L’Assemblée approuve un référendum d’initiative populaire en lambeaux

article_CPS_HMJ46_160308124109_photo00_photo_default-512x340Il aura fallu attendre trois ans et demi pour que le projet de loi organique soit présenté à l’Assemblée nationale. Mais seulement quelques heures auront suffi aux députés pour l’entériner. Ou l’enterrer, selon les points de vue. Car si le référendum d’initiative «populaire», le tout dernier volet de la révision constitutionnelle de 2008, a enfin été adopté mercredi matin par les députés, ses conditions d’application sont telles que son usage paraît pour l’heure très théorique.

A la tribune, lançant le débat à 23h40 devant des rangs clairsemés sur ce dispositif censé permettre à des citoyens d’initier un vote à l’échelle nationale, l’écologiste François de Rugy a expliqué: «Tout a été fait pour que cette procédure ne soit pas utilisée.» Cela est vrai pour le quinquennat qui vient de s’écouler, tellement le gouvernement a tardé à mettre ce texte de loi à l’ordre du jour du Parlement. Mais cela est aussi vrai pour les quinquennats à venir, au vu des conditions requises pour l’organisation d’un tel scrutin.

L’idée de départ semblait pourtant faire l’unanimité. Comme l’avait suggéré le comité Vedel en 1993, comme l’avait préconisé le Comité Balladur en 2007, la majorité avait accepté, en mai 2008, à la demande de plusieurs parlementaires de gauche et de droite, dont Arnaud Montebourg, d’introduire dans la Constitution la possibilité d’une sorte de votation populaire. Au Congrès, cet ajout avait pesé, entre autres, dans le vote de Jack Lang et de radicaux de gauche, en faveur de la réforme des institutions voulue par Nicolas Sarkozy.

Le dispositif final risque pourtant de laisser sur leur faim et sur le pavé ceux qui s’imaginaient traduire leurs envies dans les urnes. Tout d’abord, il reste à ce que le texte soit voté par le Sénat avant la fin de la session parlementaire, en février.

Ensuite, une fois que le texte de loi aura été publié au Journal officiel, il faudra attendre 13 mois avant que le processus puisse être enclenché. Pourquoi 13 mois et pas immédiatement? Mystère. «13, c’est juste du fétichisme?», a demandé François de Rugy sans obtenir de réponse satisfaisante.

Ensuite seulement pourra s’enclencher le référendum d’initiative populaire, même si le rapporteur du texte, l’UMP Guy Geoffroy, a précisé qu’il s’agissait en réalité d’une « inititiative partagée » (avec des parlementaires). A la limite, il aurait presque pu parler d’initiative parlementaire tout court.

En effet, seule une proposition de loi votée par 185 parlementaires, soit 1/5e d’entre eux, pourra enclencher le processus. Le Conseil constitutionnel aura alors un mois pour dire si la proposition est recevable. Si cette étape est franchie, une fois la proposition de loi publiée au Journal officiel, démarre dans un délai de deux mois la période de collecte des soutiens populaires, qui dure trois mois. Si la proposition trouve le soutien de 4,5 millions de personnes (1/10e de l’ensemble des personnes inscrites sur les listes électorales), une commission de contrôle composée de hauts fonctionnaires a un mois pour transmettre au Conseil constitutionnel qui procède à un nouvel examen.

Plus restrictif qu’à l’étranger

Si tout se passe toujours bien, débute alors une nouvelle période d’un an pendant laquelle les deux assemblées peuvent se saisir de la proposition de loi, lesquelles sont tout à fait à même de rejeter la proposition. Au bout de ce délai, si la proposition n’a pas été examinée par le Parlement, le président de la République a alors quatre ans pour la soumettre à référendum. Enfin. En espérant que ceux qui ont initié le débat ne soient pas morts pendant les 23 mois que peut durer l’ensemble du processus.

Et encore: il est interdit d’organiser une telle consultation dans les six mois qui précèdent l’élection présidentielle! Autrement dit, entre 2012 et 2017, le créneau pour lancer une telle initiative ne sera pas bien étendu.

En 2009 et 2010, deux propositions de loi organique avec le même objectif mais des modalités différentes (pour traduire la Constitution dans la loi) avaient été balayées par la majorité. Tant pis pour ceux qui avaient imaginé une votation sur le statut de La Poste, la réforme des retraites ou les OGM.

Dans le projet de loi adopté mercredi, d’autres obstacles apparaissent. Outre le fait que les sujets seront limités (organisation des pouvoirs publics, sur la politique économique, sociale ou environnementale, les services publics ou la ratification d’un traité), il sera impossible de demander l’abrogation d’une loi promulguée depuis moins d’un an.

