Retraites : «Aubry et Hollande ne disent pas la vérité aux Français»

 

Plus de doute possible. Libération a révélé jeudi soir (13 octobre) l’enregistrement d’une conférence du mercredi 12 octobre dans laquelle le député socialiste de l’Ardèche Pascal Terrasse, le Monsieur Retraites du PS – par ailleurs soutien de François Hollande dans la primaire socialiste –, se livre devant les membres de l’institut Silverlife, un centre d’étude sur «l’économie du vieillissement» regroupant des mutuelles, des assurances et des établissements de santé. Juste avant le second tour de la primaire, l’affaire fait désordre. Et sur les réseaux sociaux, les partisans de Martine Aubry se déchaînent. 

Mercredi 12 octobre. La conférence sur la dépendance organisée par Silverlife, dont Terrasse est le seul invité, se termine. Les participants («une quinzaine de personnes», selon M. Terrasse) posent au responsable socialiste une dernière question sur les retraites. Le député rappelle d’abord ce que prévoit le volet du projet du PS qu’il a rédigé:

«Il y a à la fois ce que les gens ont compris, ce que dit le PS, et ce qu’on fera. C’est trois choses différentes… C’est compliqué. Ce que les gens ont compris, c’est: les socialistes, s’ils reviennent au pouvoir, vont remettre la retraite à 60 ans. Ça n’a jamais été dit. Après, il y a la partie projet, c’est moi qui l’ai rédigée, je suis quand même bien placé. Je dis simplement que l’on acte le principe de l’allongement de la durée de cotisation: 41,5 années. Ça, on l’a acté. Pour avoir sa retraite à taux plein, il faut avoir 41,5 années. Et nous disons qu’on pouvait partir à 60 ans dès lors qu’on a ses 41,5 années. On est sur le principe « retraite à la carte ». Si vous partez avant, vous pouvez, mais là vous avez une décote.»

Mais Pascal Terrasse ne s’arrête pas là. Il se livre même à quelques confidences:

«Je vais vous dire ce que je pense. Compte tenu de la situation de la Cnav [l’assurance-vieillesse], et de ses déficits, je ne pense pas honnêtement qu’on reviendra sur la borne d’âge. La vérité, c’est qu’il faut qu’on aille à 65 ans sur la borne d’âge, pour arriver à trouver un équilibre financier compte tenu des enjeux démographiques lourds que nous avons.»

En trois phrases, Pascal Terrasse lâche donc deux bombes:

1/ Alors que le projet socialiste prévoit explicitement de rendre possible le retour à 60 ans pour ceux qui disposent de la durée de cotisation prévue dans la loi – 41,5 ans pour les travailleurs nés après 1955 –,  Terrasse affirme qu’en réalité, le PS ne reviendrait pas sur le report progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, mesure phare de la loi Fillon.

2/ Le spécialiste des retraites au PS envisage même de porter l’âge légal à 65 ans, mesure très «dur[e]» qui devrait être compensée par «la mise en place de dispositifs de pénibilité qui n’ont pas été mis en place». Une hypothèse hard que personne au PS n’a jamais évoquée…

 

«Retraite de misère»

Dans un premier temps, le député socialiste a nié, évoquant une erreur d’interprétation des journalistes de l’AEF, premier média a évoquer les réflexions de Pascal Terrasse. L’affaire avait d’ailleurs suscité une passe d’armes musclée le soir même entre Martine Aubry et François Hollande, lors du débat de l’entre-deux tours des primaires.

Mais l’enregistrement prouve bel et bien la réalité de ses propos. Gêné, conscient que la polémique ne tombe pas au meilleur moment pour François Hollande, le député PS affirme avoir été «piégé» par une «officine proche de la droite». Il en veut notamment pour preuve la présence à cette conférence de Michel Hannoun, responsable des fédérations des métiers de santé à l’UMP et directeur des études monde du très contesté laboratoire pharmaceutique Servier. Il affirme aussi que ses propos ont été «instrumentalisés» par «des gens du PS chargés de faire le buzz sur Internet», visant implicitement l’équipe de campagne de Martine Aubry.

