François Baroin aboie, la crise passe

Philippe Cohen – Marianne
Ce 6 septembre 2011, François Baroin, le ministre de l’Economie, a prétendu sur Europe1 qu’il n’y avait pas de risque de récession en France et que nos banques étaient en excellente santé…. Comme le montre la descente aux enfers des valeurs bancaires à la Bourse, l’explosion des taux d’intérêt sur la dette grecque et diverses autres mauvaises nouvelles…

L’ampleur de la rechute boursière de lundi (Londres : – 3,58%, Francfort : – 5,28%, Milan : – 4,83%; Paris : – 4,73%) le démontre une nouvelle fois : les plans de rigueur adoptés en Europe et aux Etats-unis ne convainquent nullement les investisseurs, à moins qu’ils n’encouragent les spéculateurs à engranger de nouveaux bénéfices en jouant à la baisse ou à la hausse, via les CDS, les obligations d’état. A moins que les deux phénomènes agissent simultanément.

Comme d’habitude, les éternels avocats des rentiers et des vieux que sont devenus les experts et les journalistes économiques vont tirer la sonnette d’alarme : il faut diminuer encore plus la dépense publique, vendre les avoirs de l’état, etc.
Toutes solutions suicidaires. Pourquoi ?

1) Au-delà d’un certain niveau, la rigueur n’est plus politiquement gérable :

– en Italie, Berlusconi est en train de renoncer au mega-plan d’austérité de 45 milliards salué par des hourah cet été : après avoir annulé la taxe sur les riches, voilà que le Cavaliere renonce à la réforme des retraites, provoquant une admonestation de Jean-Claude Trichet, le patron de la Banque centrale européenne;

– en France même, où le plan d’austérité est plutôt « soft », les lobbies décrochent une à une les mesures Fillon : après la taxe sur les parcs d’attraction victime d’une raffarinade, voici que l’on songe à revenir sur l’impôt sur les plus-values immobilières réalisées sur des résidence secondaires, le lobby de l’immobilier faisant valoir sa contribution à la lutte contre le chômage et pour la croissance.

2) La rigueur nous entraîne vers une récession qui organise l’insolvabilité des états

L’exemple de la Grèce le montre amplement. Tout le monde sait depuis des mois que le pays ne pourra rembourser ses dettes, et ce d’autant moins qu’on lui impose une cure d’austérité qui le replonge dans la récession : avec – 5% en 2011, le déficit de la Grèce, qui devait être contenu à 16 milliards en 2011, en était déjà à 15 milliards en juin ! Il n’existe pas d’autre solution pour la Grèce que la sortie de l’euro pour retrouver un peu de compétitivité, dès lors que les institutions européennes refusent le défaut sur la dette.

François Baroin rappelait désespérément le mantra du gouvernement sur Europe 1 mardi matin : il n’y a pas de risque de récession en France, les banques françaises vont bien. Deux rodomontades. Malheureusement pour notre ministre de l’Economie, la croissance dans un seul pays n’existe pas dans les conditions de fonctionnement actuelles de l’économie nous rendent très dépendants de la conjoncture américaine et européenne. 

En ce qui concerne les banques, notre ministre est contredit par … son prédécesseur, Christine Lagarde. La nouvelle patronne du FMI a déclaré au Spiegel qu’il était nécessaire de recapitaliser les banques pour « résister aux risques liés à la crise de la dette et à la faible croissance ». Comme les états ont renoncé, après la crise de 2008, à imposer des règles de bonne gestion, au premier rang desquelles devrait figurer la séparation entre banque d’affaire et banque de dépôt, le doute subsiste sur la présence d’avoirs toxiques dans leurs bilans. A ces inquiétudes s’ajoute la décision d’Obama de permettre l’attaque en justice de 17 établissements bancaires, dont la Société Générale et la Deutsche Bank suspectés d’avoir vendu des produits liés aux subprimes.

Jusqu’à quand nos dirigeants continueront-ils à gagner du temps au lieu d’envisager de s’attaquer vraiment aux déséquilibres de l’économie mondiale, et à mettre fin aux dumpings sociaux, fiscaux et environnementaux qui faussent « la concurrence libre et loyale » dont ils se revendiquent pourtant ? Le projet – rigueur contre dette – est en train de devenir une fiction. Plus nous attendons pour purger les banques de leurs actifs toxiques et règlementer sérieusement leur profession, et imposer à la Chine un yuan plus élevé pour relancer la croissance, plus le réveil sera douloureux.

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