Le débat interdit

L’idée de Mme Merkel de considérer les affaires européennes comme des affaires de « politique intérieure » est l’illustration même d’une dérive européiste grosse de dangers.
Mme Merkel s’est aussi immiscée de manière malencontreuse dans la campagne présidentielle française en appuyant M. Sarkozy. L’un et l’autre veulent faire avaler la prétendue « règle d’or » au peuple français, à deux mois de l’élection présidentielle.

Cette idée est une nouvelle formulation du « droit d’ingérence ».
Comme chacun sait, on n’a jamais vu les faibles s’ingérer dans les affaires des forts.
A l’inverse, on voit Mme Merkel, et à ses côtés M. Sarkozy, bien mal inspiré, tancer la Grèce de très haut pour n’appliquer pas assez vite les recettes déflationnistes conçues par le nouvel « hégemon » (puisqu’on s’exprime ainsi désormais).

par J.P. Chevènement

MerkelSarkozyBruxelles20091030L’idée de Mme Merkel de considérer les affaires européennes comme des affaires de "politique intérieure" est l’illustration même d’une dérive européiste grosse de dangers.

Cette idée est une nouvelle formulation du "droit d’ingérence". Comme chacun sait, on n’a jamais vu les faibles s’ingérer dans les affaires des forts. A l’inverse, on voit Mme Merkel, et à ses côtés M. Sarkozy, bien mal inspiré, tancer la Grèce de très haut pour n’appliquer pas assez vite les recettes déflationnistes conçues par le nouvel "hégemon" (puisqu’on s’exprime ainsi désormais).

Mme Merkel s’est aussi immiscée de manière malencontreuse dans la campagne présidentielle française en appuyant M. Sarkozy. L’un et l’autre veulent faire avaler la prétendue "règle d’or" au peuple français, à deux mois de l’élection présidentielle.

Cette potion est absurde : Joseph Stiglitz et Paul Krugmann, deux prix Nobel d’Economie, sans parler de beaucoup de nos économistes parmi les plus chevronnés (Jean-Paul Fitoussi et j’en passe…) ont démontré que la mise en œuvre simultanée de plans de déflation dans toute l’Europe conduirait à une récession générale. Ce point essentiel ne peut-il être débattu ? La zone euro est et reste fragile. Ce n’est pas parce que les banques, inondées de liquidités à trois ans, à un taux de 1%, ont momentanément souscrit des bons d’Etat à 5,8% en Italie que la crise des dettes souveraines est derrière nous. La récession en marche fera sauter les fragiles barrières imaginées par "Merkozy" : croit-on ainsi que le MES (mécanisme européen de stabilité), au capital de 80 milliards d’euros, pourra recueillir par voix d’émissions sur les marchés financiers, les 500 milliards d’euros prévus qui seraient de toutes façons insuffisants pour faire face à un défaut espagnol ou italien ?

Les problèmes structurels (hétérogénéité de la zone euro, écarts de compétitivité insupportables) n’ont pas été résolus. Les écarts de compétitivité se reflètent dans les excédents et les déficits de balances courants des pays membres de la zone euro. Pierre Lellouche citait hier au Sénat le montant de l’excédent automobile allemand en 2011 : 100 milliards d’euros à comparer au déficit français : 5 milliards d’euros. Il y a encore cinq ou six ans, l’automobile était dans la balance du commerce extérieur français un poste excédentaire (environ 10 milliards d’euros en 2005). Ainsi l’automobile représente aujourd’hui près de la moitié de l’écart qui sépare l’excédent global allemand (150 milliards) et le déficit français (70 milliards) : 105 milliards sur 220 milliards.

Comment allons-nous remonter cet écart ? A partir de quelles marges financières aujourd’hui écrasées de nos entreprises, de quelles aides publiques aujourd’hui taries, de quelle médecine de cheval, sinon celle d’une austérité à perpétuité inscrite dans le traité européen qui doit être signé le 1er mars prochain ?

Il est d’autant plus choquant qu’un journal comme Le Monde (certes depuis longtemps au cœur du "cercle de la raison" cher à Alain Minc) puisse appeler dans l’éditorial de première page de son édition du 10 février 2012 à "ne pas toucher au pacte budgétaire".

"Il ne faut pas rouvrir la négociation sur ce traité" intime Le Monde à François Hollande, à grand renfort d’arguments particulièrement spécieux.

Nos bien-pensants vont encore une fois invoquer "la parole de la France" (pour mieux enterrer celle-ci).

