Libye : « Bien joué »…

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Pour la première fois, la Russie et la Chine n’ont pas opposé leur veto à une résolution fondée sur la responsabilité de protéger, souligne l’an-cien ministre des Affaires étrangères.

Vous avez expliqué ce matin à Libération que vous apportez votre soutien à l’intervention militaire en Libye. Quels doivent être les buts de cette intervention ?

Ce doit être la mise en œuvre d’un principe adopté par l’Onu il y a quelques années sous la direction de Kofi Annan, c’est la responsabilité de protéger: un concept sur lequel les membres de l’Onu s’étaient mis d’accord afin de mettre fin au débat sensible sur le droit d’ingérence. Il fallait déplacer l’approche pour qu’il n’y ait pas certains pays, toujours les mêmes, qui gardent le droit de s’ingérer dans leur sphère d’influence coloniale. Ce concept très important n’avait jamais été clairement concrétisé.

Il me semble qu’il y avait une exception libyenne et que nous ne pouvions pas rester impuissants. Simplement, il fallait remplir certaines conditions et la diplomatie française a bien joué, je n’hésite pas à le dire. Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ont, avec le Premier ministre britannique David Cameron, bien joué dans cette affaire. Le vote de cette résolution 1973 est un vote très important et qui sera même historique dans les relations internationales.

Vous étiez ministre des Affaires étrangères lors des frappes aériennes contre la Serbie. Y a-t-il des similitudes avec l’intervention qui se prépare contre la Libye?

– Il n’y a jamais deux situations entièrement comparables. Dans l’affaire du Kosovo, il y avait des exactions serbes auxquelles nous devions mettre un terme. Il y a eu un travail diplomatique énorme, sur la durée, de la part des membres de ce qu’on appelait le groupe de contact, ainsi qu’une tentative de la dernière chance à la conférence de Rambouillet, que j’avais organisée avec le ministre britannique de l’époque, pour donner une chance à Milosevic de comprendre qu’il devait changer fondamentalement sa politique. Cela n’avait pas abouti. Nous étions arrivés, désolés, à la conclusion que nous n’avions plus d’autre moyen que d’employer la force, donc d’utiliser l’Otan – ce n’est pas l’Otan qui a décidé de quoi que ce soit, mais nous, les ministres des pays importants. Sans les Russes, parce qu’à l’époque la Russie n’avait pas la position qu’elle vient d’avoir sur la Libye. La Russie aurait menacé d’un veto si on était passé par le Conseil de sécurité

Donc nous avions dû nous résigner à intervenir sur une base un peu plus fragile que la base actuelle. Il y avait deux résolutions du Conseil de sécurité qui condamnaient les exactions serbes, mais elles ne disaient pas qu’il fallait intervenir par tous les moyens. Donc il n’y avait pas les formules consacrées pour le recours à la force. Mais il y avait quand même deux résolutions, il y avait l’unanimité des pays voisins, donc finalement nous avons mené l’opération que l’on sait.

Cette opération est comparable avec la Libye par certains points, mais pas entièrement. La résolution récente est plus nette. Et ce qui est extraordinairement frappant à propos de cette résolution -et c’est pour cela que je dis qu’elle est historique- c’est que les Russes et les Chinois n’ont pas mis de veto. Alors que d’habitude, ils mettent toujours le veto lorsqu’il y a des actions qui peuvent un jour se retourner contre eux. C’est un vrai succès de la diplomatie française.

Comment l’expliquez-vous ?

– Je l’explique par le fait que dans le monde actuel, cela devient politiquement coûteux, même pour la Chine, même pour la Russie, de s’opposer frontalement à des actions de ce type, aussi évidement légitimes, pour défendre un régime indéfendable. Il y a une évolution. Peut-être qu’il y a aussi eu des négociations bilatérales habiles entre la France et la Russie, entre la France et la Chine, portant sur d’autres sujets. La France a également obtenu le vote de l’Afrique du Sud, c’est très important et cela a entrainé d’autres votes. Il y a eu un travail très remarquable. Ce qui est regrettable, c’est que l’Allemagne ait campé sur sa position et se soit abstenue au lieu de soutenir le travail de la France et de la Grande-Bretagne.

Le vote du Conseil de sécurité n’aurait pas pu avoir lieu si la Ligue arabe n’avait pas adopté une position courageuse, sous l’impulsion de son secrétaire général Amr Moussa, c’est-à-dire si les Arabes n’avaient pas lâché Kadhafi. S’ils avaient conservé l’attitude ancienne de se solidariser avec les chefs d’Etat, quoi qu’ils fassent, cela n’aurait pas pu aboutir. Et les Russes et les Chinois n’auraient pas suivi.

Les acteurs de l’intervention militaire ne sont pas encore connus précisément, mais il semble qu’il ne s’agira pas seulement d’occidentaux. S’agit-il là aussi d’un tournant ?

