A Harold Macmillan

25 avril 1959

Mon cher ami,

Je vous remercie très sincèrement de m’avoir fait connaître l’essentiel du message que Khrouchtchev vous a adressé. Cette communication contribue à nous éclairer, moi-même et mon gouvernement, sur les réalités de la situation.

J’observe tout d’abord que Khrouchtchev, dans ce document, ne parle pas de l’Allemagne et spécialement pas de Berlin. Son souci principal et inavoué paraît être de faire ressortir des différences entre la position des États-Unis et celle de leurs alliés, en particulier de la Grande-Bretagne, pour ce qui concerne les intentions soi-disant belliqueuses, les possibilités militaires et les risques des uns et des autres. Il insiste sur la Conférence au sommet et sur des conférences subséquentes, laissant voir qu’il vise surtout à manœuvrer entre les Occidentaux, afin de les diviser et d’alimenter sa propagande, plutôt qu’à résoudre par la négociation des questions bien définies.

Laissez-moi vous dire que, pour ma part, je considère avec une certaine sérénité cette affaire et ses éventuels développements. En tout cas, quelles que puissent être les différences d’appréciation entre les trois Occidentaux par suite des conditions dans lesquelles ils sont respectivement placés, je crois que la meilleure chance que nous ayons d’amener la Russie à un accommodement et, un jour peut-être, à une coopération, c’est d’établir, de maintenir et de démontrer notre entente bien déterminée.

Au surplus, mon impression est que nous n’avons aucune raison de nous laisser intimider. Tout indique que si la réalité intérieure soviétique, les rapports en profondeur des Soviets avec leurs satellites, le facteur chinois, et même les désirs et le tempérament de Khrouchtchev, l’amènent à prendre sans cesse l’initiative de menées internationales spectaculaires, les mêmes raisons lui interdisent de dépasser certaines limites.

Il faudrait, à mon avis, que l’Occident fût capable de choisir un terrain nouveau pour reprendre l’initiative. Ce terrain pourrait être la proposition d’organiser, en coopération avec la Russie, une action économique commune en faveur des pays sous-développés dans des secteurs du globe considérés tour à tour. Il y aurait là, sans doute, de quoi susciter un intérêt mondial et, d’autre part, les Soviets pourraient assez difficilement refuser de s’y prêter.

Bien cordialement à vous.

Charles de Gaulle

1 commentaire sur A Harold Macmillan

  1. ah, on est loin , du français à 300 mots du locataire actuel de l’Elysée

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