Deux rappels historiques :

– Le Général de Gaulle n’a-t-il pas subordonné l’entrée en vigueur du traité du Marché Commun, signé en 1957, à l’adoption d’une politique agricole commune (1962) et à la reconnaissance d’un droit de véto (crise de la "chaise vide" en 1965) ?

– Deuxième exemple : le Général de Gaulle s’est-il senti "lié par la parole de la France" quand il a décidé en 1966 le retrait de notre pays des Etats-majors intégrés de l’OTAN (mis en place au début des années cinquante) après la ratification du traité de l’Atlantique Nord ?

On assiste là à un dévoiement par l’Establishment de la politique extérieure de la France. Celle-ci deviendrait ouvertement un carcan destiné à étouffer la voix du peuple français. C’est "le débat interdit". Et après cela, Le Monde viendra dénoncer la montée des "populismes"!

5 commentaires sur Le débat interdit

  1. JPC serait plus crédible s’il ne s’était pas toujours mis en fin de compte au service de la gauche néolibérale et européiste.

  2. Si M.Sarkozy n’était pas , malheureusement pour notre pays , un petit homme d’Etat , s’il n’était pas inculte, s’il n’était pas l’allié inconditionnel des puissances de l’argent qui le gouverne il aurait pu détecter , au dela de l’habillage de la parole, le retour de l’inclination allemande pour l’hégémonie.Cette fois-ci sans baionnettes mais d’autant plus redoutable.

  3. d’accord avec Eric P. I l faudrait que ce printemps arrive vite avant que la situation de nombreux pays ne soit catastrophique ;

