Lettre à Michel Debré, Premier ministre

18 août 1961

Mon cher ami,

J’ai bien reçu et bien lu votre lettre du 13 août. Tant pour ce qui est des problèmes que vous évoquez qu’en ce qui concerne votre propre état d’esprit, je n’y ai rien trouvé qui m’ait surpris…

La situation économique … et l’ordre public

Ce que vous dites de notre situation économique et surtout financière est bien conforme à l’évidence. Ce qu’il y a à faire, maintenant (c’est-à-dire : tenir les prix, les salaires, les traitements, limiter les dépenses publiques, importer plus de main-d’œuvre, abaisser davantage encore les droits de douane, réformer de fond en comble notre système et nos circuits commerciaux), doit l’être avec rigueur. Le Plan, si l’on s’en sert et si on le brandit comme il faut, est là pour créer les obligations voulues et soutenir la psychologie nécessaire. D’autre part, il est indispensable d’imposer, beaucoup mieux que cela n’est fait, le respect de l’ordre public à l’égard de « l’action directe » qui ne peut être tolérée. Après les agitations syndicales, journalistiques et parlementaires que suscitent naturellement la fermeté et le refus, l’opinion dans sa masse est satisfaite qu’on ait tenu bon parce qu’elle sent fort bien que c’est là l’intérêt général.

L’armée et sa mission…

Quant à l’armée, dont l’état d’esprit nous chagrine, plutôt qu’il ne nous préoccupe, il n’y a rien d’autre à faire, ni rien de mieux, que de la commander. Elle a été engagée – certes pas par nous – dans des voies qui étaient des impasses : d’abord le maintien coûte que coûte en Indochine, ensuite l’illusion et la passion de « l’Algérie française ». À voir se dissiper ces mythes auxquels elle tenait tant, faute qu’aux moments voulus, c’est-à-dire en 1946 et en 1951, les pouvoirs publics aient fait ce qu’il fallait faire en Indochine et en Algérie, cette pauvre armée se trouve malheureuse. Le vrai remède consiste à la ramener à la défense « nationale », autrement dit à lui rendre la mission de sauvegarder notre territoire et notre peuple menacés et à lui donner l’armement et l’organisation qui conviennent. À présent qu’après d’inévitables secousses la résignation est venue par rapport aux billevesées, voici le moment de diriger catégoriquement l’armée vers sa destination normale, technique et psychologique.

L’affaire algérienne…

Mais, à ce point de vue comme à beaucoup d’autres, il faut nous dégager de l’affaire algérienne. C’est nécessaire, absolument. La question est qu’il existe quelque chose comme un gouvernement susceptible d’assumer l’Algérie dans des conditions acceptables pour nous (vie des Européens, Mers el-Kébir, pétrole et gaz du Sahara), moyennant notre aide économique et culturelle. Si le FLN, à la fin des fins, entre dans cette voie, ce sera certainement l’issue la plus pratique. En attendant qu’il s’y décide, tâchons que les élus désignent un comité provisoire. Si rien ne se produit d’aucun côté d’ici à la fin de l’année, regroupons les Français autour d’Alger et d’Oran, tenons provisoirement Saïda, promulguons notre statut des rapatriés, restons jusqu’à nouvel ordre au Sahara tels que nous y sommes, et ne nous occupons plus du reste.

La confiance en son Premier ministre…

Tout cela, qu’il faut accomplir dans une situation internationale dangereuse, implique un resserrement de l’action et de l’autorité publique autour de moi. Quels que soient mon âge et ma propre lassitude, je tiens cela pour indispensable. Comme je vous l’ai dit déjà, j’ai résolu de le faire. Comme je vous l’ai dit aussi, vous devez rester Premier ministre, bref mon bras droit. Prenez-en votre parti. C’est ainsi que nous devons marcher jusqu’à ce que l’actuelle tension générale ait abouti, soit à la détente, soit à la guerre. En tout cas, je n’envisage pas que vous quittiez votre poste avant la fin de la législature.

1 commentaire sur Lettre à Michel Debré, Premier ministre

  1. quand est-ce qu’un nouveau DE GAULE se lèvera
    Nous en avons tant besoin. Voir toute cette classe politique se (gaver) avec autant de mépris .Nous sommes à une période de tension qui ressemble de + en + à 1936.Si l ‘ europe explose socialement nous allons revenir à des évènements type 3eme guerre mondiale entre pays riches et pays pauvre certainement. Notre seul salut dans cette économie mondialisé est comme des pays du nord de l’europe l’on adopté la TVA sociale avec des adaptations et des modalités à inventre.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*