Sarkozy : le président savonne la planche du candidat

  • Philippe Cohen et Laureline Dupont – Marianne

tv29 janvierCeux qui espéraient une déclaration de candidature anticipée du chef de l’Etat n’auront pas été déçus. Certes, Nicolas Sarkozy n’a pas prononcé la formule magique : « Je suis candidat », il ne s’est pas non plus offert le luxe mitterrandien de répondre par un bref « oui » à la question « êtes-vous candidat ?». Mais hormis cette subtilité formelle, tout dans son intervention sonnait comme une profession de foi de candidat déclaré à la présidence de la République.

 

Qu’il est doux de briguer sa propre succession ! Tandis que François Bayrou et François Hollande, invités à un mois d’intervalle de l’émission «Des paroles et des actes», ont dû se soumettre sans broncher aux questions personnelles – et sans grand intérêt – de Nathalie Saint-Cricq, lorgner, en souriant s’il vous plaît sous peine d’être traités d’arrogants, l’écran sur lequel défilaient des photos de l’un avec son tracteur, de l’autre avant et après son régime, Nicolas Sarkozy, lui, s’est payé le luxe de promouvoir son bilan et les réformes à venir sans jamais avoir à expliciter son rapport à son père ou son divorce houleux.

En direct sur six chaînes de télévision, le monarque a pu égrainer une heure durant les mesures prises à l’issue du sommet social, rebaptisé « sommet de crise », du 18 janvier et clore avec le sourire cette séquence sociale en forme de programme présidentiel. Si nombreux sont ceux qui, au sein même de la majorité, déplorent ce volontarisme hyperactif du chef de l’Etat et préfèreraient voir figurer dans le projet du candidat Sarkozy les réformes énoncées ce soir par le président, les conseillers élyséens, de leur côté, continuent au contraire à miser sur l’image d’un président courageux, aux manettes du pays jusqu’au bout de son mandat. « Il faut que le parlement siège le plus longtemps possible, que Sarkozy soit dans l’action jusqu’au bout », nous confiait quelques jours plus tôt un ministre.

Message reçu. A peine l’interview commencée, Nicolas Sarkozy mettait les points sur les «i» en martelant : « Je suis là en tant que chef de l’Etat, pour rendre des comptes aux Français, […] pour dire aux Français les décisions que nous devons prendre. » Et les décisions, justement, foisonnent. Bien décidé aux dires de l’un de ses visiteurs du soir à « faire campagne sur le chômage et la dette », le président a exposé une batterie de mesures destinées à relancer l’emploi et la croissance. L’occasion également pour le non-candidat d’envoyer deux ou trois tacles à ses adversaires déjà déclarés comme François Hollande et François Bayrou. Le passage attendu sur la TVA sociale a permis à Sarkozy de dire tout le bien qu’il pensait du thème de campagne de François Bayrou, «Acheter français» : « Je veux qu’on puisse, non pas consommer français ça n’a pas de sens, mais produire en France. » Concis, discret, digne d’un président en campagne, même si François Bayrou n’a jamais prôné autre chose. En revanche, on se demande si le Président n’a pas parlé trop vite en affirmant que la crise financière était finie : trois semaines de calme sur les Bourses ne démontrent nullement, hélas, que la crise des dettes souveraines est terminée. Les dernières palinodies du dossier grec montrent au contraire la vanité du propos de Sarkozy sur ce sujet.

La surprise est-elle devenue un effet impossible dans la politique française ? François Hollande avait su surprendre par son discours du Bourget. Mais les fuites qui l’ont précédé ont quelque peu enlevé du piment à l’intervention télévisée du Président. D’autant que les mesures annoncées n’ont ni ampleur ni ambition. La TVA sociale ? Le Président a bien argumenté sur ce point, montrant que nombre de pays européens avaient déjà augmenté leur taux de TVA. Mais le taux retenu – 1,6% – est bien faible. L’Allemagne, dont le président semble vouloir copier une politique qui construit la croissance sur le dos des salariés et des voisins du pays, avait, du temps de Schroeder, bonifié de trois points la TVA. Et ceux qui sont partisans de la TVA sociale pour donner plus de compétitivité aux entreprises françaises estiment qu’en deçà de 35 milliards, l’efficacité de la mesure est douteuse. Or, l’augmentation de 1,6 % de la TVA ne permettra aux entreprises que d’économiser 13 milliards d’euros (voir l’article d’Hervé Nathan ), les consommateurs et les contribuables, via deux points de CSG sur les revenus financiers, étant appelés à financer cet effort.

