Compiègne: Eric Woerth et Philippe Marini bientôt interrogés par la Cour de justice

 

woerth-main-tete1Les élus (UMP) de l’Oise Eric Woerth et Philippe Marini vont prochainement être entendus par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR), selon des informations obtenues par Mediapart. Les trois hauts magistrats qui composent cette commission d’instruction sont, depuis le 13 janvier, chargés d’enquêter sur la cession controversée par l’Etat de l’hippodrome du Putois, à Compiègne. Une vente de gré à gré finalisée en mars 2010, alors qu’Eric Woerth était ministre du budget. Passant outre l’avis des services de l’agriculture, Eric Woerth avait insisté pour céder en urgence quelque 67 hectares de forêt comprenant un golf très chic et un hippodrome, le tout près du château de Compiègne, pour la somme très modique de 2,5 millions d’euros.

La Cour de justice s’est fait remettre ces dernières semaines par François Baroin, le successeur d’Eric Woerth au budget, toute une série de mails ayant trait à cette cession. Y figurent notamment des échanges entre le cabinet d’Eric Woerth et celui du ministre de l’agriculture, Bruno Le Maire, entre décembre 2009 et mars 2010. Selon des sources proches du dossier, ces courriers électroniques attestent la forte détermination d’Eric Woerth à faire réaliser cette cession, malgré les réticences tout aussi fortes du ministère de l’agriculture et de l’Office national des forêts (ONF), qui s’y étaient opposés à plusieurs reprises les années précédentes.

Ainsi, à l’un des mails du ministère de l’agriculture faisant état de craintes d’ordre juridique quant à une possible annulation de la vente, le cabinet d’Eric Woerth aurait répondu – en substance – que cette cession devait se faire de toute façon, et qu’il n’était pas envisageable de mécontenter le sénateur maire de Compiègne Philippe Marini. Ce qui rend l’audition de ce dernier inévitable, selon ces mêmes sources.

Parmi les autres curiosités du dossier instruit par la CJR: l’absence de compte-rendu après une réunion interministérielle sur cet épineux dossier, et une lettre d’Eric Woerth félicitant l’acquéreur des terrains (jusqu’ici locataire), le président de la Société des courses de Compiègne, avant même que la transaction ne soit effective.

Déjà une quinzaine d’auditions discrètes

Selon des informations obtenues par Mediapart, la commission d’instruction de la CJR a déjà procédé, ces dernières semaines, à une quinzaine d’auditions de témoins: des hauts fonctionnaires du Budget et de l’Agriculture, pour la plupart, ainsi que des responsables de France Domaines, la structure étatique chargée par le ministre du budget d’évaluer le montant du terrain de Compiègne puis de le vendre. Cédric de Lestrange, ancien conseiller d’Eric Woerth chargé de l’immobilier de l’Etat, a lui aussi été interrogé par la CJR.

marinisenatLe président de la Société des courses de Compiègne, Antoine Gilibert, devrait lui aussi être bientôt interrogé par les magistrats de la CJR. Ce proche de Philippe Marini, qui occupe un rôle éminent dans le monde des courses, sous-loue l’hippodrome de Compiègne à France Galop. Les villes de Chantilly et de Compiègne ayant des intérêts importants dans l’univers hippique, la CJR a chargé les policiers de la brigade financière d’enquêter à la fois sur les liens existant entre Eric Woerth (maire de Chantilly), Philippe Marini (maire de Compiègne) et leurs épouses, l’une et l’autre très investies dans ce secteur, ainsi que leurs liens éventuels avec la Société des courses de Compiègne et le mastodonte France Galop.

Par ailleurs, trois experts agréés doivent prochainement rendre leur rapport à la CJR. Leur mission est de dire s’il est normal ou pas que la cession des 67 hectares ait été effectuée de gré à gré, c’est-à-dire sans appel à la concurrence, et sans même qu’ait été effectuée auparavant une estimation indépendante de la valeur de ces biens. Au passage, les experts désignés par la CJR devraient donner leur propre estimation de ce bien.

Magistrats de la CJR, experts et policiers se sont rendus sur place le 30 mars, lors d’un transport de justice inédit, provoquant une certaine surprise parmi la clientèle très huppée du golf de Compiègne. Les responsables de la Société des courses de Compiègne, dont Antoine Gilibert, étaient présents lors de cette visite et ont pu fournir leurs premières explications aux enquêteurs.

Une Cour de justice très à la mode

Pourquoi cette vente a-t-elle eu lieu ? A-t-elle été réalisée dans des conditions légales? Le prix de vente a-t-il été sous-estimé ? Ce sont les trois grandes questions au cœur d’une enquête qui avance à grands pas. Eric Woerth, en ce qui le concerne, est directement visé par l’instruction de la CJR pour «prise illégale d’intérêts». Il est soupçonné d’avoir fait une fleur à l’influent Philippe Marini – rapporteur de la commission des finances du Sénat, et poids lourd de l’UMP dans l’Oise –, au détriment de l’Etat et du contribuable, et ce bien qu’il s’en défende farouchement. L’ancien ministre du budget devrait être entendu dans les semaines à venir, soit en tant que témoin assisté ou sous le statut de mis en examen, selon des sources informées.

La CJR est la seule juridiction habilitée à instruire et à réprimer les délits commis par des ministres dans l’exercice de leurs fonctions. Mais elle n’est pas la seule à s’intéresser au dossier de Compiègne: parallèlement, deux juges d’instruction du pôle financier de Paris instruisent, pour leur part, le volet non ministériel de cette affaire, et pourraient procéder, à terme, à d’autres mises en examen. De son côté, la sénatrice (PS) Nicole Bricq a rendu le 2 mars à ses collègues un rapport d’information très critique sur cette cession (lire ici).

Autre affaire, autre ministre. La commission des requêtes de la Cour de justice de la République pourrait être saisie du cas de Christine Lagarde dans l’affaire – scandaleuse – des 390 millions d’euros versés à Bernard Tapie. Sollicité par plusieurs députés PS, qui demandent des poursuites pour «abus d’autorité» contre la ministre de l’économie, le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, devrait faire connaître sa décision avant la fin du mois de mai. De son côté, le procureur général de la Cour des comptes devrait, d’ici là, dire s’il saisit ou non la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF).

La Cour de justice est décidément très sollicitée ces temps-ci. SOS-Racisme a déposé le 21 avril une plainte contre le ministre de l’intérieur Claude Guéant pour «incitation à la discrimination raciale» devant la commission des requêtes de la CJR. Cette plainte vise les propos tenus le 4 avril par le ministre de l’intérieur qui, parlant des musulmans, a déclaré: «C’est vrai que l’accroissement du nombre des fidèles de cette religion et un certain nombre de comportements posent problème

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