Restent les faits, à savoir ses propos tenus le 12 octobre. Pascal Terrasse ne peut guère faire autrement que les assumer. «Je parlais en mon nom personnel», explique Pascal Terrasse à Mediapart. Mais le député choisit de contre-attaquer, mettant en cause la «confusion» des candidats à la primaire socialiste.

«Personne au PS n’a jamais proposé le retour à 60 ans à taux plein. C’est mentir aux Français que de le dire», dit-il. En l’occurrence, Pascal Terrasse tape assez juste: pendant les débats des primaires, la plupart des candidats ont entretenu un vrai flou artistique sur les 60 ans. Manuel Valls et Jean-Michel Baylet se sont dits opposés au retour à 60 ans, en contradiction avec le projet du PS. Les autres candidats, eux, ont bien parlé d’un retour à 60 ans.

Mais aucun n’a dit avec précision (notre précédent article) qui, à part les travailleurs disposant de 41,5 annuités, serait concerné. La prise en compte de la pénibilité a bien été évoquée: Martine Aubry, Arnaud Montebourg Ségolène Royal ont évoqué des «bonifications» pour les années travaillées, mais sans plus de détails. François Hollande, lui, a évoqué une «réforme générale des retraites» en 2013.

«La confusion est entretenue depuis le départ, dénonce Pascal Terrasse. Les socialistes, qu’il s’agisse de Martine Aubry ou de François Hollande, ne disent pas la vérité aux Français. Je renvoie dos à dos François Hollande et Martine Aubry sur la question des retraites, car ils ne sont pas allés au fond des débats. J’espère que l’élection présidentielle permettra de dire les choses. Les socialistes doivent clarifier leurs positions et ne pas raconter de balivernes.»

La vérité? Selon Terrasse, elle est assez crue: «Compte tenu du fait qu’on a acté le principe des 41,5 ans de durée de cotisation, si vous avez commencé à travailler à 24 ans, vous pourrez certes partir à 60 ans mais vous aurez une décote et vous aurez un montant de retraite qui ne sera rien du tout, une retraite de misère. L’allongement va impacter fortement le montant des retraites.» Une évidence qu’aucun socialiste n’avait osé énoncer jusqu’ici.

«En revanche, il faut mettre en place des mesures de compensation de la pénibilité, poursuit Terrasse. Certains peuvent travailler jusqu’à 65 ans, mais pour une infirmière par exemple, c’est difficile.»

Selon Pascal Terrasse, le PS devrait avoir le courage de l’expliquer à ses futurs électeurs: «Trahir le peuple en 2012, c’est forcément avoir Marine Le Pen en 2014. Ceux qui entretiennent le flou sont les VRP des organismes assurantiels et financiers, car c’est la porte ouverte à une retraite par capitalisation qui ne dit pas son nom.»

Pascal Terrasse affirme avoir eu François Hollande «à plusieurs reprises» au téléphone. Il promet de s’expliquer en détail la semaine prochaine, une fois les primaires passées.

Par Mathieu Magnaudeix

6 commentaires sur Retraites : «Aubry et Hollande ne disent pas la vérité aux Français»

