Tunisie, Egypte, Libye, où est passée la voix de la France ?

  • Par Jack Dion – Marianne

Sarko Kadhafi La diplomatie française… en pleine crise. Il est loin le temps où Jacques Chirac refusait de participer à la guerre en Irak. Jack Dion évoque la « rupture » chère à Nicolas Sarkozy, cite les vacances de MAM en Tunisie qui ont suscité la polémique, les débuts délicats du nouvel ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon. Des exemples… qui montrent que l’Élysée a perdu tout crédit en Afrique du Nord…

Il fut un temps où la voix de la France dans le monde était respectée et écoutée. C’était l’héritage de la révolution de 1789, du message universaliste des droits de l’homme, de la Résistance et de la volonté gaullienne d’échapper à la main mise américaine.
Tout le monde a encore en mémoire le refus de Jacques Chirac d’avaliser la guère d’Irak et le discours de Dominique de Villepin à l’ONU, démontant pièce à pièce la rhétorique américaine justifiant l’invasion américaine. A l’époque, un certain Nicolas Sarkozy critiquait de telles initiatives, où il voyait le risque d’une France isolée et affaiblie. Il préparait déjà ce qu’il appellera la « rupture ».
En fait de « rupture », on a eu droit au retour de la France dans le giron de l’Otan et la mise en œuvre d’une realpolitik qui a conduit à oublier tous les principes naguère prônés, notamment en matière de défense des droits de l’homme. C’est comme çà que la France a raté le train de la révolution arabe, au point de se retrouver à courir derrière le wagon de queue afin de ne pas être définitivement largué par l’Histoire.
On ne rappellera pas ici l’affaire MAM qui vaut à la ministre des Affaires étrangères un voyage au Brésil au moment même où la France effectue son premier voyage officiel dans la Tunisie post-Ben Ali. C’est Christine Lagarde qui a pris le relais d’une ministre politiquement et diplomatiquement dévaluée, désormais invitée à aller se faire voir ailleurs dès qu’il est question du Maghreb. Pourtant, l’un des actes premiers de la Sarkozie fut de lancer l’Union Pour la Méditerranée, projet depuis longtemps enterré, et qui  avait été parrainé par des personnages aussi respectables que Ben Ali et Moubarak.
On n’évoquera que pour la petite histoire le nom de Patrick Ollier, monsieur MAM dans la vie civile, ministre des relations avec le parlement à ses heures perdues. Lui aussi est mouillé jusqu’au cou dans le business tunisien de la famille Alliot-Marie. Par ailleurs,  comme ex président du groupe d’amitié France-Libye, Patrick Ollier s’est largement compromis en multipliant les éloges de Kadhafi, ce démocrate bien connu.
L’actuel ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon, celui qui pose en slip de bain et fait la leçon aux journalistes osant le questionner, est aussi un ancien fan de Kadhafi. En novembre dernier, il déclarait sur Canal + : « Kadhafi a été un terroriste, il ne l’est plus, il a fait son autocritique. Il ne faut pas laisser cours aux clichés. Dans la vie, on fait tous des erreurs et on a droit au rachat. »
Néoconservateur d’opérette, Boris Boillon, lui, a toujours été un chaud partisan de la guerre d’Irak, et il n’a jamais fait son autocritique. Cela ne l’a pas empêché de se retrouver en poste à Tunis, où il donne une image de la France qui marquera les livres d’histoire dans la rubrique scandale.
Sarko boy et fier de l’être, Boris Boillon est à l’image de son maître qui a reçu Kadhafi à Paris en lui déroulant le tapis rouge toute honte bue, sous prétexte de faire des affaires. Certes, il n’est jamais facile de marier la diplomatie et les grands principes. Mais au moins peut-on essayer de ne pas échanger la liberté et la démocratie contre un plat de lentilles.
C’est ce qu’a fait Sarkozy, et c’est ce qui vaut à l’Élysée d’avoir perdu une grande partie de son crédit en Afrique du Nord. Certains argueront que ce n’est pas vrai seulement dans cette région du monde, et que le président du G20 est devenu sa propre caricature. C’est vrai mais ce n’est rassurant pour personne, sauf pour les amateurs de spectacle.

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