Jean-Noël Guérini «malfaiteur»? Du «pipi d’alouette»

Par Louise Fessard

0gueriniJNLe président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, a été mis en examen, jeudi soir, à sa sortie du bureau du juge Duchaine, pour «prise illégale d’intérêt», «trafic d’influence», «complicité d’obstacle à la manifestation de la vérité» et «association de malfaiteurs». Du «pipi d’alouette», avait affirmé Jean-Noël Guérini, le 2 septembre devant les conseillers généraux PS. C’est pourtant ce dernier chef d’examen, hautement symbolique, qui semble avoir fait frémir le PS, jusqu’ici très indulgent envers l’homme fort de la quatrième fédération de France.

«L’association de malfaiteurs est surprenante et rarissime dans les affaires politiques», reconnaît l’économiste Thierry Godefroy, spécialisé dans les questions de délinquance financière.

Dans sa lettre de convocation, le juge Charles Duchaine reproche à Jean-Noël Guérini d’avoir «toléré les immixtions» de son frère dans les affaires du conseil général «à des fins de clientélisme servant leurs intérêts communs», d’avoir «recherché, obtenu et communiqué» à son frère des informations confidentielles sur les procédures pénales en cours. Avant de lui recommander en corse «dans un souci supposé de discrétion» de faire «attention au bureau», de «tout débarrasser».

Jean-Noël Guérini est également soupçonné d’avoir «fait procéder», à la veille d’une perquisition, à la destruction des ordinateurs de son cabinet au conseil général, et d’avoir «détourné» la procédure de préemption du conseil général «afin de constituer une réserve foncière au bénéfice» d’une décharge gérée par son frère Alexandre.

A l’Assemblée nationale, le député UMP Bernard Carayon, qui préside la commission chargée d’examiner les demandes de levée d’immunité parlementaire, n’a pas souvenir d’autre parlementaire mis en examen sous ce chef.

De fait, à part une poignée d’élus municipaux corses (Marie-Jeanne Bozzi en 2009, Jean-Christophe Angelini en 2008 et Horace Rossi en 1995), seul un sénateur, René Vestri, par ailleurs maire UMP de Saint-Jean-Cap-Ferrat, semble avoir été poursuivi pour association de malfaiteurs. Le 27 avril 2010, le juge Duchaine (le même qui instruit l’enquête sur les marchés truqués des Bouches-du-Rhône) avait mis ce sénateur UMP des Alpes-Maritimes en examen pour blanchiment à titre habituel et en bande organisée, trafic d’influence et association de malfaiteurs, dans une affaire de corruption présumée liée à la construction de la tour Odéon à Monaco.

Paradoxalement, selon le juriste Jean Danet, cette poursuite, malgré ses relents sulfureux, est plutôt «subsidiaire» et n’ajoute «strictement rien» à la gravité des autres accusations portées contre Jean-Noël Guérini (trafic d’influence et prise illégale d’intérêt). «L’association de malfaiteurs permet d’incriminer des actes préparatoires commis à plusieurs, sans avoir à démontrer qu’il y a effectivement eu tentative, voire réalisation de l’infraction projetée, explique-t-il. Cela signe même plutôt une certaine faiblesse des charges : si le juge ne peut pas prouver le trafic d’influence lui-même, il entend au moins démontrer les actes préparatoires.»

«Il va y avoir des grosses gouttes que le Vieux-Port va déborder»

Apparue en 1810 pour lutter contre les bandes attaquant les voyageurs sur les grands chemins et traditionnellement associée aux vols aggravés et au terrorisme, l’association de malfaiteurs s’est étendue au fil des évolutions du code pénal.

Depuis la dernière réforme de 2000, son champ est désormais très large puisqu’il suffit de deux «malfaiteurs» réunis (même deux frères et sans limite dans le temps) en vue de la préparation d’un crime ou délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement, et d’«un ou plusieurs faits matériels», pour constituer une «association». «Le juge doit vouloir marquer les faits de façon très symbolique et, d’une certaine façon, se couvrir si les autres poursuites ne tiennent pas», suggère Thierry Godefroy. 

