Une fondation proche de l’UMP propose de partager la dissuasion nucléaire avec l’Allemagne

La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) lance un ballon d’essai dans ses « 12 idées pour 2012 »

942928-1119464

Dans un document récemment paru (que l’on peut lire intégralement en cliquant ici ), la Fondapol, un Think Tank proche de l’UMP, propose la création d’une « communauté franco-allemande » qui unirait nos deux pays dans une fédération très étroite. Cette France-Allemagne serait le noyau le plus intégré d’une Europe à géométrie variable. Ce projet se base sur l’idée que « les puissances de demain devront réunir trois attributs : une gouvernance solide et démocratique, des finances saines au service d’une économie de l’innovation et une capacité de défense globale ».

C’est ce dernier point qui est le plus développé dans les « 12 idées pour 2012 » et notamment le fait que « la France doit partager avec l’Allemagne sa force de dissuasion nucléaire ».

Les auteurs (qui souhaitent rester anonymes) de ce texte ne sont pas des ignorants : ils connaissent les réalités de l’Europe et notamment le peu de propension de l’Allemagne à s’engager dans cette voie : « En Allemagne, le nucléaire est vécu comme un risque et non comme une protection – chez nous, c’est l’inverse ! » écrivent-ils, tout en rappelant que l’Allemagne préfère la défense antimissile avec les Américains que le nucléaire avec les Français. Les auteurs reconnaissent que la main tendue par la France à ses partenaires européens pour une « dissuasion concertée » (selon le mot d’Alain Juppé en 1995) « n’a pas été saisie, en particulier par les Allemands. Ou, plus exactement, il n’y a pas encore eu d’accusé de réception de leur part. La porte restera-t-elle toujours fermée à cette idée de copropriété de fait? » s’interrogent-ils.

Sur le plan opérationnel, une dissuasion partagée serait « portée par des unités franco-allemandes, réparties des deux côtés du Rhin », « esquissent » les auteurs. « Chacun des deux pays se placent sous la protection de l’autre » et « le pouvoir de recourir à l’arme nucléaire est partagé en ce sens que chacun des deux pays possède la capacité de l’activer pour ce qui concerne les armes nucléaires situées à l’intérieur de ses frontières. » « Les états-majors ne sont pas forcément fusionnés, mais les plus hauts responsables conçoivent ensemble les plans de frappe ». « A terme, les équipements sous-marins et aéroportés deviennent mixtes« , même si les auteurs reconnaissent la difficulté de le faire pour les SNLE. En la matière, la composante aérienne jouerait donc un rôle primordial. Les auteurs imaginent que les armes soient placés sous contrôle d’un « groupement mixte franco-allemand » qui remplacerait l’actuelle Gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires.

Plus fondamentalement, « à terme, la décision nucléaire pourrait devenir strictement franco-allemande : le code nucléaire serait partagé entre le président de la République française et le chancelier de la République fédérale d’Allemagne, chacun possédant un code ne pouvant fonctionner sans le code de l’autre ».

Cette proposition, qui rappelons-le n’est pas formulée par des ignorants en matière stratégique, est une sorte de ballon d’essai. Ces chances d’aboutir sont aujourd’hui infimes, mais elle traduit une volonté portée au plus haut de l’Etat… et partagée par l’opposition. C’est tout l’enjeu du débat sur le « deuxième composante », c’est-à-dire les avions capables de délivrer l’ASMPA. Ce n’est pas un hasard si François Hollande s’est engagé très fermement à la maintenir. Comme Nicolas Sarkozy, il sait que c’est par ce biais uniquement qu’une « européanisation » de la dissuasion pourrait s’engager. L’Elysée, par exemple, ne serait pas défavorable à un déploiement « à l’Est » – dans le cadre d’exercices temporaires – des escadrons des Forces aériennes stratégiques. Sans les armes, évidemment.

L’alliance nucléaire avec le Royaume-Uni s’inscrit aussi dans cette perspective d’une communauté de dissuasion.

