Politique extérieure de la France.

La politique extérieure d’un pays, bien plus que sa politique intérieure, comporte nécessairement une certaine continuité que lui imposent les données géographiques et historiques. Il n’est donc pas question, ici, de prendre systématiquement le contre-pied des positions qu’exprime M. Sarkozy dans une interview ( l’Express, 4 mai 2011)d’une telle exceptionnelle longueur, qu’on ne peut qu’y voir les prémices de la campagne présidentielle. M.Sarkozy, lui-même, ne crée pas ex nihilo la politique extérieure de la France et d’autres, avant lui avaient assumé, avec plus ou moins de bonheur, cette nécessaire et séculaire continuité.

Mais M. Sarkozy, comme tous ses prédécesseurs, y ajoute ses mots et, surtout, des silences.

Les mots de Nicolas Sarkozy

1/- Les mots qu’ajoute M. Sarkozy à notre tradition diplomatique peuvent entraîner parfois l’adhésion. Il n’est pas question, en effet, de tout critiquer par principe, surtout lorsque les mots sont adaptés aux situations événementielles de l’instant. Si M. Mitterrand avait mal évalué la portée des événements dénommés « chute du mur de Berlin », et mal géré ceux du Rwanda, M. Chirac, incapable de refuser la dramatisation voulue par Mme Albright de la crise post- yougoslave, ou les hypothèques du traité de Nice, M. Sarkozy – en dépit du grotesque épisode Alliot-Marie ,- se tire plutôt bien du « printemps arabe ». Les peuples arabes n’ont, finalement, de khalifat en mameloukat, d’Empire ottoman en colonisation, puis en régimes autoritaires, jamais connu de régime équivalent à nos républiques européennes. Aussi, les mots de M. Sarkozy, historiquement importants pour cette raison, doivent être approuvés lorsqu’il déclare qu’il faut combattre le terrorisme de manière frontale. Mais les actes ne sont pas au rendez-vous : la France est trop absente des luttes que mènent, au Sahel francophone, la Mauritanie, le Mali, le Niger contre les assassins d’AQMI, réfugiés dans l’Adrar d’où ils lancent leurs raids criminels contre les citoyens français et autres victimes innocentes Les mots de M. Sarkozy sont également excellents lorsqu’il indique qu’ « il faut soutenir de toutes nos forces l’émergence de la démocratie dans les pays arabes. » Mais les actes ont démenti longtemps ces trop nouvelles bonnes résolutions, tant la France a accordé les honneurs aux Assad, Moubarak, Ben Ali, Kadhafi ; sans oublier Boumédienne et Bouteflika. Les mots de M. Sarkozy sur les résolutions du Conseil de sécurité relatives à la Libye seraient sans nul doute à porter au crédit de la France si l’on ne se souvenait ni des victimes- dont des bébés français- du vol UTA 772 ni de la tente plantée par un chef de rezzou sur notre sol français. Que de lâchetés misérables et humiliantes avant la posture guerrière…

Et que penser de cette phrase cynique « tant que les peuples [arabes] ne se manifestaient pas, nous ne pouvions le faire à leur place » ? La France doit-elle attendre les massacres de masse de civils pour agir ? Pendant les enlèvements, tortures, assassinats les affaires doivent-elles continuer ?

