Les déclarations de Dominique de Villepin dans Dimanche +

 

4dntvuhh2yeo4npyb3igdet73odaolf$5r348g80teko6wf1b59pf0y7h0woy6v Sur la révolution égyptienne

« Ce sont des images étonnantes et émouvantes d’une révolution, même s’il n’y a pas de changement de régime. Une révolution pacifique, il faut le souligner encore et encore. C’est une véritable leçon, un véritable exemple que nous donne aujourd’hui, après la Tunisie, l’Egypte et qui aura une incidence dans l’ensemble du monde arabe, et je pense aussi au-delà, y compris dans nos propres pays. »

Sur une possible contagion à d’autres pays arabes

« Je pense que l’inquiétude, elle est aujourd’hui générale dans l’ensemble du monde arabe. On le voit au Yemen, on le voit en Jordanie, on le voit même en Arabie Saoudite et en Algérie. Et c’est une course de vitesse qui est engagée, entre la capacité de ces régimes (ceux qui ont notamment de très gros moyens financiers, et c’est le cas de l’Algérie avec la rente pétrolière), capacité à répondre aux aspirations de la population et à ouvrir à plus de liberté. Donc il y a à la fois des blocages économiques, sociaux qu’il faut lever et en même temps des blocages politiques. S’ils ne parviennent pas à redonner espoir à leurs populations et en particulier à la jeunesse qui joue un rôle de fer de lance dans l’ensemble de ces mouvements, eh bien oui, de tels mouvements se répéteront dans ces pays. »

Sur les avoirs cachés de l’ancien président tunisien Ben Ali

« On voit bien à quel point les instruments dont disposent ceux qui veulent agir (associations, les pays concernés, …) sont maigres. De maigres outils. Il faut donc faire davantage et beaucoup plus tôt. Pourquoi attendre qu’un dictateur tombe pour agir? Il faut agir par anticipation et ne pas rendre possible la constitution de telles fortunes illicites. Il faut donc une réglementation au niveau international. Voilà une initiative que nous pourrions prendre, puisque nous avons la tête du G20, dans le cadre du G20, d’une réglementation internationale qui permettrait justement de prévoir des règles extrêmement strictes de contrôle de la fortune des dirigeants de la planète. Malheureusement, ce ne sont pas des cas isolés. Il y a donc un très gros travail à faire. »

Sur la lenteur de la réaction française face aux révolutions tunisiennes et égyptiennes

« C’est toujours difficile de porter un jugement dans ce domaine. Ce qui m’a frappé, c’est la difficulté pour la France et pour la politique française de comprendre ce qui était en train de se passer, compte tenu d’un regard empreint d’une vision marquée par la peur de l’islam, marqué par la peur du terrorisme, marqué par une préférence pour le statu quo. Alors même que derrière ces mouvements, il y a les idéaux-mêmes que nous défendons.

Nous devrions être les premiers à nous réjouir, parce que ces événements donnent raison à la vision de la France et donnent raisons aux principes que nous n’avons cessé de défendre. La vision du Général de Gaulle face aux deux blocs pendant toute la période de la guerre froide, la vision de Jacques Chirac et que j’ai défendue moi-même face au monde unipolaire des Etats-Unis, eh bien, c’est cette vision-même qui est à l’oeuvre aujourd’hui, celle des peuples, celle des grands principes de justice, de paix, donc oui, nous devrions être aux avant-postes et malheureusement, nous sommes un peu réticents et en arrière de la main, parce que la peur l’emporte et parce qu’il y a un manque de confiance en nous et dans le monde. »

Sur le Président Moubarak

« C’est vrai que sur le plan des relations avec l’ensemble des pays de la région, l’engagement pour la défense de la paix (même si les résultats ont été minces), son engagement ne s’est pas démenti. »

Sur les vacances égyptiennes de François Fillon

« Je n’aime pas beaucoup commenter ces questions, parce que je crois qu’il est préférable de rechercher des solutions. A la vérité, et contrairement à ce que j’ai entendu, je ne crois pas que ce soient des affaires banales.

