Chine: le parti-frère de l’UMP nettoie le web au Kärcher

 

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Craignant une cyber-tempête et la diffusion de rumeurs sur les réseaux sociaux, notamment de coup d’état, suite à la mise à l’écart de Bo Xilai, l’un des plus hauts cadres du Parti, les autorités centrales ont lancé une vaste opération de censure du web. Les plus grands réseaux sociaux ont été fermés pour trois jours le temps de nettoyer la toile.

 

« On va vous nettoyer tout ça au Kärcher ! ». Si Pékin ne l’a pas annoncé comme ça, c’est à peu près le projet de censure du Net concocté par le gouvernement chinois. Outre l’arrestation de 6 personnes, 16 sites ont été fermés et deux réseaux sociaux fonctionnant sur le même principe que Twitter, et comptant jusqu’à 300 millions d’abonnés ont été mis en demeure de fermer leurs commentaires durant trois jours jours pour une vaste « opération de nettoyage ». Sur ordre du gouvernement, Sina Weibo et Tencent QQ, les deux principaux services de microblogs chinois resteront muets jusqu’au 3 avril. Une opération joliment baptisée « brise de printemps », dans la longue tradition « poétique » des campagnes de répression politique chinoises.

Dans la langue du parti, l’opération vise à lutter contre les «rumeurs nuisibles». Dans les faits, l’opération en dit long sur la fébrilité et l’atmosphère pesante au sein du PCC.

Les rumeurs nuisibles font référence aux fissures politiques apparues à la tête du Parti depuis l’éviction de Bo Xilai, prince rouge aux tendances maos « revival », secrétaire du parti de la mégapole de Chongqing, prétendant à un siège au sein du comité permanent du Bureau Politique et mis à pied quelques mois avant le 18ème congrès suite à une mystérieuse fuite en février de son bras droit Wang Lijun, le super-flic de Chongqing qui avait trouvé refuge dans le consulat américain de Chengdu.

Nettoyage du Net et lutte de clans

Luttes de factions ? manipulations ? Loin d’être éclaircie, la fuite de Wang Lijun, qui aurait également rencontré des diplomates britanniques avant de se rendre au consulat américain, fait l’objet d’une enquête. L’affaire apparaît déjà comme l’un des plus grands scandales politiques de ces dernières années. Connu pour sa lutte anti-corruption, Bo Xilai était loin d’être un enfant de chœur. Déjà apparaissent des cas de journalistes chinois arrêtés pour avoir enquêté sur le maire de Chongqing ou des morts suspectes. Ainsi de Neil Heywood, un homme d’affaires britannique disparu en novembre dernier à Chongqing.

Preuve que la censure fonctionne, un tweet rappelant que Neil Heywood était un proche de Bo Xilai, notamment parce qu’il avait contribué à faire inscrire le fils du maire de Chongqing dans la célèbre école de Harrow, l’une des plus prestigieuses du monde, où les listes d’attente sont très longues, a rapidement disparu du réseau…

Les tweets faisant allusion au Tibet ou à la nécessaire démocratisation de la Chine subissent le même sort.

Véritable « star » du Parti, les autorités centrales craignaient une mobilisation en faveur de Bo Xilai et des rumeurs de coup d’état circulaient sur la toile avec l’entrée de véhicules militaires dans la capitale chinoise…

Une vaste coup de balai qui intervient alors qu’une opposition farouche se fait jour entre deux courants historiques du PCC comme le rappelle le correspondant du Figaro à Pékin : « la situation serait très tendue au sommet du PCC, entre le groupe des protégés de l’ancien président Jiang Zemin et le camp du président Hu Jintao. Un violent différend aurait ainsi opposé le ministre de la Sécurité publique Zhou Yongkang (qui fait partie du premier groupe) et le Premier ministre Wen Jiabao, au sujet du sort de Bo Xilai. Signe des temps, en tout cas, une campagne de « dérougisation » serait en cours à Chongqing. Et les séances de « chansons rouges », animées chaque jour par des retraités au parc Jingshan à Pékin (juste au Nord de la Cité interdite), sont désormais annulées… »

Les autorités avaient prévu le coup. Dès l’annonce du limogeage limogeage de Bo Xilai, une avalanche de commentaires s’est abattue sur le web. Le lendemain, Pékin a obligé les internautes à s’inscrire sur les réseaux sociaux sous leur vrai nom et dans les cyber-cafés, les utilisateurs devaient donner leur identité avant d’accéder aux ordinateurs.

Pékin casse le thermomètre

Avec la fin des commentaires sur Weibo, c’est l’activité de microblogging qui se trouve remise en cause, même si les internautes parviennent en général à contourner les restrictions et autres contrôles d’identité.
C’est néanmoins un changement de politique vis à vis du web que semblent mettre en œuvre les autorités centrales. Jusque là Pékin privilégiait une stratégie défensive ou d’influence comme
l’explique la chercheuse Séverine Arsène dans son livre Internet et politique en Chine.

« L’existence de plateformes d’expression en ligne permet la formation de mouvements de masse qui ont des conséquences importantes sur la vie politique chinoise. Le gouvernement ne peut plus l’ignorer, il n’est plus entièrement maître de l’agenda et il doit montrer qu’il réagit ».

Convaincu que l’influence pouvait se révéler plus efficace que la répression, le gouvernement a privilégié une logique de « gouvernance de l’opinion publique », rémunérant des « petites mains » pour poster des informations en sa faveur sur les forums ou diffuser plus ou moins subtilement la propagande du régime.

Le tout sous le contrôle du parti : « En interpellant parfois les autorités sur des questions qui les préoccupent, ils semblent se comporter en usagers ou en clients plutôt qu’en citoyens. De ce point de vue, Internet ressemblerait presque à un instrument de sondage de l’opinion publique, un outil d’aide à la décision d’un gouvernement technocratique ».

Suite au printemps arabe, à la possibilté de contournement de la censure offerte par les réseaux sociaux, à l’approche d’échéances politiques majeures, en ces temps de fièvre politique, Pékin a choisi de casser le thermomètre se lançant dans une vaste campagne d’arrestations notamment dans les milieux culturels et geeks comme pour rappeler que la ligne du parti reste une ligne rouge…

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