La politique extérieure critiquée par des diplomates

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Si les diplomates s’exprimant dans Le Monde accusent «les politiques» en général, c’est notamment Nicolas Sarkozy, ici avec sa ministre des Affaires étrangères, qu’ils attaquent.

Dans une tribune au Monde (voir texte ci-après), un groupe de diplomates s’exprimant anonymement déplore la perte d’influence de la France, résultat selon eux d’une politique menée «sous le signe de l’improvisation» par le président de la République.

Leur diagnostic est clair : l’influence de la France dans le monde est en recul. «À l’encontre des annonces claironnées depuis trois ans, l’Europe est impuissante, l’Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore !», expliquent ces diplomates. «La voix de la France a disparu dans le monde. Notre suivisme à l’égard des Etats-Unis déroute beaucoup de nos partenaires», poursuivent-ils. Une référence au retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan, en 2009. Voulu par Nicolas Sarkozy, ce retour avait à l’époque été critiqué par plusieurs voix de droite comme de gauche comme une atteinte à l’indépendance de la France.

Tunisie, Egypte, Lybie, Mexique… sont autant d’actualités mondiales qui démontrent le déclin de la politique extérieure de la France. Nicolas Sarkozy se positionne sur un axe de rupture avec la politique du général de Gaulle. Le dernier acte d’indépendance remonte à 2003 lorsque Dominique de Villepin a donné la position de la France sur ce qu’allait devenir la guerre d’Irak.

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« On ne s’improvise pas diplomate »

22.02.11 – Un groupe de diplomates français de générations différentes, certains actifs, d’autres à la retraite, et d’obédiences politiques variées, a décidé de livrer son analyse critique de la politique extérieure de la France sous Nicolas Sarkozy. En choisissant l’anonymat, ils ont imité le groupe Surcouf émanant des milieux militaires, dénonçant lui aussi certains choix du chef de l’Etat. Le pseudonyme collectif qu’ils ont choisi est « Marly » – du nom du café où ils se sont réunis la première fois. Ceci est leur premier texte public.

 

La manœuvre ne trompe plus personne : quand les événements sont contrariants pour les mises en scène présidentielles, les corps d’Etat sont alors désignés comme responsables.

Or, en matière diplomatique, que de contrariétés pour les autorités politiques ! A l’encontre des annonces claironnées depuis trois ans, l’Europe est impuissante, l’Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore ! Dans le même temps, nos avions Rafale et notre industrie nucléaire, loin des triomphes annoncés, restent sur l’étagère. Plus grave, la voix de la France a disparu dans le monde. Notre suivisme à l’égard des Etats-Unis déroute beaucoup de nos partenaires.

Pendant la guerre froide, nous étions dans le camp occidental, mais nous pesions sur la position des deux camps par une attitude originale. Aujourd’hui, ralliés aux Etats-Unis comme l’a manifesté notre retour dans l’OTAN, nous n’intéressons plus grand monde car nous avons perdu notre visibilité et notre capacité de manœuvre diplomatique. Cette perte d’influence n’est pas imputable aux diplomates mais aux options choisies par les politiques.

Il est clair que le président n’apprécie guère les administrations de l’Etat qu’il accable d’un mépris ostensible et qu’il cherche à rendre responsables des déboires de sa politique. C’est ainsi que les diplomates sont désignés comme responsables des déconvenues de notre politique extérieure. Ils récusent le procès qui leur est fait. La politique suivie à l’égard de la Tunisie ou de l’Egypte a été définie à la présidence de la République sans tenir compte des analyses de nos ambassades. C’est elle qui a choisi MM. Ben Ali et Moubarak comme « piliers sud » de la Méditerranée.

Un WikiLeaks à la française permettrait de vérifier que les diplomates français ont rédigé, comme leurs collègues américains, des textes aussi critiques que sans concessions. Or, à l’écoute des diplomates, bien des erreurs auraient pu être évitées, imputables à l’amateurisme, à l’impulsivité et aux préoccupations médiatiques à court terme.

Impulsivité ? L’Union pour la Méditerranée, lancée sans préparation malgré les mises en garde du Quai d’Orsay qui souhaitait modifier l’objectif et la méthode, est sinistrée.

Amateurisme ? En confiant au ministère de l’écologie la préparation de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, nous avons abouti à l’impuissance de la France et de l’Europe et à un échec cuisant.

Préoccupations médiatiques ? La tension actuelle avec le Mexique résulte de l’exposition publique d’un dossier qui, par sa nature, devait être traité dans la discrétion.