  1. La polémique sur les retraites est repartie sans pour autant que les débatteurs fassent preuve d’objectivité ,de réalisme et de sèrieux.
    Depuis la réforme Balladur, avant laquelle tout était à peu prés clair; il y avait celles et ceux qui étaient du privé, celles et ceux du public et les régimes spéciaux . Depuis donc les réformes Balladur, Aubry,Fillon,Woerth,Bertrand c’est l’usine à gaz qui selon une vielle pratique française fait dire à chacun,chacune, que son voisin est pistonné,est un profiteur, sans pour autant connaître le détail de sa situation eu égard au système kafkayen qui est en vigueur.
    Une chose est certaine, en Francs constants , puis en Euros constants, les retraites du privé ont fortement diminué depuis 1993,celles du public pratiquement pas et celles des régimes spéciaux perdureront jusqu’en 2018.
    Personne aujourd’hui n’a le courage, pas plus qu’hier ,de remettre ce système par répartition à plat et le FRR (Fonds de compensation des retraites) ne cesse d’être insuffisant pour compenser l’hémorragie de cotisations non perçues par la CNAV depuis les Lois Aubry, alors que parallélement il y a de moins en moins de cotisants (chômage + fraudes) et des cotisants qui cotisent moins eu égard aux baisses des salaires et de la moindre qualification du monde du travail (merci Monsieur Borloo avec sa promotion d’emploi de service à la personne et merci Nicolas Sarkosy avec sa fausse bonne idée d’autoentrepreneur !).
    Quant au rapprochement des régimes public-privé et la suppression des régimes spéciaux scandaleux,suls les niais ont pu apprécier le flou dégagé dla dernière réforme des retraites dont se félicitent (puisqu’épargnés) l’actuel locataire de l’Elysée et ses suppôts bien dociles.
    En conséquence , tout le monde peste sans savoir.Les étrangers qui nous regardent nous traitent de fous et profitent encore de venir chez nous pour glâner à peu de frais la manne encore disponible (scandale maintes fois dénoncé des retaites versées aux étrangers n’ayant pratiquement pas travaillé en France) et dans tout ce tintamarre la gauche, à sa manière en rajoute une louche démagogique à gogo !!!!!
    Viendra alors le jour des douleurs ou ne pouvant se sortir de la dette abyssale des comptes sociaux, la France devra se résigner à constater les dégâts faute d’en avoir prévenu la survenance.

  2. Brétagnol michel // 18 octobre 2011 à 13 h 23 min //

    Il est honnête ce techicien des retraites. Il peut l’être là où il se trouve. Mais dans notre système Français, la culture des élections devenue hélas la nôtre, c’est souvent le plus menteur qui gagne, alors, que des candidats, pour gagner aient occulté la réalité cela n’est pas surprenant. En l’occurence, dans d’autres grandes élections d’autres ont menti. Ainsi quand SARKOZY le soir de son élection, place de la Concorde à Paris , après avoir ripaillé au Fouquet’s, déclarait je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas, il trahissait et il mentait car il savait qu’il allait violer le vote des français qui en 2005, avaient rejeté le tuneste traité européiste, Certes il a prétendu qu’il ferait voter un traité profondément remanié pour tenir compte de la volonté exprimée en 2005. Il mentait … puisque son traite remanié était une resucée quasi intégrale du traité original.

  3. etienne tarride // 18 octobre 2011 à 10 h 32 min //

    Je suis frappé par la constance avec laquelle les « libéraux » actuellement au pouvoir en matière économique ne croient pas un mot de leur propre doctrine.
    « Loi du marché » disent-ils. Le marché leur montre clairement et de manière constante que les entreprises ne veulent pas engager ou maintenir des personnes de plus de 55 ans. Les prétendus « liberaux » ne tiennent aucun compte de ce fait. Ils choisissent une politique de contrainte ou d’avantages sociaux illusoires.
    La retraite à soixante ans est un Droit. A pleine taux ou avec décote selon le nombre de trimestres travaillés, là est le choix à faire par les individus, étant donné que la pénibilité du travail doit permettre de réduire la décote, voire de l’annuler, comme d’ailleurs les périodes passées par les mères à assurer la naissance et les soins aux enfants.
    La prétendue « fermeté » de l’actuel pouvoir constitue une tromperie réactionnaire pure en contradiction avec leurs propres pricipes
    E. TARRIDE

  4. ça promet quand ils seront au pouvoir en 2012!
    La règle d’or et une super-austérité pour être économiquement correct!

  5. C’est la parfaite cacophonie de l’UMP-PS. Tous deux ont adopté la système économique Monétariste, celui de la Pensée-Unique, celui qui, par l’artcle 56 du Traité de Maastricht, donne les pleins pouvoirs à la Finance.Ce qui permet aux financiers de nous voler notre richesse et de l’envoyer vers leurs paradis fiscaux. Ne cotisant que fort peu aux recettes des Etats, ces derniersi sont quitte d’emprunter avec intérêt pour assumer ses charges. Ils empruntent à qui ? A ceux qui nous ont pris notre richesse. Dans une telle absurdité, nous ne pouvons qu’être en crise perpétuelle. Vivement que nos hommes politiques reprennent la gouvernance et remette à sa place la finance, celle d’outil de fonctionnement de l’Etat et des l’Economie.

  6. Une fois les primaires passées…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*