Europe : le fédéralisme, un plan B illusoire

Europe : le fédéralisme, un plan B illusoireFace à la crise de l’euro, certains en appellent au «fédéralisme budgétaire». Mais à quoi exactement cela fait-il référence, s’interroge Marie-Françoise Bechtel* pour qui ce plan B n’est qu’une illusion.

 

Crise de l’euro aidant, l’été se montre propice à une véritable fièvre de l’intégration européenne . Il ne se passe plus de jour qu’économistes, politiques, essayistes, journalistes n’en appellent au « fédéralisme » aujourd’hui devenu « budgétaire ». Ni le peu d’envie de l’Allemagne dont la réussite historique lui permet de se passer de l’Europe de Jean Monnet, ni la faible appétence des peuples pour les institutions de Bruxelles n’y font rien. Hors du « fédéralisme budgétaire », hors du « plus d’Europe » – Europe intégrée s’entend – il n’est point de salut.

 Qu’exprime au juste ce retour quasi obsessionnel vers l’intégration à la mode de la fin du siècle dernier , fondée sur l’idée que l’Europe sera fédérale ou ne sera pas ? Est-ce le fait du malade qui continue d’accorder sa confiance à une médecine dont il espère qu’elle finira par faire ses preuves ? L’entêtement  historique d’un européisme  doctrinal, identitaire, qui se saisit de la crise pour essayer de reprendre le pouvoir sur une conscience populaire dévoyée? Faut-il y voir une certaine paresse de l’esprit à inventer des solutions nouvelles, à s’adapter au réel ? Ou tout simplement le « fédéralisme budgétaire » n’a-t-il pas pour principal mérite de donner à penser que « plus d’Europe » c’est d’abord plus de discipline libérale ? Signe des temps, le respect du pacte de stabilité de 1998,  que les institutions bruxelloises  n’ont pu réaliser, ce sera aux Etats de l’assumer et ils devront le faire par une entente hors traité qui mettrait en place les moyens de la discipline budgétaire. Intégration, donc, mais pour un objectif approuvé par l’Allemagne. Les résultats de la rencontre du président français et de la chancelière allemande du mois d’août  le confirment d’ailleurs : même si le terme de « gouvernement économique » envoie un signal positif, son absence de contenu saute aux yeux.

 Tout cela au fond ressemble à s’y méprendre à un plan B. Là où les traités européens ont échoué, on inventerait des solutions par accord entre quelques pays membres. Mais ce plan B ne serait possible que s’il a pour visée exclusive la discipline financière ce qui ne saurait se faire que par la voie de l’intégration, autrement dit d’un pouvoir de contrainte supranational.

 Seraient donc a priori disqualifiée toute visée nouvelle qui passerait par le redressement économique de l’Europe, en vue même d’assurer l’équilibre futur des finances des pays de la zone euro . En d’autres termes , un plan B qui créerait enfin un gouvernement économique de la zone euro s’appuyant sur une BCE aux pouvoirs rénovés, tenue par un impératif de croissance et non de pure stabilité serait impossible en raison de son contenu même. Aucune volonté de cette nature, serait-celle de l’« Europe politique » parfois invoquée par le président de la République ne se discerne en effet aujourd’hui.

 Quant à la méthode, celle de la coopération interétatique, on comprend que dans la vision fédéraliste, c’est un mal nécessaire et que le recours ne s’en justifie que par la fin : davantage de discipline, davantage d’intégration. Toute autre fin serait condamnable. Ne lit-on pas ainsi sous la plume d’une députée européenne (Sylvie Goulard, Le Monde du 12 août) la docte considération selon laquelle la coopération entre Etats ne serait pas démocratique car leurs gouvernements ne disposeraient pas d’un mandat touchant les questions européennes ?

 En somme, un gouvernement démocratiquement élu ne pourrait engager à quoi que ce soit un peuple dont il procède, mais ce même gouvernement pourrait remettre ses pouvoirs à une instance « intégrée » que ces mêmes peuples n’auraient aucun moyen de contrôler…

La vraie question est au fond de savoir si le fédéralisme européen a encore un sens au 21ème siècle. C’est affaire de forme et c’est affaire de contenu. La forme juridique de l’Europe ne peut aller plus vite que l’histoire. Il est donc parfaitement vain de vouloir une Europe fédérale tant que n’existera pas un peuple européen, peuple qui fait aujourd’hui défaut comme l’ont constaté chacun à sa manière la Cour constitutionnelle de Karlsruhe et le Conseil constitutionnel français.

