Ben Laden est mort, Al Qaïda bouge encore…

  • Régis Soubrouillard – Marianne

Exécuté dimanche par des commandos américains, la mort du terroriste le plus recherché de la planète ouvre des perspectives encourageantes en Afghanistan, et offre un boulevard politique à Obama dans sa course aux présidentielles de 2012. Mais ce serait faire preuve de beaucoup d’optimisme que d’affirmer que c’est un coup fatal porté au terrorisme. Depuis 2001, Al Qaïda a fait sa mue, s’est autonomisée, délocalisée et l’animal blessé est toujours dangereux.

 

 

Ben Laden est mort, Al Qaïda bouge encore...

L’ennemi public numéro 1 du monde occidental est mort ! Dans sa tradition hollywoodienne d’individualisation des menaces, le Pentagone a eu Ben Laden : l’Amérique a gagné contre le terrorisme ! C’est allé un peu vite en besogne.

La traque a été longue. Une chasse à l’homme de 10 ans. Plus ou moins intense selon les périodes. A désespérer. Fin 2009, Robert Gates, le secrétaire d’Etat à la défense américain, avouait à la chaine ABC n’avoir pas recueilli d’informations fiables « pour localiser » Ben Laden depuis des années.

A la question de savoir si le Pakistan faisait suffisamment le nécessaire pour capturer le criminel le plus recherché au monde, Gates répondait même, dépité « on ne sait pas où Oussama se trouve. Si on le savait, on serait aller le chercher ».

 La plupart des experts estimaient alors qu’il se terrait dans les zones tribales pakistanaises, même si certains pensaient qu’une grande ville pakistanaise pouvait être un meilleur refuge.

L’histoire a tranché, Ben Laden logeait plutôt dans les zones urbaines, dans la ville d’Abbottabad à quelques 50 kilomètres au nord d’Islamabad, au Pakistan.

C’est là qu’il a été tué dimanche : « Un ensemble vraiment unique près de huit fois plus vaste que les autres résidences du quartier, et entouré de  mesures de sécurité extraordinaires ». Des murs de 3,5 à 5,5 mètres de haut, surmontés de barbelés, et des murs internes aussi de protection. Autre détail, qui a confirmé à la CIA que cette résidence abritait bien des hôtes très particuliers : « La propriété vaut près de 1 million de dollars, mais elle n’a pas de connexion téléphone ou internet ». Ben Laden avait déjà été repéré, par le passé, dans les banlieues d’Islamabad ou Karachi.

 

Le raid live-tweeté par un « voisin »

Selon le New-York Times, c’est en septembre 2010 que la CIA a localisé le chef d’Al Qaïda et commencé à suivre cette piste de très près.  A la mi-mars que Obama préside plusieurs réunions du National Security Council afin d’envisager différentes options pour capturer ou tuer Ben Laden.

L’opération Ben laden est autorisée par le président le 29 avril dernier. Baptisée « 40 minutes », l’opération est lancée le 1er mai. Des hélicoptères des forces spéciales embarquant deux douzaines d’hommes sont impliqués. « Tout à coup, des tirs ont éclaté en provenance du sol. Il y a eu des échanges de tirs intenses et j’ai vu un hélicoptère chuter », raconte un habitant, qui a suivi toute la scène du toit de sa maison – et l’a racontée sur Twitter, sans savoir ce qui se passait précisément. Les forces spéciales posent le pied à terre et s’engouffrent dans la propriété. Des militaires pakistanais empêchent tout accès à la zone de combats. Dans son live-tweet, Sohaib Athar évoque aussi la présence d’un avion. « Les échanges de tirs ont duré entre quatre et cinq minutes ».

Devenu une star du web en quelques heures, son dernier tweet  après l’opération et le délire médiatique qui s’en suivra sera « Bin Laden is dead. I didn’t kill him. Please let me sleep now ».

Selon CBS, aucun service de renseignement d’un autre pays n’aurait été informé du déroulement de ce raid. Seul un « très petit groupe de personnes » à l’intérieur du gouvernement américain savait qu’il allait se passer.

Des perspectives encourageantes en Afghanistan, un boulevard politique pour Obama

Si elle pose de nombreuses questions, comporte d’importantes zones d’ombres et d’incertitudes, la mort d’Oussama ouvre aussi de nouvelles perspectives :