Projet irréaliste ? Oui, si l’on oublie que, héritage de la guerre froide (dont elle entend certes se débarrasser), la RFA abrite des armes nucléaires américaines, dont elle possède la double clé et qui seraient mises en œuvre par des avions Tornado de la Luftwaffe. Et qu’elle siège au Comité des plans nucléaires de l’Otan.

Jean-Dominique Merchet

4 commentaires sur Une fondation proche de l’UMP propose de partager la dissuasion nucléaire avec l’Allemagne

  1. Que pensent de ces néo-pétainistes MM Juppé et Villepin ?
    Silence radio…
    Sous M. Chirac, les allemands , dépourvus de tout savoir-faire aéronautique depuis la 2ème Guerre, ont bénéficié avec Airbus du formidable transfert d’une technologie française de pointe.
    Où est la contre-partie ?
    Depuis 35 ans nos gouvernements, et pas seulement ceux de gauche, ne cessent de brader la richesse nationale !
    Un vote « révolutionnaire » est vraiment nécessaire le 22 Avril !!!

  2. Comment peuvent-ils se comparer au général de gaulle alors qu’ils nous proposent la perte de notre souveraineté ? Moi je les comparerai plutôt à ceux qui ont voté les pleins pouvoirs le 10 juillet au Maréchal Pétain, ça me semble plus proche de leurs profils.

  3. Quelle honte !
    Bien entendu, la dissuasion nucléaire ne se partage pas, puisqu’elle engage la vie et la mort !
    Il faut un sentiment national puissant et indéfectible, forgé par des siècles d’histoire commune, pour user de la dissuasion. Où, mon Dieu, dans notre monde voit-on un pays partager sa dissuasion ? Les USA, la Russie, la Chine, le Brésil, le Pakistan, l’Inde, la Corée du Nord, Israël : où y a-t-il partage avec un autre ? Le Royaume-Uni n’a pas de défense indépendante, pas plus que l’Allemagne : ils dépendent en tout des USA.
    L’UMP est bien ce qu’on dit qu’elle est : une Cinquième Colonne de traîtres à la patrie. Honte à ces gens-là !
    De Gaulle reviens, ils sont devenus fous ! Il n’y a donc, et nous le savons bien, que le vote massif pour « Marine » qui soit susceptible d’éloigner l’effrayante perspective que je vous remercie d’avoir pointée sur Gaullisme.fr
    Honte aussi à ceux qui s’emploient à diviser inutilement les voix de la souveraineté, alors qu’il faudrait tout faire pour serrer les rangs… Suivez mon regard du côté de Yerres…
    JK

  4. eric Pourcel // 3 janvier 2012 à 11 h 11 min //

    La France ne manque pas d’esprits, mais d’Esprit. Le feu nucléaire, tout comme la souveraineté, ne se partage pas. Admettre un partage de la double clef c’est croire en la communauté de destin et d’intérêts de deux nations qui n’en ferait qu’une. On en est loin. Plus loin aujourd’hui qu’en 1969. L’allemagne joue sa carte et le fait savoir régulièrement. Le partage du feu nucléaire, en admettant l’idée ce qui supposerait préalablement de revenir au plan fouchet du point de vue politique (et ce n’est pas près d’arriver), ne peut exister sans cohabiter avec l’indépendance nucléaire : est-ce difficile à comprendre? En clair pas de feu nucléaire unique (à l’instar de la monnaie unique qui est une erreur) mais un feu commun (à l’instar de la monnaie commune qui aurait pu marcher) avec un feu nucléaire national : tant qu’il y aura des Etats souverains, cette logique est incontournable. Enfin, ce délire franco français, comme celui du désarmement, n’est pas voulu outre rhin, est-il possible que nos esprits nombreux et peu éclairés le comprennent? Peuvent-ils aussi comprendre que les Etats-Unis ne veulent pas se retirer d’Europe, sinon à quoi bon l’OTAN, et que les autres pays d’europe ne jure que par l’OTAN? Bref les réalités s’imposent toujours aux farceurs de l’histoire ceux qui confondent leurs idéaux, même les plus idiots, avec les intérêts des Etats dont ils ignorent la substance même. Ils devraient écrire des histoires pour « Oui-oui »…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*