Je n’ai pas été invité, pendant les deux années où j’ai été Premier Ministre, par quelconque pays étranger et je crois qu’il vaut mieux, en tout état de cause, éviter parce que la France est un pays souverain, c’est un pays indépendant et que chacun a les moyens de payer ses vacances. Mais la réponse, à mon sens, elle devrait être beaucoup plus stricte que celle que j’ai entendue. (…)

A l’évidence, un représentant français, un ministre français, un premier ministre français, un Président de la République n’a pas à se faire payer des vacances par un pays étranger, et il vaudrait mieux que la règle soit aussi simple que cela. »

Sur sa rencontre avec Nicolas Sarkozy le 24 février au sujet du G20

« Je sais ce que j’espère pouvoir lui dire sur, à la fois les initiatives que la France pourrait prendre dans le domaine financier, et peut-être au-delà en matière diplomatique, parce que ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui, c’est de voir, dans notre relation avec le monde, à quel point un trouble s’est instauré, une sorte d’effacement de la diplomatie française. Et ça m’inquiète, à la fois dans les crises qui peuvent paraître lointaines, comme l’Afghanistan à la fois au Moyen-Orient, et j’aimerais que la France retrouve la place qui est la sienne dans le monde et retrouve la voix qui doit aller avec. (…)

Je me garderais bien de sonder aujourd’hui l’esprit du Président. En tout cas ce que je sais, c’est que c’est un entretien pour parler du G20 et à cette occasion, je ne manquerai pas de faire passer quelques-uns des messages auxquels j’attache de l’importance en matière internationale. »

Sur l’existence de points communs avec Nicolas Sarkozy

« Quand je regarde la politique qui est menée, peu ou pas. C’est la vérité: peu ou pas. Parce que l’autre sujet d’inquiétude pour moi, c’est cette défiance qui monte dans la relation du pouvoir avec les Français. Quand on voit les magistrats pointés du doigt, les enseignants, les chercheurs, les fonctionnaires en général, c’est un climat qui me paraît dangereux pour notre pays. Il y a un pacte républicain qui s’effrite et nous devons veiller à faire en sorte que nous dépassions cette tentation des boucs-émissaires. La peur de l’Islam: on voit aujourd’hui que nous devons nous obliger collectivement à sortir de ces logiques de peur, ces logiques sécuritaires. La politique, c’est de résoudre les problèmes, ce n’est pas d’utiliser tels et tels arguments, telle et telle peur. »

Sur le « Face aux Français » de Nicolas Sarkozy

Dominique de Villepin a jugé la prestation de Nicolas Sarkozy « avec inquiétude. Avec inquiétude, parce qu’il y avait deux images qui se télescopaient. Ce formidable mouvement, cet enthousiasme qui s’exprimait au Maghreb et en Egypte, et en même temps une France frileuse, repliée sur elle-même, un peu égoïste, qui n’arrive pas à dépasser ses difficultés, tout simplement parce qu’elle ne regarde pas devant, parce qu’elle a peur de l’avenir, parce qu’elle ne fait pas confiance à sa jeunesse, parce qu’elle ne fait pas confiance aux autres.

Quand j’entends cet arbitrage, cette comptabilité entre d’un côté les chômeurs qui n’auraient pas de statut et de l’autre côté les magistrats, on se trompe dans la façon de poser les problèmes. Remettons le respect, remettons le dialogue au sein de notre communauté nationale et je pense que nous trouverons alors plus facilement les solutions. »

Sur le recours aux emplois aidés

« C’est une partie de la solution. J’ai mené la bataille de l’emploi entre 2005 et 2007 et nous avions fait reculer le chômage de 600.000. C’est une partie de la solution, mais j’avais mis au point le Contrat Nouvelle Embauche pour les petites et moyennes entreprises, qui était un contrat qui ne coûtait pas un sou à l’Etat. Cette bataille pour l’emploi, nous avons réussi à marquer des points. Je regrette que pendant les trois années et demi qui se sont passées, eh bien, cette bataille pour l’emploi n’ait pas été menée avec la même ténacité. (…)

(Les emplois aidés), c’est une façon d’anticiper un nécessaire retour de la croissance. Il faut agir sur tous les leviers: en même temps que j’ai mis en place cette politique, une fois de plus j’ai eu recours à la stimulation des emplois privés par un contrat, j’ai fait en sorte de mener la bataille de la compétitivité avec les pôles de compétitivité, l’agence de l’innovation industrielle. Donc c’est une politique globale qu’il faut mener, en espérant que la croissance se fortifiera. C’est ce qui s’est passé avant la crise de 2008. Donc aujourd’hui, il faut utiliser tous les instruments. Il y a fort à parier aujourd’hui, à quelques mois d’une échéance électorale, que tout ça soit un peu court et difficile à mettre en oeuvre, et donc les résultats ne seront pas forcément au rendez-vous, mais enfin, espérons que au moins, quelques-uns pourront en profiter. »

Sur les jurés populaires

« C’est pas la solution, et ça, nous le savons tous ! Il y a des jurés dans les Cours d’Assises. Le nombre des décisions qui sont prises chaque année (plus de 500.000) en correctionnelle fait que vouloir l’instaurer à ce niveau, c’est totalement irréaliste, et en plus, ce n’est pas tenir compte de la complexité d’un certain nombre des sujets qui sont traités. Donc je crois que c’est une mesure qui n’est pas adaptée aux besoins de la justice.