– On ne sait pas à l’avance qui peut participer à une intervention car l’Onu n’est pas une organisation militaire. L’Onu donne le droit de, demande que. La mise en œuvre dépend de qui est capable. Si Kadhafi ne s’arrête pas aussitôt, il y aura une intervention des Français, des Britanniques, des Américains, on parle aussi d’un ou deux pays arabes, on a cité le Canada. Ce ne sont pas uniquement les Occidentaux et pas dans le cadre de l’Otan.

En tout cas, il est clair que le projet de résolution a été adopté parce qu’il écarte absolument toute intervention au sol. Donc ce n’est pas une nouvelle guerre, il n’y aura pas d’engrenage. Et tous ces éléments ont permis que se forme un consensus. C’est très important pour la suite des événements dans le monde arabe, car si on était resté impuissant face à la répression par Kadhafi, les démocrates arabes auraient été désespérés.

Est-ce bien certain qu’il n’y aura pas d’engrenage au sol ?

– C’est strictement écarté par la résolution. Et personne ne le veut. De plus, le consensus entre les pays qui ont adopté la résolution et les pays arabes qui ont souhaité l’intervention serait brisé. L’intervention, si elle doit avoir lieu, va dissuader Kadhafi d’écraser la rébellion. Après c’est l’affaire des Libyens. Et plus généralement, ce qui se passe dans les pays arabes, c’est l’affaire des pays arabes.

Interview d’Hubert Védrine par Baptiste Legrand (Nouvel’Obs)

4 commentaires sur Libye : « Bien joué »…

  1. Je pense que l’ex-ministre socialiste ne comprend rien ,à la souffrance des peuples en geurre .Il a été chouchouetté par l’or ,la pompe ,la soie des palais .Il n’a jamais connu ce genre de chose .Il confond beaucoup .La Serbie et la Libye Il y a un pays en Europe ,et de religion chrètienne ,l’autre pays est arabe et islamique . Ils sont à la solde des .U.S.A .Car chez eux ils sont beaucoup autoritaire et totalitaire .Il faut que tout le monde marche au bâton ,comme aux Etats-Unis .Les U.S.A divisent Berlin , Londres ,Rome contre nous .Pour mieux reduire notre influence dans le monde ,dans tous les domaines .Les socialistes ,les communistes ,les radicaux de gauche ,les verts ,les umpéistes (sarkozistes ,libéraux ,centristes) sont les valets ou domestiques des Etats-Unis .Eux défendent leurs propres intérêts ,nous on n’a pas le droit .Je refuse de laisser faire ça .Nous avons des propres devoirs nationaux dans le monde ,a mettre en valeur ,il faut le leurs montrer de quoi ,nous sommes capables ,et que nous laisserons pas intimider par eux .Nous avons des relations amicaux et solidaires ,de nos frères Serbes ,et de nos amis Libyens .A nous de le leurs faire savoir et comprendre surtout .Gaullistes de droite ,comme de gauche ,levez-vous ,quand il est grand temps ,de remettre les pendules à l’heure !

  2. Gilles Le Dorner // 22 mars 2011 à 23 h 58 min //

    Bien joué ? NON merci . Briser la spirale . De l’ engrenage et des bourbiers . Mémoire de l’ Irak . Fides et ratio, de Jean-Paul II et d’autres , appelez la d’Assise et gardez la sagesse , et puisque c’est Carème , aussi : La Trêve .

  3. Bellenger // 22 mars 2011 à 10 h 58 min //

    Je ne suis pas anglais, mais leur locution me botte : « Wait and see ! »

    Nous voulons donner des leçons aux autres, mais nous oublions de balayer devant notre porte. Notre gouvernance est tellement malade, que notre démocratie va à vau l’eau : 55% d’abstentions au dernier vote. Mieux encore, la Belgique est sans gouvernement depuis des mois, et ça ne se voit pas. Il est vrai que tous nous avons donné le pouvoir à la finance par le traité de Maastricht. C’est elle qui gouverne, et non pas nos hommes politiques. Gouverner, pour eux, c’est faire ce que demande l’oligarchie financière ! Je croyais que pour un gaulliste, la politique de la France ne se fait pas à la corbeille.

  4. GAUCHERAND Claude // 22 mars 2011 à 10 h 13 min //

    Quand le masque tombe !
    Celui qui appelle Madame Allbright par son prénom – vous savez, l’humaniste « démocrate » américaine » qui trouvait que 500 000 enfants irakiens sacrifiés , c’était surement beaucoup mais que c’était le prix à payer…. — ce diplomate qui voit dans la guerre la façon de continuer à faire de la politique par d’autres moyens qui n’ont plus rien à voir avec la diplomatie, cet habitué des ors et des pompes de l’État qui ne sait surement rien de se qui s’appelle la guerre, vient nous dire sa satisfaction à propos de l’intervention en Libye en faisant référence à ce qui s’est passé avec l’ex-Yougoslavie et la Serbie, sans mentionner bien sûr les mensonges de propagande qui ont préalablement formaté les opinions publiques. Comme en Irak, comme en Afghanistan, comme partout dés lors que les intérêts pétroliers anglo-saxons sont en cause.

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