Quant à la Syrie, là encore, les mots sont au rendez-vous : « … le comportement du régime est inacceptable… » « choquant … ». Mais les actes ? Non, M. Sarkozy ne regrette pas d’avoir tendu la main à la Syrie (traduire : le rejeton de la dynastie assassine El. Assad) « car il suffit de regarder une carte pour voir que la Syrie est un acteur majeur du Proche-Orient… ». S’il est exact que cette « real politik », a conduit à une amélioration de la situation au Liban, une fois de plus les actes trahissent les mots : « la main tendue se referme »… « Nous n’accepterons pas »… aussitôt tempérés par : « l’intervention militaire restera l’exception »… Voilà Assad informé qu’il peut faire couler des fleuves de sang, torturer, enlever, emprisonner et que la seule réaction de la France et de l’Occident sera que « nous allons agir pour l’adoption des sanctions les plus sévères. » ! Et c’est tout. Comment justifier l’intervention militaire en Libye et la passivité en Syrie ? Y aurait-il des massacres plus tolérables que d’autres ? Ou bien serait-ce que notre pays n’aurait plus une capacité militaire suffisante ? Ou que la Syrie n’a pas de pétrole ? Serait-ce que l’engagement imprudent en Afghanistan, sans aucune justification stratégique, a fait atteindre son plafond opérationnel à notre armée ? Fallait-il confier un rôle diplomatique à M. Lévy ? Quelle est la lisibilité de cette diplomatie-people : après Cecilia, Bernard-Henri… Parfois Jack, bientôt Zinedine ? Nagui ? Précision dérisoire et surréaliste : M. Lévy « n’est pas mon porte-parole et je me suis pas le sien ». On ne sait pas laquelle de ces précisions nous rassure le moins…

Et le conflit interminable Israël-Palestine ? Là encore beaucoup de mots. Trop de mots ? Des mots qui s’entrechoquent : « la France est sans ambiguïté contre la colonisation [des territoires] » mais « …cela n’a pas de sens de mettre son arrêt comme préalable à toute discussion » et encore « la question des frontières entre les deux (futurs) états est donc fondamentale ». Comprenne qui pourra. Si les mots sont télescopés, les actes ne le sont pas moins : Israël n’a guère confiance en la France. Mais faisons, pour l’instant, crédit à M. Sarkozy : chacun pourra vérifier en septembre 2011 si la France vote ou non, à l’ONU, la résolution reconnaissant un état palestinien.

Les silences de Nicolas Sarkozy

2/- Si les mots de M. Sarkozy sont démentis par ses actes, ses silences, eux, sont contredits par les faits et par la raison, notamment lorsqu’il aborde les questions européennes et l’économie internationale. « Plus le temps passe, plus je me sens engagé dans l’idéal européen ». « … La pérennité de notre modèle de société passe par le renforcement de l’Europe. » Tout est dit, et l’accélération de la machinerie qui détruit la France et l’Europe, programmée sur le mode « mais on ne change pas une formule qui perd ». Pourtant, la question européenne est abordée, au début du passage qui la concerne, de manière équilibrée. D’une part, il faudra intégrer un état en partie musulman (M. Sarkozy vise la Bosnie, mais il oublie le Kosovo, chef-d’œuvre des fautes de M. Kouchner, et l’Albanie).D’autre part « l’élargissement à la Turquie serait un contresens historique et géographique » ; on ne peut qu’approuver, mais avec une certaine appréhension, tant le mandat de M. Sarkozy aura, toujours et en tous domaines démontré le décalage entre les mots et les actes. Car il s’agit sans doute d’apprivoiser le lecteur pour lui administrer ce qui suit et qui constitue l’essentiel de notre irrémédiable et totale opposition à la politique menée depuis quatre ans (et, au-delà, depuis vingt ans) : l’Euro, Schengen, l’austérité.

2.1« Il faut poursuivre l’intégration économique de la zone euro. » La seule ‘’ raison ‘’ imaginable à cet absurde et coupable entêtement c’est que la droite (et la gauche, aussi d’ailleurs) ne veut pas admettre s’être lourdement trompée sur un sujet scientifique et technique majeur. Peut-être, aussi, M. Sarkozy n’a-t-il ni la compétence ou /ni le courage de poser la question : si nous ne ramenons pas l’euro à un niveau cambiaire proche du dollar (1=1), il faut en sortir et reconstruire avec l’Ecu une monnaie commune correspondant à la réalité et aux besoins de nos économies ; un Ecu qui serait perfectionné pour faciliter les échanges dans toute l’Europe des 27 et serait stabilisé grâce au Système monétaire européen (SME,et son système de ‘’cours pivots’’). De toute façon, en attendant la réplique inévitable (les mêmes causes, que le G20 ne veut pas changer, produiront les mêmes effets), de la crise de septembre 2008, les mouvements sociaux, puis politiques, qui affectent, et affecteront de plus en plus, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande etc.), chasseront les dirigeants (souvent socialistes) complices des souffrances infligées stupidement et inutilement à leurs peuples. La seule question, dès lors, est de savoir : quel pays sera le premier, quand, et combien le suivront, qui mettra fin à une chimère (l’Euro) dont les plus grands économistes (aussi différents que Friedman et Allais) dénonçaient, dès sa création,l’aberration et le danger, et dont, aujourd’hui, la quasi-totalité des économistes (indépendants) annoncent la fin prochaine ?