Un règlement de la question afghane: « En levant aujourd’hui l’hypothèque d’un retour des « Afghans arabes » en cas de retour au pouvoir des Talibans, la mort de Ben Laden ouvre la voie à une forme de règlement de la situation afghane. S’il n’y a plus le risque de voir revenir des « terroristes internationaux » dans le sillage des Talibans, rien n’interdit plus de les inviter à la table des négociations. C’est ce que souhaitent les Pakistanais qui ne veulent pas perdre la carte du contrôle pachtoun en Afghanistan » nous expliquait un expert du renseignement.
– Pour Obama, c’est à la fois un succès symbolique fort et la porte ouverte à un désengagement d’Afghanistan : « qu’ils se débrouillent entre eux maintenant que le risque international est « jugulé » » pour le dire crûment. Autant d’atouts majeurs pour l’équipe démocrate à six mois du début de la campagne des élections présidentielles américaines de 2012, qui semblent d’ores et déjà pliées !
– L ‘opération Ben Laden vient également récompenser un véritable changement stratégique : en désignant Al Qaïda comme l’ennemi permanent contre lequel il faut mener une croisade militaire, Bush n’a fait qu’alimenter « le vivier des volontaires », embarquant son pays dans des guerres interminables. Dès son arrivée au pouvoir, Obama a fait de la traque d’Oussama ben Laden une priorité alors que contrairement aux effets d’annonces, l’administration Bush a toujours tout fait pour qu’on se « hâte lentement » dans la traque à Ben Laden. Le terroriste était considéré comme très utile dans son rôle d’épouvantail international, alibi propice au déclenchement de tous les conflits.
En fait, Ben Laden est mort parce qu’il ne servait plus personne. Il a largement servi le Pakistan depuis les années 80 dans sa volonté de contrôler, maîtriser et rentabiliser les territoires afghans.
« Ben Laden les a servis en cela dans les années 80 et 90. Après 2001, ils ont revendu la Qaïda par appartements aux Américains. En revanche, aujourd’hui Ben Laden ne leur sert plus à rien dans la reconfiguration afghane et il est même devenu un obstacle. Donc, vendu aussi » analyse un expert du terrorisme.
Bref, la mort de Ben Laden surviendrait au moment où elle arrange tout le monde.
Faut-il s’en étonner ?

Les filiales d’Al Qaïda ont proliféré

Ben Laden exécuté, le terrorisme éradiqué? Loin s’en faut. Ben Laden était « mort » depuis longtemps et Al Qaïda a fait sa mue depuis le 11 septembre. Sur le fond, à part les calculs villageois sur la scène afghane, la mort de Ben Laden, qui n’a plus depuis longtemps aucune capacité opérationnelle, ne change pas grand chose en termes de menaces. Seule la symbolique de cette mort est très forte. Pour preuve aucun des terroristes « post 11 septembre » n’a eu de contact avec l’organisation.

Déjà en  juillet 2003, Richard Labévière, alors rédacteur en chef international de RFI, publiait Les dollars de la terreur, une enquête sur Al Qaïda, décortiquant les mutations géopolitiques du début du XXIe siècle.

Sa conclusion : Al Qaïda n’existe pas. En tout cas, pas en tant qu’organisation mondiale et centralisée. Il décrit alors un « ennemi mythologique », qu’il associe au concept deleuzien de « rhizomes » : « Le rhizome peut prendre des formes extrêmement diverses. Ces formes s’agencent selon des principes de connexion et d’hétérogénéité. A la différence des arbres ou de leurs racines, le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque. Il n’est pas fait d’unités mais de directions mouvantes. Il n’a pas de commencement ni de fin ».

Une signature, un drapeau mythique, un label que s’attribue les terroristes eux-mêmes, une vaste nébuleuse de réseaux qui à force de raccourcis médiatiques n’est devenue que l’appellation générique d’une violence intégriste mondialisée dont les Américains ne se débarrasseront pas de si tôt.  Avec ou sans Ben Laden…

Car aujourd‘hui les filiales ont proliféré, se sont délocalisées et autonomisées ( Aqda, dans la péninsule arabe; Aqmi, dans le Maghreb), Al Qaïda a su recruter dans ce que le monde du renseignement qualifie la « communauté du ressentiment  ». 

Si l’Occident fait un peu trop de tapage médiatique autour de cette « victoire », le risque d’énervement du côté des fondamentalistes est important et le risque de violences spontanées sera fortement accru. Il est « presque certain » que les terroristes vont tenter de venger Oussama Ben Laden, a d’ailleurs déjà prévenu Leon Panetta, le directeur de la CIA.

1 commentaire sur Ben Laden est mort, Al Qaïda bouge encore…

  1. Oui,le chef historique est mort .Mais les Yankes n’ont pas gagnés la guerre ,bien au contraire ! La Guerre , c’est une guerre à la fois ,Nationale ou Patriotique ,voire même religeuse ,c’est à dire islamique .Rien a voir avec cet homme .Les Talibans sont étrangers à l’histoire de ce tyran . Ils veulent instaurer un émirat à Kaboul ,à la mode du moyen-àgé .Non je vois pas comment la geurre va cesser .Il faut que l’OTAN et les USA le comprennent ?C’est pas la mort de Ben Laden ,qui va réssoudre le problême de ce pays .Mais le rétrait militaire des USA et l’OTAN ça oui !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*