Manque de cohérence ? Notre politique au Moyen-Orient est devenue illisible, s’enferre dans des impasses et renforce les cartes de la Syrie. Dans le même temps, nos priorités évidentes sont délaissées. Il en est ainsi de l’Afrique francophone, négligée politiquement et désormais sevrée de toute aide bilatérale.

Notre politique étrangère est placée sous le signe de l’improvisation et d’impulsions successives, qui s’expliquent souvent par des considérations de politique intérieure. Qu’on ne s’étonne pas de nos échecs. Nous sommes à l’heure où des préfets se piquent de diplomatie, où les « plumes » conçoivent de grands desseins, où les réseaux représentant des intérêts privés et les visiteurs du soir sont omniprésents et écoutés.

Il n’est que temps de réagir. Nous devons retrouver une politique étrangère fondée sur la cohérence, l’efficacité et la discrétion.

Les diplomates français n’ont qu’un souhait : être au service d’une politique réfléchie et stable. Au-delà des grandes enceintes du G8 et du G20 où se brouillent les messages, il y a lieu de préciser nos objectifs sur des questions essentielles telles que le contenu et les frontières de l’Europe de demain, la politique à l’égard d’un monde arabe en révolte, nos objectifs en Afghanistan, notre politique africaine, notre type de partenariat avec la Russie.

Les diplomates appellent de leurs vœux une telle réflexion de fond à laquelle ils sauront apporter en toute loyauté leur expertise. Ils souhaitent aussi que notre diplomatie puisse à nouveau s’appuyer sur certaines valeurs (solidarité, démocratie, respect des cultures) bien souvent délaissées au profit d’un coup par coup sans vision.

Enfin, pour reprendre l’avertissement d’Alain Juppé et d’Hubert Védrine publié le 7 juillet 2010 dans Le Monde « l’instrument [diplomatique] est sur le point d’être cassé ». Il est clair que sa sauvegarde est essentielle à l’efficacité de notre politique étrangère.

 

A lire également : Tunisie, Egypte, Libye, où est passée la voix de la France ?