2.2 Schengen « Je crois en Schengen mais… » Le discours est flou : M. Sarkozy y croit, mais il ne veut pas « accepter tout le monde », « il faudra des règles d’immigration concertées » (mais nous les avons déjà !). Et un « développement économique partagé » (qu’est-ce à dire ?) et « si un pays européen ne peut garder ses frontières, la question de la suspension provisoire de Schengen doit être posée sans tabou ». C’est flou et c’est mou. De plus le Danemark vient de le faire (12/05/11) unilatéralement, privant M. Sarkozy de son effet. Une fois de plus les incantations … Sur une question aussi sérieuse que celle des mouvements de populations seule la sortie de Schengen et le retour des visas pour les non européens pourrait rétablir la confiance du peuple français. Et que l’on ne nous dise pas que c’est impossible. Au-dessus de tout traité, de toute règle de droit, il y a la souveraineté du peuple, un acquis des premières républiques. Les droits qui feraient échec au Droit doivent être corrigés. Ne reculons pas face aux prétendus anathèmes de « populisme » : le populisme, sauf s’il s’accompagnait de violence, d’injustice ou d’intolérance, n’est que le mot creux et méprisant inventé par les castes au pouvoir pour disqualifier ceux qui voudraient contester leurs erreurs. D’ailleurs, il suffit de savoir de qui (Alain Minc) vient la critique pour être fondé à l’ignorer. Selon ce personnage (lire sa biographie est édifiant) la limitation de l’immigration [même] légale serait un « thème dont l’inconscient rime avec protectionnisme, corporatisme, malthusianisme, le tout nimbé d’une once de xénophobie ». Sur ce point M. Sarkozy a, une fois de plus, des mots qui peuvent faire illusion : chômage des Français (15 % si l’on cumule les catégories A, B, C), chômage de 23 % pour les étrangers non communautaires « nous devons nous poser la question de l’immigration légale : c’est du bon sens ». Mais « se poser la question » est-ce y répondre avec courage, en ignorant le MEDEF, Minc, et le PS ? Au passage, après avoir cité, à bon escient, Lévi Strauss (« L’identité n’est pas une patho- logie »), M. Sarkozy se veut aussi, tout à la fois historien, sociologue, biologiste : « je n’ai jamais été pour l’immigration zéro, car les civilisations s’effondrent par la consanguinité et non par le melting-pot »… Mais M. Sarkozy confond : l’apport, l’échange culturel (et, pour Lévi Strauss, l’exogamie) sont indispensables ou fertiles ; la dilution anomique impériale, elle, provoque l’effondrement des civilisations. Ce fut le cas pour Rome, l’Autriche Hongrie, Attila, Gengis Khan, les Aztèques et les Incas, les Perses, les Omeyyades, la Sublime Porte, l’URSS… Alors que les peuples culturellement et socialement soudés (Arménie, Finlande, Grèce, Irlande, Israël, Lituanie, Pologne…) ont survécu. L’hétérogénéité excessive des Empires c’est la confusion, l’inefficacité, puis la disparition dans la poussière des siècles

2.3 C’est le silence, ou plus précisément l’omission, que M. Sarkozy utilise pour traiter du sujet financier et économique : l’austérité. Et c’est pour nous dire : « Je n’aime pas le mot austérité »… M. Sarkozy n’aime que certains mots, ceux qu’il manipule, mieux que ses actes.

