La Grèce bouscule l’agenda de Hollande

RTR31TCJDepuis le début de la campagne, c’est un serpent de mer. Et il rattrape le chef de l’État à peine élu. Avant même son investiture, la crise grecque complique les projets de François Hollande de renégocier le traité budgétaire européen. Elle était, entre autres, au menu de ses entretiens avec le président du conseil Herman Van Rompuy, mercredi, et avec celui de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, ce jeudi, avant la rencontre prévue mardi prochain à Berlin avec Angela Merkel.

Jusque là, François Hollande n’a pas donné sa position sur l’instabilité politique grecque et la menace pesant sur le “memorandum” signé entre le gouvernement d’union nationale et la “Troïka” (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et commission). Conclu en début d’année, ce texte fixe les grandes lignes politiques et budgétaires qu’Athènes s’engage à respecter en échange d’un méga-prêt. Dimanche, les partis hostiles au texte sont arrivés en tête des législatives. Depuis, Hollande s’est borné à critiquer l’austérité à tout crin imposée à la Grèce : « Ce traitement n’a pas été compris par le peuple grec et il n’a pas été efficace », a-t-il dit jeudi.

« François Hollande se tient informé de façon extrêmement précise de la situation préoccupante de la Grèce. Mais ce sont des décisions qui sont prises pour le moment par ceux qui sont là », a affirmé mercredi Pierre Moscovici, qui dirige l’antenne présidentielle mise en place pour assurer la transition avant l’investiture prévue mardi 15 mai. Au “QG de transition”, la consigne est claire : Hollande respecte les institutions et ne prétend pas gérer le pays tant qu’il n’est pas officiellement en fonction. « Il n’anticipe pas sur sa prise de fonctions. Il la prépare. Il se tient informé, il échange beaucoup, pour que tout de suite l’action soit là », a justifié Moscovici.

Soit. Mais pour Hollande, le sujet est miné. Il ne s’est jamais prononcé précisément sur le dossier grec, et sur les choix d’un gouvernement longtemps géré par son camarade socialiste du Pasok, Georges Papandreou. En février, le vote, très mouvementé, du dernier plan d’austérité n’avait suscité aucun communiqué de son équipe, quand Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly avaient exprimé leur solidarité avec le peuple grec. « On savait bien que la situation était compliquée. La Grèce est un élément important, François Hollande va le gérer avec ses collègues européens », explique laconiquement un conseiller du nouveau président de la République. Avant d’ajouter : « Jusque là, François Hollande n’a pas pris position parce qu’il n’avait pas de raison de le faire. »

Pour son équipe, Hollande avait alors intérêt à éviter toute déclaration définitive dans un contexte extrêmement mouvant. « Ce n’est pas une gêne, c’est une prudence. Le dossier est difficile et on n’a pas le droit de multiplier les initiatives qui n’aboutissent pas… Laissons les propos péremptoires et ayons la sûreté de l’action. François Hollande prend son temps, il arrivera à temps, il sera prêt », nous expliquait en février Catherine Trautmann, alors responsable du pôle Europe dans l’équipe du candidat

« Avec Angela Merkel, il faut qu’il y ait une explication. »

Mais cette fois, le temps presse. Mercredi, c’est Daniel Cohn-Bendit qui a brisé le tabou en exhortant l’Union européenne à revoir le “memorandum” grec. « On ne va pas faire voter les Grecs deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois, jusqu’à ce qu’ils s’agenouillent, et finissent par demander pardon à l’Europe. Si l’on ne rediscute pas avec eux, si l’on ne rouvre pas le mémorandum, on obtiendra le même résultat à chaque élection », a lancé l’écologiste. Jeudi matin, le patron de l’UMP Jean-François Copé s’est engouffré dans la brèche, lançant à propos de Hollande : « Va-t-il choisir Berlin ou va-t-il choisir Athènes dans cette crise extrêmement grave qui secoue l’Europe aujourd’hui ? »

« Il ne s’agit pas d’exonérer les Grecs des efforts qu’ils doivent faire. Mais il faut les aider à ce que les forces démocratiques puissent composer un gouvernement en donnant un peu de souplesse au mémorandum. La responsabilité des Européens est de donner une perspective d’amélioration à la société grecque », explique à Mediapart la députée Elisabeth Guigou, qui, missionnée par François Hollande, a multiplié ces dernières semaines les échanges avec les dirigeants européens. Mais sans préciser quelle forme pourrait prendre cet assouplissement.