  4. Pourcel eric // 12 février 2012 à 14 h 43 min //

    Monsieur le Ministre a raison. Mais il faut relever aussi que la démocratie, déjà inachevée, est en train de devenir une déclaration d’intention : que doit on penser d’une personne qui déclare qu’un traité signé (le dernier accord « deuschteuroland » en matière budgétaire), et par ailleurs non ratifié, engagerait la France ad vitam aeternam? Il faut méconnaître profondémment le droit international public et le principe de souveraineté pour affirmer cela. La convention de vienne qui régit le droit des traités repose sur un principe simple : le volontariat des Etats à s’engager dans un accord et selon le vieux principe du parallèlisme des compétences, ce qui est fait peut être défait par les représentants des mêmes Etats; en clair, un accord peut toujours être dénoncé par un Etat. Au contraire de ce que disent les eurofédéralistes, les traités européens n’échappent pas à la règle : l’invention par la Cour de justice des communautés européennes (reprise par son héritière la CJUE) de l’idée jurisprudentielle selon laquelle le droit communautaire serait un droit autonome échappant aux règles du doit international en terme de réciprocité, un droit supérieur au droit national quel qu’en soit sa source, est une construction juridique bien fragile face à une réalité politique, celle de la souveraineté et en particulier, soyons précis, la souveraineté populaire, pierre d’angle de la démocratie. Rappelons le principe : toute souveraineté émane du peuple; la démocratie est donc le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Les représentants de l’Etat, quels qu’ils soient n’en sont que les représentants, les délégataires temporaires car le peuple est permanent et dans son pouvoir constituant, et dans son pouvoir politique lato sensu. En clair, la démocratie suppose de considérer que le peuple peut toujours faire et défaire ce qu’il a fait ou ce que ses représentants ont fait : penser l’inverse, considérer donc que les choses sont intangibles, irréversibles comme l’ont écrit les auteurs de la constitution européenne mort-née en 2005, c’est faire bien peu de cas des peuples, c’est croire que la démocratie se résume à faire valider, quand on le décide, ce que les représentants du peuple ont décidé à huis clos sans les peuples. C’est croire que l’histoire est figée, qu’il n’existe qu’une direction, celle que quelques élites présomptueuses ont décidé pour la masse populaire pour laquelle ils ont peu de considération. Au final, c’est nier la démocratie. Car par essence, la démocratie suppose l’élection par le peuple de dirigeants au vu de programmes variés parfois diamétralement opposés aux programmes de leurs prédécesseurs : la démocratie suppose l’idée d’un choix, l’idée d’un changement possible en terme de projet de société, d’orientation politique; nier cela, c’est nier la démocratie, c’est vouloir un système aristocratique, voire oligarchique, un système politique héréditaire sans changement! Des représentants du peuple qui prônent des idées contraire à la souveraineté des peuples et les imposent aux peuples pourraient relever de la haute trahison. Considérer, donc, qu’un accord s’imposera pour toujours à un pays, à son peuple quel que soit le résultat des élections, c’est donc pour les représentants de ce pays préjuger de l’avenir contre les peuples, c’est donc opposer la légalité à la légitimité, cela sent le soft-fascisme à plein nez. Mais si de plus cette posture est prise par un dirigeant étranger au regard d’un pays dont, par essence, il n’est pas le national, alors là, cela relève bien d’une ingérence belliqueuse. Imagine-t-on le président français expliquer que les traités signés, et même ratifiés, par le président des Etats-Unis X engageraient nécessairement son successeur Y? Imagine-t-on que le président français puisse donner son soutien à un candidat à la présidentielle américaine? Imagine-t-on que le président français pourait lui même préjuger de l’avenir de la diplomatie américaine en considérant que le traité signé sera applicable et opposable aux Etats-Unis quelle que soit l’issue des élections présidentielles américaine? C’est une faute de la part d’A.Merkel d’avoir tenu ce raisonnement; c’est une insulte à l’avenir que d’avoir apporté son soutien à un candidat, certe virtuel, mais candidat quand même. C’est enfin impardonnable de considérer, au lieu et place du peuple français, qu’un engagement s’imposera à lui quoiqu’il se passe lors des élections présidentielles. Ce fait sans précédent dans l’histoire démocratique du monde remet en cause la souveraineté du peuple français. L’Histoire proche, la décolonisation, l’effondrement du bloc de l’Est, la disparition de l’URSS, les guerres du golfe, la disparition de l’apartheid, l’avènement de l’islamisme, les révolutions dans les pays du pourtour méditérranéen, démontre par dessus tout que l’histoire, en bien ou en mal, s’écrit tous les jours. Que le temps est un facteur fondamental pour construire, unir, libérer…Ceux qui croient que l’Europe libérale et monétariste est un ensemble démocratique se voilent la face : confondre libre circulation des capitaux, des marchandises, des services et des personnes via la suppression des frontières avec la Liberté démocratique est une escroqueroe intellectuelle majeur. Car la Liberté, c’est à dire la décision souveraine des peuples de changer le cours de l’histoire en dénonçant des traités idiots dogmatiques entrainant la paupérisation des peuples, leur soumission aux marchés financiers, enfin, la soumission des Etats est la seule vraie Liberté. Quant à se référer au modèle allemand, on peut sourire ou pleurer; car, l’allemagne d’aujourd’hui, n’est pas l’allemagne d’hier : nous pouvions être admiratif du modèle dit rhénan qui supposait la collaboration étroite entre le capital et les salariés avec une redistribution ds richesses et une direction de l’économie consensuelle, proche de la cogestion. Le Général aussi avait finalement mis en place un système similaire d’une économie libre, sous contrôle d’Etat avec pour objectif le progrès au service de la France, du peuple et de l’Homme. Quand est-il aujourd’hui? L’allemagne des dirigeants, depuis 1990, a été progressivement anglosaxonnisé : libéralisme, libéralisme, libéralisme! à tel point qu’il n’existe pas de revenu minimum légal, tout le système salarial dépendant d’accords professionnels au regard d’un rapport de force simple à comprendre : se soumettre au diktat de la rentabilité financière (en écrasant les slaires) ou délocaliser la production vers des pays à bas coûts. L’Allemagne n’est plus sociale, tout comme la France. Pourquoi? Parce que Europe n’est pas sociale. Pourquoi? Elle ne peut l’être sans avoir des frontières avec le monde. Or, L’élite aristocratique ne veut pas de frontère avec le monde, au moins est-ce là la conception d’une élite (paradoxalement fonctionnaire de l’Europe sans risque de chômage ni sousmis à la pression à la baisse des salaires, industries de l’export devenue transnationnales et apatrides…financiers….) et non des peuples de l’Europe : pas de frontière, pas d’harmonisation possible sauf par destruction des systèmes sociaux, le fameux moins disant social, c’est à dire un recul constant par suppression des progrès sociaux, avec à la clef un retour en arrière conforme aux théories du XIX e siècle de l’ère industriel. Or cette europe tue les Etats nations en les neutralisant, en leur soustrayant leur pouvoir, pouvoir législatif via des textes dérivés considérés par le juge européen comme supérieurs aux lois nationales, fiscal, monétaire, enfin budgétaire….On tue les Etats membres qui sont des coquilles vides de tout pouvoir…. Le système en place est une négation des peuples et de la démocratie. Et A.Merkel n’est qu’une représentante de l’aristocratie allemande voulant exercer l’hégémonie d’un modèle sur ses voisins ruinés. Quant aux peuples, qui ne discernent pas les subtilités du jeu et des manipulations des raisonnements, ils croient naïvement encore en cette classe politique artistocratique, au services des privilèges comme sous l’ancien régime. Le printemps des peuples arrivera…

  5. Excellente analyse… Hélas!

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