La loi visant à imposer aux entreprises de 250 salariés d’embaucher au moins 5% de jeunes en apprentissage, et l’accroissement des sanctions contre les entreprises qui ne respectent pas la loi ? Cette réforme a le défaut de révéler aux Français que le gouvernement s’est montré bien laxiste envers les grandes entreprises. Les journalistes présents auraient d’ailleurs pu demander à Nicolas Sarkozy s’il ne convenait pas d’élargir cette fermeté aux questions fiscales par exemple puisque notre régime fiscal favorise grandement les grandes sociétés (la taxe moyenne acquittée par les sociétés du CAC40 n’excède pas 8%) par rapport aux petites entreprises.

La taxe sur les transactions financières ? Elle ne sera applicable qu’en août prochain. Manifestement, l’idée d’un cavalier seul de la France paraît moins réaliste que lorsque Nicolas Sarkozy a annoncé cette réforme. Les accords d’entreprise sur les 35 heures ? Ils ne sont populaires ni parmi les salariés ni parmi les patrons, qui se sont organisés depuis longtemps sur ce point. La banque de l’industrie ? Le président s’est montré laconique, et nous n’avons pas compris ce qui la distingue des organismes existant comme Oseo ou la Caisse des dépots. Quant à la libéralisation des règles de construction, elle est supposée stimuler la construction donc « l’emploi de nos compatriotes », a dit le Président. Manifestement, il ne s’est pas rendu depuis longtemps sur un chantier, car il aurait vu que le plus souvent ce sont des travailleurs immigrés qui font une grande partie du job… Il faudra voir ce que cette mesure implique en terme de paysage urbain et d’environnement.

Bref, nous sommes bien loin du choc annoncé depuis quinze jours par les sarkozystes. Pour une raison évidente : la plupart des mesures annoncées par Nicolas Sarkozy ne seront appliquées – si son successeur ne revient pas dessus – qu’après le scrutin présidentiel. Du coup, son choix, singulier, d’être président jusqu’au bout, comme il l’a affirmé lors de l’émission, présente deux inconvénients majeurs. Un, il montre clairement qu’il n’a plus le temps d’agir avant la fin de son mandat. Deux, il affaiblit son propre programme de candidat puisqu’on ne voit guère pourquoi ni comment le candidat Sarkozy pourrait sortir de son chapeau d’autres mesures phares dans quelques semaines, s’il annonce à ce moment-là sa candidature. Voilà comment le Président a, en quelque sorte, savonné la planche du candidat…

1 commentaire sur Sarkozy : le président savonne la planche du candidat

  1. Je suis là en tant que chef de l’Etat, pour rendre des comptes aux Français…et non, ce sont encore des contes et rien d’autre que le locataire de l’Elysée nous a donné à entendre pour masquer l’improvisation permanente de son régime de sur-oscillations dirigistes inefficaces et coûteuses. Enfant gaté par les fées de la démocratie française il aurait aussi tort de ne pas profiter plus longuement de son petit paradis élyséen et compte bien cette fois ci sur ses amis venus d’ailleurs pour l’aider à faire croire qu’il est le meilleur pour la France. Quant à sa vision économique et sociale, manifestement c’est un sujet qu’il n’a jamais étudié et ses mesures, inspirées de sa calamiteuse initiative en faveur des restaurateurs risquera hélas d’être un nouveau calvaire financier pour l’Etat et tous les consommateurs. Faire croire, que les entreprises au bénéfice de réduction de charges ne vont pas répercuter sur leurs prix les hausses de la Tva pour que le consommateur ne paie pas plus cher est une honteuse entourloupe intellectuelle.
    Non vraiment personne n’y gagne a écouter ce personnage qui laissera derrière lui une France en piteux état économique et social et ce ne sont pas les promesses opportunes d’achat de Rafales par l’Inde, (à quel prix et avec quelles contreparties),qui redonneront le tonus nécessaire à une majorité de citoyens lassée par le spectacle donné par cette vedette et toute sa clique.
    Fort heureusement ,comme dans tout bon théâtre, les portes finiront par claquer sur la sortie du gaffeur de service.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*