« La situation en Grèce est extrêmement inquiétante. Et plus le temps passe, plus elle est difficile. Les dirigeants européens ne se sont pas rendu compte que l’addition des plans d’austérité ne permet pas de régler les problèmes, au contraire », précise l’ancienne ministre des affaires européennes.

Mais pour le nouveau chef de l’État, l’instabilité grecque est à double tranchant. « La situation grecque donne encore plus raison à la stratégie de croissance à laquelle François Hollande s’est préparé. Mais elle l’oblige à intégrer une dimension de l’urgence… Il y a une fenêtre d’opportunité, courte mais sur laquelle il a la main. Il vient d’être élu, il a fait campagne dès le début sur la renégociation du pacte budgétaire, il peut arguer que c’est le mandat qu’il a reçu », juge la députée européenne socialiste Pervenche Berès. En fait, dit-elle, « pour Hollande, le jeu est plus compliqué mais il légitime encore plus son discours. »

RTR31V25D’un côté, le retour sur le devant de la scène de la crise grecque peut appuyer sa volonté de renégocier le traité budgétaire européen en montrant l’échec total des politiques d’austérité. C’est l’argument choisi jeudi par le député Michel Sapin, chargé du programme du candidat Hollande et très proche du nouveau président. « Il y a un discours aujourd’hui sur le fait que l’austérité seule mène à la catastrophe. Le cas le plus spectaculaire, c’est bien entendu la Grèce », a-t-il expliqué sur France Inter.

À l’inverse, la Grèce risque de déstabiliser à nouveau les marchés – les Bourses sont nerveuses depuis les résultats des législatives –, et de renchérir le coût des emprunts pour les pays de la zone euro. Les chantres de l’austérité auraient alors un boulevard pour justifier un nouveau durcissement des contraintes budgétaires. La chancelière Angela Merkel a d’ailleurs prévenu jeudi : « Une croissance à crédit nous ramènerait au début de la crise. Nous ne le voulons pas, nous ne le ferons pas », a-t-elle déclaré devant les députés allemands.

Hollande doit aussi composer avec une opinion publique en partie rétive à la solidarité européenne, à moins d’un mois des élections législatives. « C’est beaucoup moins net qu’en Allemagne mais il y a aussi une difficulté à parler aux Français de l’indispensable solidarité avec la Grèce », estime Pervenche Berès.

Personnellement favorable à une renégociation du memorandum grec, l’eurodéputée sait que « ce n’est pas forcément acquis » : « Ce sera à François Hollande d’arbitrer le sens de ses priorités… Il a sa propre alchimie et sa propre intelligence des situations. » Mais Elisabeth Guigou en est convaincue : l’élection française a suscité l’espoir en Europe. « Cela fait déjà plusieurs semaines que nous nous rendons compte que de nombreux dirigeants européens, et pas seulement des sociaux-démocrates, s’intéressent aux propositions de François Hollande. Ils savent qu’on ne trouvera pas de solutions sur les déficits et la dette sans croissance », explique-t-elle.

Avant d’ajouter : « L’Allemagne demande à ses partenaires de faire des efforts, c’est parfaitement légitime. Et François Hollande s’est engagé a respecter les disciplines budgétaires et les objectifs de réduction des déficits et de la dette. Il tiendra ses engagements. Mais il est indispensable de compléter le traité budgétaire par une stratégie de croissance au niveau européen avec des mesures concrètes. Avec Angela Merkel, il faut qu’il y ait une explication. » Elle est prévue dès mardi.

2 commentaires sur La Grèce bouscule l’agenda de Hollande

  1. À l’inverse, la Grèce risque de déstabiliser à nouveau les marchés …
    Franchement vous y croyez,, vous, à une destabilisation des marchés financiers ?
    45000 Milliards de Dollars se sont évanouis dans la nature depuis la crise des Subprimes aux USA en 2007/2008 et l’argent circule toujours en abondance au travers d’une économie virtuelle qui prospére avec la bénédiction des Etats en faillite (pas tous) !
    Tous les opérateurs financiers qui n’ont plus un sou :Etats,Banques,Institutions,sont les premiers à préter à la Grèce ?
    Elle est pas belle la Vie en absurdie ,

  2. Il ne faut pas vous croire obliger de céder au politiquement correct en féminisant des fonctions qui se remplissent indépendamment de son sexe: on doit rester dire député!

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