Quant au contenu, une Europe qui renoncerait à un minimum de politiques économiques communes – et, d’abord, compatibles – qui déciderait de condamner ses peuples à l’austérité, à la remorque d’une Allemagne qui ne voit pas à plus de dix ans : si tel est le visage au 21ème siècle d’une intégration qui semble garder pour nos élites tant d’accents enchanteurs, craignons ce que sera l’« avenir d’une illusion ». 
 
 
 
 
 

 

 
 
 
 
 
 

* a été directrice de l’ENA et
est vice-présidente du
Mouvement républicain et citoyen.

 

4 commentaires sur Europe : le fédéralisme, un plan B illusoire

  1. Le vrai gaullisme doit tout d’abord nettoyer devant sa porte ! détruire la françafrique qui sème la misère en Afrique depuis des années et des années !
    le vrai gaullisme ne doit pas coloniser des pays ! la cote d’ivoire, le gabon, le congo , la libye etc.. sinon arrêtons l’hypocrisie et la gargarisme creux !

    Sarko est la honte du gaullisme et de la démocratie ! en libye des milliers d’enfants carbonisé par nos ZERO soldats de la honte ! je suis français et je me soigne !

  2. Votre article décrit parfaitement la fuite en avant que font nos politiques à court d’idées. L’Europe fédérale est encore un objectif qui ne correspond pas aux réalités actuelles. Nos pays se sont encore éloignés les uns des autres et le ciment entre la France et l’Allemagne ne résiste que difficilement encore aux coups de boutoir de l’économie mondiale. Le déséquilibre commercial entre les deux pays induit des réactions différentes et les problèmes à plus long terme sont aussi différents, démographie pour l’un, immigration-intégration pour l’autre.

    Par contre la tendance à l’augmentation des pouvoirs de Bruxelles se fait de plus en plus jour. La taxe sur les opérations financières est soutenue par celle-ci pour obtenir des moyens financiers supplémentaires permettant d’accroître ses pouvoirs. La gouvernance européenne, faisant fi du contrôle des peuples, est en vue dans le cadre d’une gouvernance mondiale dont les exécuteurs seraient le G20 (réduit au G2) et l’ONU, manipulés ou commandités eux-mêmes par des puissances financières se considérant l’élite du monde.

    La disparition des états est un objectif que ces « élites » ont en vue. Les peuples n’ont que peu d’importance pour eux. On voit déjà que l’Europe des peuples se construit sans que les peuples se sentent européens. Ils perçoivent déjà que la machine européenne échappe à leur contrôle, que celle-ci décide seule de son avenir, de ses limites, de ses pouvoirs. Les sauvetages des pays, qui engagent l’argent des peuples, se décident sans eux mais avec la BCE et le FMI.

    Un plan B existe et n’est pas celui auquel on pense, il est pensé par d’autres qui n’apparaissent pas dans notre univers médiatique.