Par ailleurs, la «récolte» des signatures ne pourra se faire que par voie électronique, au mépris de ceux que l’usage rebute. Et l’ensemble des noms des signataires sera public.

L’UMP et le ministre de la justice Michel Mercier ont vanté une «avancée», un texte qui améliore l’existant, «une étape importante dans l’amélioration de la représentation et de la parole donnée à nos concitoyens», même si Guy Geoffroy a reconnu que «certains pourront juger l’initiative timide».

Le PS l’a jugée plus durement que cela, en évoquant un dispositif «quasiment inutilisable». Pour Jean-Jacques Urvoas, «en imposant toutes ces contraintes inutiles, vous donnez l’impression de vouloir tuer dans l’œuf le dispositif que vous prétendez vouloir instaurer».

Les regrets sont même allés au-delà du projet de loi puisque certains ont remis en cause des éléments à présent inscrits dans le marbre constitutionnel, à savoir le nombre de parlementaires qui doivent se mobiliser, et le nombre de signatures à additionner.

En Belgique, le nombre de pétitionnaires doit être de 3 % des électeurs; en Suisse, il est fixé à 50.000 électeurs. En Italie, l’initiative ne doit recueillir le soutien que de 500.000 électeurs, soit moins de 1% d’une population totale de 60 millions d’habitants.

Le gouvernement s’est montré beaucoup plus restrictif. Patrick Braouezec y voit le signe d’«une majorité de plus en plus méfiante à l’égard du peuple, d’une majorité qui craint d’être dépassée par les citoyens».

6 commentaires sur L’Assemblée approuve un référendum d’initiative populaire en lambeaux

  1. eric Pourcel // 3 janvier 2012 à 20 h 02 min //

    « Vox populi suprema lex esto », c’est le fondement même de la démocratie qu’exprime ce vieil adage latin puisque la voix du peuple est normalement l’expression de la loi suprême. Avec de Gaulle cela avait du sens. Avant de Gaulle, ce principe a été honni…par les partis politiques toute tendance confondue. Après de Gaulle, le référendum est devenu un outil rare et partial, précédé d’une campagne de désinformation virant à la caricature, voire d’intimidation, notamment s’agissant de l’Europe (« Pour » les démocrates cultivés pacifistes, « contre » les faschos guerriers abrutis). Quoiqu’il en soit, la votation référendaire est enterrinée quelle que soit le taux de participation (cf le référendum sur la nouvelle calédonie le sera avec environ 26 %…) ou si elle est conforme à l’aristocratie ambiante (référendum de Maästricht); à l’inverse, lorsqu’une votation référendaire ne convient pas, on réunit le congrès et on le fait voter contre la volonté populaire (référendum du traité de Lisbonne). En faisant cela Sarkosy a violé la constitution puisqu’aucun congrès n’a un pouvoir constituant plus fort que le peuple : le peuple est le pouvoir constituant, le congrès ne jouissant que d’un pouvoir constituant délégué par le peuple; aussi, juridiquement la ratification par le congrès du traité de Lisbonne, quelle qu’aient été les modifications mineures apportées, est nulle non seulement du point de vue légal, mais plus encore du point de vue politique. Il faut relire les constitutionnalistes pour comprendre cela…mais qui les lit? Quant à un référendum d’intiative populaire, tous les partis de gouvernement tiennent la même posture : officiellement pour mais officieusement contre car ils seraient désaisis de leur pouvoir et désavoués régulièrement par le peuple…La démocratie approche du mythe lorsque le pouvoir constituant qui détient aussi le pouvoir législatif se voit privé de ses pouvoirs par une partitocratie en cheville avec une forme de technocratie elle même en connivence avec une aristocratie d’argent (donc une fausse aristocratie). Le peuple est mort en tant qu’acteur majeur de la vie politique mais il en faudrait peu pour que l’adage vivit et non vivit lui soit appliqué…

  2. Brétagnol michel // 27 décembre 2011 à 14 h 02 min //

    République cela signifie peuple souverain, qu’en est il dans notre encore beau pays … Le peuple a le droit de choisir (ent encore) ceux qui disposeront d’un blanc seing pour décider comme ils l’entendent, même si cel

  3. Brétagnol michel // 27 décembre 2011 à 13 h 59 min //

    Les citoyens ont pour droit essentiel, celui de voter une fois tous les 5 ou 6 ans, pour des personnages qui ont parfaitmentle droit de trahir leurs engagements. N os parlementaires, quand ils ne sont pas soumis à l’exécutif, kils doivent entériune rles d »écisikons des gnomes de Bruxelles. Quand à ce référendum, autant dire que celle loi l’instituant est telle qu’il sera innaplicable. RpubliQUE CEL