3 commentaires sur La politique extérieure critiquée par des diplomates

  1. POURCEL eric // 26 février 2011 à 13 h 54 min //

    Bravo à ces diplomates! Dans la continuité du comité surcouf, on ose enfin s’exprimer pour critiquer ce qui doit l’être : attention à la DCRI et autres services qui vont faire une « guerre » au groupe marly.
    Retenons ceci : la diplomatie français n’est plus parce qu’elle s’inscrit aussi dans une soumission volontaire à un traité européen qui avait initialement prévu de créer un ministre européen des affaires étrangères, aujourd’hui dénommé au gré du traité révisé de chef de la diplomatie européenne avec ASHTON à sa tête (profane en diplomatie comme nombre de nomination de compromis), cette dernière ayant recruté la moitié des effectifs de la diplomatie européenne au sein des affaires étrangères britanniques. En clair, notre politique étrangère ne peut cohabiter avec une politique étrangère européenne moins encore lorsque celle-ci est dominée par des britanniques dont l’atlantisme est la geste naturelle… Tout ceux qui vantent l’Europe ne se rendent pas compte à quel point cet objet innomé est devenu le carcan de la puissance française….Et si NS accentue la perte d’influence française par ce qu’il est intrinsèquement, un impulsif aveuglé par les modèles étrangers, notamment américain, il faut aussi considérer que la mondialisation approuvée par tous les partis de gouvernement (avec Strauss-Kahn en tête) met à genoux l’économie française, son industrie, ses finances publiques et qu’un pays n’est audible que lorsqu’il est puissant (ce qui est le cas de l’Allemagne au gré d’une spécialisation économique qui n’est pas la notre!)! En clair, c’est à une spirale de « dépuissance » vers l’impuissance que nous assistons dont les ressorts trouvent leur source avec la suppression progressive puis définitive de toute frontière commerciale via les cycles GATT et les accords européens (reprenant les termes des cycles GATT) pour se terminer par l’apothéose de l’OMC (1994) et l’entrée de la Chine dans le commerce mondiale après un moratoire de 5ans soit en 1999… Tout ceux qui dénoncent la perte d’influence de la France doivent considérer que la mondialisation et l’europe fédéraliste de schuman ne sont pas l’avenir de la France. La France a de l’avenir dans son indépendance et dans la redéfinition de ce que sont ses intérêts supérieurs sans angélisme : les chinois conquièrent l’Afrique en ne jugeant pas les Etats et en apportant leur réserve financière qui leur permet de financer des grands projets (Congo, soudan…) en contrepartie de l’accès aux matières premières…Les américaines et quelques un de leurs alliés redéfinissent le découpage de l’Afrique notamment dans la région des grands lacs en finançant les révolutions de leur choix (Rwanda avec l’assassinat téléguidé du président en 1994…Ouganda, Zaïre…Côte d’ivoire etc) au gré d’une association sans précédent des services d’Etat (NSA CIA…etc), des industries minières, des pétroliers, des diamantaires et de quelques barbouzes marchands d’armes…Et la France que fait-elle? depuis le discours idiot de la Baule (1990), elle prétend imposer la démocratie…les droits de l’Homme en contrepartie de son aide : résultat, elle n’aide presque plus personne parce que plus personne ne veut de son aide! La morale et la diplomatie sont une alchimie extrêmement complexe qui suppose de la finesse au regard d’objectifs clairs de puissance stratégiquement définis…Enfin, comment peux-t-on croire que l’OTAN représente pour notre pays un intérêt quelconque? Qui peut vouloir nous agresser directement sur nos frontières au regard d’un conflit conventionnel? Personne. Les Russes? On aurait du développer depuis lontemps une coopération bilatérale renforcée avec Poutine puis son successeur au lieu de jouer le jeu d’un containment dépassé et préjudiciable à nos intérêts. Les Chinois? La Chine est un grand peuple qui maîtrise parfaitement la technique martiale de la diplomatie : elle s’est enrichie en appauvrissement le reste du monde! en judo, on appelle cela utiliser l’énergie de l’autre…Mais c’est pourtant aussi avec cette grande Nation qui ne joue que son jeu (quoi de plus normal?), ainsi qu’avec l’Inde, les pays du continent sud américain, les pays d’Afrique au moins francophone que nous aurions du impulser et engager en bilatéral, en prenant le temps, puis à plusieurs, des pourparlers pour redéfinir les règles du jeu du commerce et de la finance mondial en axant le débat sur l’Homme. Ni gouvernance mondiale (une hypocrisie qui permettrait à quelques uns de maîtriser la destinée du monde selon leur propre règle de lecture), ni occidentalisme, ni atlantisme, ni europe sauf une coopération renforcée entre Etats volontaires ce qui suppose la suppression de la commission européenne, la création d’un comité étatique dirigeant la banque centrale européenne, la suppression du parlement européen… et la mise en place d’une coordination d’ordre du jour entre parlements nationaux (dont le nombre de parlementaires devrait être redéfini selon un critère unique applicable à tous ceux qui souhaitent une coopération renforcée, à savoir la démographie afin d’éviter la surreprésentation d’Etats impuissants et soumis à d’autres acteurs…. Il faudrait au final remettre en cause le travail de démolition des nations depuis plus de 40 ans. Si les mouvements populaires (démocratiques, ce n’est pas si sûr …) dans le maghreb et au moyen orient peuvent donner quelques espoirs, il faut enfin éviter l’angélisme : ce qui se dessine sous nos yeux s’inscrit de manière étonnante en conformité avec le projet de grand moyen orient défini par les américains sans que ce projet n’est jamais inclus l’arabie saoudite (qui reste très stable)… Enfin, ces mouvements populaires sont l’expression d’une paupérisation consécutive à la mondialisation dont seuls trois acteurs semblent parfaitement tirer leur épingle du jeu…Les gouvernements politicards se suivent, les nations restent. La solidarité internationale, c’est à dire entre nations libres mais toutes portées par un seul objectif, suppose la définition de règles sociales et fiscales internationales applicables par cercle déconcentrique, en prnant en compte le facteur temps : cela suppose le rétablissement d’une forme de TEC (tarif extérieur commun) avec les pays qui ne souhaitent pas le progrès social….E.POURCEL

  2. Au delà d’un antisarkozisme compulsif, ce texte montre une inconscience de la place réelle de la France dans le monde, qui n’est plus celle du temps de Louis XIV, et même plus celle du temps du Général de Gaulle ! Ces diplomates en retard d’une guerre feraient mieux de s’interroger sur le rôle tout aussi inexistant de l’Europe, qui malgré Mme Ashton et une armée de fonctionnaires (coûteuse, est il besoin de le souligner) est encore plus ectoplasmique que notre pays. Allons un peu plus loin : l’idole du monde occidental, j’ai nommé Barack Obama, est elle beaucoup plus efficace dans la gestion des convulsions qui secouent le monde méditerranéen ?

  3. La rentrée dans l’OTAN ne suit qu’un seul objectif: celui d’accéder plus facilement aux marchés militaires, qui représentent une énorme par de nos rentrées.
    Aucune autre explication ne s’impose, que celle de tenter de résoudre à court terme le déficit abyssal de l’état.

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