  3. Merci à M.F.BECHTEL pour son propos lucide.
    Que dire d’autres?
    Peut-être que tout cela est écrit depuis fort longtemps par un mouvement, l’union paneuropa (ou paneuropéenne) en lien historique étroit avec le Cercle pinay…dont une partie des membres, américains, ont occupé des postes très importants dans le domaine de la politique (notamment étrangère) et du renseignement.
    Peut être que la question des déficits et de l’endettement qui en est la somme, n’est que la conséquence d’une mécanique décrite dans le rapport Delors de 1989! Créer la monnaie unique sous contrôle d’une banque centrale indépendante du pouvoir politique (et donc hors contrôle démocratique), c’était admettre que les Etats ne maîtriseraient plus leur politique monétaire; sachant qu’en matière fiscale, les pays ne disposent de pratiquement aucune marge de manoeuvre pour des raisons tant juridique (le risque d’atteintes aux grands principes européens de libre circulation des biens et services notamment, de discrimination…etc) que technique (la pression fiscale), deux solutions (pouvant être combinées) s’offraient aux Etats pour maîtriser leurs déficits : abandonner tout idée de politique budgétaire d’investissements publics (contracyclique s’entend) ou/et réduire les dépenses publiques de fonctionnement; Maintenir le même niveau de dépense postulait d’avoir les mêmes niveaux de recettes fiscales : or, dans une économie ouverte, soumise à la compétitivité prix, les entreprises choisissent soit de délocaliser leur production, soit de diminuer leurs coût de production; dans tous les cas, ces politiques micro économiques se traduisent :
    – par une augmentation du chômage (tant à cause des entreprises que de l’Etat qui « dégraisse ») et donc du nombre de personnes à charge de l’Etat, soit un transfert du salariat privé vers l’indemnisation chômage, c’est à dire un accroissement des bénéficiaires et une réduction massive du nombre de cotisant;
    -par une diminution conscutive du montant des recettes de l’IR en raison de la baisse du nombre de salariés et de la diminution du niveau des salaires, la compétitivité prix supposant que les entreprises imposent à leur salariés (sauf à délocaliser) une baisse des salaires ou qu’elles définissent une politique salariale à la baisse pour leurs nouveaux salariés (pourtant plus qualifiés mais moins biens rémunérés et se voyant octroyer des postes subalternes)…
    -par une diminution de l’IS, soit parce que les entreprises disparaissent purement et simplement, soit parce qu’elles délocalisent, soit encore, parce que d’une manière suicidaire l’Etat multiplie les exonérations fiscales (cela étant aussi vrai pour les charges sociales) tout en instillant des systèmes de droit fiscal permettant de ne pas payer d’impôt (le cas de Total est symptomatique) …bref le montant des recettes fiscales lié aux sociétés diminu…
    -par une diminution de la consommation résultant tant de l’augmentation du chômage, que de la baisse généralisée du niveau des salaires, par un accroissement de l’épargne exprimant une inquiétude légitime sur l’avenir…épargne renforcée par la politique de l’euro fort qui suppose des taux d’intérêt élevés et la possibilité de placer ses capitaux n’importe ou…(libre circulation des capitaux oblige)….bref, le montant des recettes fiscales liées à la TVA diminuent;
    Pourquoi l’Allemagne est-t-elle moins affectée que d’autres pays par la monnaie unique?
    Parce que l’euro est la reprise de la politique allemande du deutchmarck : en clair, la politique monitaire (l’euro fort)appliquée à l’échelle de l’union européenne s’incrit dans la continuité de la politique monétaire allemande antérieure et que l’économie allemande a choisi de produire des biens dont le critère de choix par le consommateur « mondial » ne repose pas sur une compétitivité prix mais sur la qualité : en clair, si AUDI, Porsche, Mercédes, BMW, Krupps, Miele (etc) se portent bien et s’exportent très bien c’est parce que le prix n’est pas un facteur invalidant, voire même un facteur d’attraction aussi paradoxale que cela puisse paraître. Cela explique qu’en France, seuls les secteurs tournés vers le luxe (LVMH…) se portent bien… mais aussi que les autres secteurs sont en crise parce que nous ne sommes pas et ne seront pas compétitifs en terme de prix tant que nous n’aurons pas supprimé le SMIG!!! Tous ceux qui prônent la mondialisation et l’europe fédérale s’inscrivent dans la logique libérale conservatrice qui s’oppose à toute forme de régulation des marchés par l’Etat et à toute forme de redistribution et de progrès social : de fait, quelles que soient leurs étiquettes politiques affichées, ils appliqueront la même politique économique libérale et anti-social. L’objectif ultime, de la « paneuropa union » et du cercle Pinay, est l’émergence d’un Etat fédéral et la suppression des Etats nationaux; « la règle d’or » budgétaire sinscrit dans la logique déjà largement amorcée de la castration des Etats de leurs pouvoirs (ils n’ont de plus de politique monétaire, douanière, industrielle, fiscale…) afin d’en démontrer l’impuissance et d’en justifier leur suppression car selon le vieille adage « qui veut tuer son chein dit qu’il a la gale ».
    QUID BONO selon la vieille formule de CICERON? A qui cela profite t-il? A quelques grandes fortunes, c’est certain…mais aussi à un Etat étranger à cet ensemble qui aura ainsi réussi à soumettre la France en la neutralisant dans la « SA europe » dont elle a pris l’initiative de création, de croissance et enfin le contrôle définitif. L’OTAN étant son outil majeur de contrôle. Mais ESPERONS quand même. E.POURCEL

  4. Il est tout à fait exact de dire qu’il n’y aura pas d’Europe tant qu’il n’y aura pas un peuple européen.
    Et tous les politiques de l’UMPS peuvent , avec leurs complices et compères européens , construire une Europe contre les peuples en violant régulièrement la démocratie ,et en s’autocongratulant une fois les mauvais coups engagés , il n’est pas difficile de deviner qu’ils échoueront et que cette aventure se terminera mal.

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