  4. Les auteurs Mathilde Mathieu et Michaël Hajdenberg (Médiapart) rappelent que les rangs de l’Assemblée étaient trés clairsemés au moment du vote de ce texte . Cela n’est pas nouveau ,et, je dirai même , qu’en dehors des séances du Mercredi aprés midi , c’est une fâcheuse tendance qui se généralise tant au Palis Bourbon qu’au Palais du Luxembourg..La représentation nationale qui se fait porter pâle ne représente donc plus grand monde et les citoyens finissent quand même par s’en parcevoir.La cause en est connu : le cumul des mandats et des fonctions.
    Quand est-ce que nos parlementaires seront mis dans l’obligation de choisir là où ils peuvent s’investir à fond ?
    Sur le fond de ce texte ,la parole donnée aux citoyens apparaît donc comme une escroquerie intellectuelle de plus qui donne aussi le sentiment que les parlementaires et le gouvernement sont plus habiles à déplacer les virgules des textes qu’à en produire de performants pour l’amélioration effective de la vie démocratique du plus grand nombre de nos concitoyens.
    Ainsi donc, comme fort justement commenté, de plus en plus de citoyens que l’usage de la signature électronique rebute trouveront dans la rue une autre forme d’expression de leur ras le bol de pratiques exaspérantes de mandants qui ne les représentent plus ,ou presque !!!!!!

  5. Un site d’information devrait mettre un AVERTISSEMENT quand il passe des articles contenant des approximations, des amalgames voire des erreurs manifestent..!

    Il est regrettable que des journalistes se fassent complices de l’oligarchie et parlent de référendum d’initiative populaire, même en lambeaux pour évoquer une procédure sui generis totalement bidon qui n’a rien à voir avec un référendum d’initiative populaire ni d’initiative partagée puisque l’initiative est bien exclusivement PARLEMENTAIRE et il faut une intervention du Conseil constitutionnelle AVANT que les électeurs puissent apporter leur signature de soutien.
    Tous les élus veulent priver le peuple de parole pendant les 5 ou 6 ans qui séparent deux scrutins de même niveau.. Les candidats à la présidentielle qu’ils soutiennent veulent confisquer le Pouvoir. pendant 5 ANS voir http://www.ric-france.fr
    Le doyen VEDEL en 1993 avait proposé une procédure législative originale prévoyant que 20% de parlementaires pouvait déposer une proposition de loi , puis rechercher le soutien de 10% des inscrits, ce soutien obtenu, la loi était soumise au Parlement et si celui-ci ne l’avait pas « adoptée » dans les 4 mois, elle devait être soumise à référendum..
    Ce n’était pas un référendum d’initiative populaire, ni vraiment un référendum d’initiative minoritaire , mais en tous cas une procédure très utile à l’opposition, puisqu’elle ASSURAIT à l’opposition – dans des conditions très difficiles certes, soit de faire adopter sa proposition de loi par le Parlement soit de la voir soumise au vote du peuple en vue de son adoption.
    En 2006 la commission Balladur regroupant une vingtaine « ennemis du peuple »a vidé de tout sens cette proposition en changeant UN MOT « adoptée » transformé en « examinée ». Par ce simple changement le référendum est au bon vouloir des groupes parlementaires de la Majorité et du premier ministre ! Il n’a donc en fait aucune chance d’être organisé !
    Il faut signaler que c’est un amendement présenté de Arnaud Montebourg soutenu par le groupe PS qui a déposé cet amendement honteux surtout pour le créateur de la Convention pour la 6ème république C6R qui en 2000 dans son « appel à la rupture » proposait expressément un véritable référendum d’initiative populaire.
    L’opposition est très mal venue à faire des critiques puisque c’est elle qui a déposé cet amendement grotesque accepté par la majorité. Et que en 2008,lors des débats parlementaires sur la Constitution, pas un seul parlementaire n’a déposé le moindre amendement en faveur d’un VÉRITABLE référendum d’initiative populaire.
    Vive la 1ère République citoyenne.
    Yvan Bachaud Candidat à la Présidentielle pour le Rassemblement pour l’initiative citoyenne
    .www.ric-france.fr

  6. Jean Claude GENTY // 25 décembre 2011 à 19 h 42 min //

    Jusqu’où ces clampins qui disent être capables de gouverner vont-ils nous balader ?
    Ils en ont peur du peuple qu’ils prétendent représenter.
    Quand va-t-on enfin s’en débarrasser , bon sang !

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