérodoxie ».
    Sur les « étranges lucarnes », Cotta n’apparait que par intermittence, et Sapir, quand il est convié, sert de repoussoir aux trois ou quatre orthodoxes qu’on lui oppose…

    D’un point de vue politique et « sociétal », force est d’admettre que l’adversaire a réussi à convaincre l’opinion que les dépôts bancaires seraient laminés si on changeait de monnaie.
    Cela effraie beaucoup les petites gens (cf. les grecs se ruant retirer leurs maigres euros) qui, manque de chance, forment le gros des bataillons d’électeurs.

    Ce n’est pas une question de pédagogie : le meilleur professeur de Terminale ne parvient pas à faire passer des concepts réservés aux doctorants. Ainsi, NDA n’a pas mieux réussi ce cours que MLP.

    Cela pose donc un problème de tactique électorale, voire d’affichage programmatique…

    Par ailleurs et surtout, il faut savoir ce que l’on veut. Quels sont les buts de guerre ?
    Soit psalmodier les cantiques de la vraie foi, dans les catacombes où se replient les purs, soit rejoindre l’église, l’ouvrir à TOUS, et y attirer de nouveaux croyants par la réelle ESPERANCE des fidèles.

    C’est toute la question des ALLIANCES.
    Au reste, quitte à taquiner le pléonasme, il faut rappeler que seules des entités DIFFERENTES peuvent s’ALLIER…

    Donc l’Indépendance, la monnaie du pays et sa politique entière seront à jamais dévolues à l’UMPS, soit NOUS trouvons le moyen d’un certain oecuménisme – et de la reconquête !

    Cordialement,

    Ch. L.

  2. Vous avez le droit de croire toutes les sornettes qui vous sont servies, en particulier par tous les politicards….grassement payés par vous-même !
    On ne rembourse pas des dettes avec un nouvel emprunt !
    Cela s’appelle de la grande cavalerie et, si vous, citoyen moidèle ,qui aspirait à coller à la conduite des affaires de votre pays, vous vous avanturiez sur ce ce chemin du sur-endettement, nul doute que vous changeriez de lunettes de VIE !
    Nos dirigenats politiques sont des grands embobineurs de sinistrés intellectuels et ils paraissent réussir….sauf que les faîts sont plus forts que les dires et que le pommes tombent des branches et n’y remontent jamais, sauf dans les rêves !
    Ce qui est finalement douloureux c’est de se dire que l’on a payé avec ses impôts pour éduquer et fabriquer des NULS au service de populations ignorantes et qui désirent le demeurer le plus longtemps si toutefois la soupe est bonne au quotidien et pour l’avenir !!!!

  3. Excellent article et lucide! Merci.

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