Reste que l’impact dans l’opinion risque d’être désastreux et que le PS l’a bien saisi, son premier secrétaire par intérim ayant réclamé à Jean-Noël Guérini sa mise en retrait du parti et de la présidence du conseil général.

Ce dernier a donc annoncé à sa sortie du tribunal ce jeudi 8 septembre, qu’il se mettait en congé du parti.

Mais il compte demeurer le «pilote» à la tête du département, dont il a refusé de démissionner. D’après France-3 Provence, il se contentera de déléguer au premier vice-président des dossiers. Il dispose de nombreux obligés au sein de l’institution, ce qui promet un vrai bras de fer avec Solférino et une ambiance guerre des tranchées au Vaisseau bleu.

Selon Libération, 7 conseillers PS seulement (sur 31 dans le groupe) seraient prêts à se désolidariser de Jean-Noël Guérini, pour créer leur propre groupe. Et Jean-Noël Guérini est prêt à dégainer sa liste d’élus socialistes mis en examen (56 selon Le Monde). 

Comme le rappelle cet enregistrement, réalisé le 17 mars 2010 lors d’une réunion du groupe socialiste dans une mairie de secteur marseillaise, l’homme sait tenir ses troupes.

«Attention, un jour, (…) j’apporterai les preuves de A à Z, les téléphones, les SMS, tout, tout, tout, menace-t-il à l’encontre d’éventuels dissidents. Les échanges, les rencontres avec les uns, avec les autres. Que de surprises. Les rencontres avec les journalistes, les articles, comment ils ont été contactés, sur Internet, sur les sites que je vous ai indiqués. Là vous aurez de grandes surprises. Et tout de suite, pas la rumeur. Des vérités. Et là, il va y avoir des grosses gouttes, que le Vieux-Port risque de déborder.» (Lire la retranscription intégrale.)

Pour ne pas arranger les affaires du PS dans les Bouches-du-Rhône, Bernard Granié, le président PS du SAN Ouest Provence, qui regroupe six communes autour de l’étang de Berre dont Fos-sur-Mer, a été condamné mercredi par la cour d’appel d’Aix à deux ans de prison ferme, 100.000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité, pour corruption dans le cadre d’un marché public de collecte des déchets.

Son voisin, le maire d’Istres, François Bernardini, exclu du Parti socialiste pour s’être présenté aux municipales de 2001 contre un candidat investi par le PS, a lui annoncé le 6 septembre avoir repris sa carte.

Pas sûr que le PS voit d’un bon œil le retour de cet ancien président du conseil général, qui avait dû en 1998 céder sa place à Jean-Noël Guérini à cause de son implication dans des malversations financières. Il avait été condamné en 2001 à dix-huit mois de prison avec sursis, 400.000 francs d’amende et cinq ans d’inéligibilité.

  • Lire aussi sur Gaullisme.fr

 19 août 2011 : http://www.gaullisme.fr/2011/08/19/ps-guerini/

4 mars 2011 : http://www.gaullisme.fr/2011/03/04/rapport-guerini-aubry-dans-le-deni/

17 décembre 2010 : http://www.gaullisme.fr/2010/12/17/alexandre-guerini-lhomme-qui-fait-trembler-marseille/

30 juillet 2010 : http://www.gaullisme.fr/2010/07/30/il-n%e2%80%99y-a-pas-que-l%e2%80%99ump-dans-les-affaires%e2%80%a6-le-ps-aussi/

1 commentaire sur Jean-Noël Guérini «malfaiteur»? Du «pipi d’alouette»

  1. Le parti socialiste,s’il aurait voulu montré qu’il est différent que la majorité actuelle,il aurait réagi positivement aux déclaration du candidat Arnaud Montebourg ,qui a une qualité particulière,il faut l’admettre,il veut de l’éthique dans la politique.Les autres par leurs attitude face à ces déclarations,et leurs silence,qui voudrait dire,c’est comme cela la politique,et ont continu .Et c’est en cela,que ce candidat Montebourg ce démarque des autres candidats,et cela ne leurs plais pas du tout,et sa les agaces.

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