Au lieu et place d’actes, il se contente d’accepter purement et simplement le diktat de la Commission européenne, du F.M.I, des agences de notation, et de Mme Merkel. Que la France soit surendettée, personne n’en doute. Que cela soit dangereux, non plus. Que les déficits budgétaires répétés soient à éviter, tout le monde le sait. Mais ce que ne sait pas M. Sarkozy et son aréopage, c’est qu’il y a deux façons de rétablir l’équilibre d’un budget : – La première, utilisée en 1930, avec les résultats que l’on sait, et que Keynes avait dénoncée, qui consiste à réduire les salaires du secteur public, le nombre de ses serviteurs, les pensions, les dépenses des services publics. C’est cette méthode, stupide et dangereuse, que l’on recommence à pratiquer : elle aggrave la crise économique et la transforme en drame social, puis politique : – La seconde façon consisterait à augmenter la production et l’emploi et donc par un effet mécanique, la masse imposable ; et, ainsi, à réduire rapidement les déficits et la dette. Seulement, pour mettre en œuvre cette méthode (la seule) il faudrait du courage politique et pas seulement des coups de menton : déprécier l’Euro ou le quitter s’il ne baisse pas, taxer ou contingenter à la marge les importations extra-communautaires lorsqu’elles menacent de faire disparaître des secteurs essentiels Et toute l’Europe suivrait. On voit bien, dès lors, que la politique économique est tributaire de la politique extérieure. Quant aux critères de Maastricht (critères de convergence avant l’entrée dans l’Euro, pacte de stabilité après,), ils sont stupides si on les applique comme un dogme comptable annuel. Toutes les politiques de relance supposent un déficit accepté, mais cantonné à quelques exercices, une inflation maîtrisée, et un retour à l’équilibre ultérieur, voire à l’excédent permettant de réduire les impôts, lorsque l’augmentation du PIB regonfle les caisses de l’état. Ni le G8 ni le G20 ne pourront rien y changer. Ces « clubs », issus de la mécanique perverse des institutions de Bretton Woods (B.M., F.M.I, O.M.C.), coupés du réel et de la raison, ne peuvent parvenir à des résultats vertueux. L’objectif est de faire croire que l’on va changer, améliorer le système tout en maintenant sa perversion absolue : le capitalisme spéculatif financier international. C’est une pathologie du libéralisme qui est, en fait, une vaste activité de fabrication de fausse monnaie qui se couvre du manteau d’un légalisme de circonstance. Il ne faut pas le corriger mais y mettre fin pour rémunérer, à nouveau, le travail de l’homme, et le capital placé dans la production utile au rendement sociétal.

Des inactions qui contredisent les paroles, répandues à tous vents. Les faits, la réalité, qui dénoncent les silences implicites et complices. Inactions, silences, escamotages, tout est imposé dans une démarche qui offense la raison et la connaissance : la démarche fédérale européenne qui prive les peuples de leur droit de choisir, la démarche mondialiste qui ruine l’économie et la solidarité nationale, la démarche atlantiste qui aligne la France sur les intérêts américains au détriment de l’intérêt national et de l’intérêt de nos amis et alliés, notamment en Afrique.

Car c’est, étonnamment, la première fois dans l’histoire de France que c’est ailleurs, et par d’autres que nous, que le bonheur ou le malheur de nos familles est décidé. C’est dire l’importance de la politique extérieure de la France, et de l’abîme qui se creuse entre notre peuple et ses dirigeants à cause de leur aveuglement sur les causes des terribles effets néfastes que nous endurons.

Henri Temple
Avocat et Délégué National DLR
à la politique extérieure


1 commentaire sur Politique extérieure de la France.

  1. Bernard FRAU // 14 juin 2011 à 16 h 46 min //

    Merci pour cet excellent article qui remet bien des choses à leur place. La question à la suite de ces, encore une fois très interressant écrits, reste la mise en oeuvre d’une plateforme politique, acceptable pour nos concitoyens et pour nos partenaires internationaux.
    Votre point de vue m’interresse.
    Bernard FRAU
    Délégué Général
    Humanisme-Ecologie-République
    06 63 24 00 66

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*