Par contre, donner l’indépendance aux magistrats. Par contre, retrouver la sérénité dans les prétoires, faire en sorte qu’il y ait un égal accès de l’ensemble des citoyens devant le service public de la justice, oui ! Voilà des nécessités. Et puis, régler ce problème de moyens quand nous savons que nous dépensons moitié moins que dans les pays voisins, européens, à travers nos dépenses de justice. Il y a évidemment des distorsions, un mauvais fonctionnement qui s’explique parce que nous ne mettons pas le nécessaire dans la défense de ce service de justice. »

Sur la situation des Roms

« Il faut éviter de déplacer le problème sans trouver de solutions. Il y a des solutions. Créer dans les mairies, tel que la loi le prévoit, des aires adaptées, aménagées, permettant cet accueil. Faire en sorte de se servir des expérimentations qui marchent. C’est le cas des villages d’insertion qui existent en Seine-Saint-Denis, à Aubervilliers. Suivre les très nombreuses associations qui se mobilisent pour favoriser l’éducation, l’alphabétisation de ces enfants.

C’est une véritable politique qui est nécessaire, mais quand l’Etat se perd en promesses, en annonces tonitruantes, en stigmatisation, eh bien on voit que cela demande beaucoup d’énergie. Et que se passe-t-il quelques mois plus tard? Rien ! Le problème a été déplacé ailleurs.

Vous savez, ça c’est la façon la plus odieuse, c’est le visage le plus détestable de la politique. C’est ce qui donne parfois envie, je vous le dis franchement, de baisser les bras. On a le sentiment de participer à une sorte de show où les problèmes ne sont pas traités. Or, si on accepte de ne pas tomber dans la surenchère, si on accepte de traiter les problèmes avec sérénité et avec sérieux, loin du spectacle, loin des caméras, loin des effets d’annonces, alors c’est un autre visage que l’on donnera aux Français de la politique. Les Français ont une responsabilité: à eux de ne pas céder aux peurs, à eux de ne pas céder aux vaines promesses, à eux de mettre en avant une autre façon de faire de la politique, et les hommes politiques changeront ! Ils seront sans doute les derniers à changer, mais ils changeront. »

Sur la Tribune de Dominique de Villepin publiée cet été dans Le Monde (« Une tache de honte sur notre drapeau »)

« Je n’en changerais pas un mot ! (…)

Moi, je n’ai stigmatisé personne. Je n’ai pas fait des moulinets et des grands discours pour annoncer que j’allais stigmatiser une communauté et une ethnie. Agir, c’est ce qu’on attend de nous, faire respecter la loi. Il y a une règle en France: quand il y a un squat illégal, on saisit la justice, la justice prend une décision et on l’exécute. Il n’y a rien à redire à ça. C’est cette mise en scène qui est insupportable. C’est cette façon d’utiliser de tels sujets pour jouer sur les peurs des Français en montrant du doigt des communautés. C’est cela qui a été dénoncé par les Européens, par la Commission. C’est cela qui a été dénoncé par l’ONU. C’est cela qui nous a mis en difficulté par rapport à l’ensemble des pays du monde. Parce que ce n’est pas l’esprit français, ce n’est pas la vocation de la France. Alors une fois de plus, cette idée-là de la politique, celle qui montre du doigt, celle qui stigmatise, celle qui joue sur les peurs, elle est odieuse et il faut l’écarter. Par contre, appliquer les lois, oui, c’est indispensable ! »

Sur le prétendu « échec du multiculturalisme »

« C’est un faux débat ! Le seul à avoir plaidé pour le multiculturalisme et à avoir tâtonné, enfin avancé vers des expériences du type communautariste, c’est Nicolas Sarkozy lui-même: la discrimination positive et autres entorses, laïcité positive et autres entorses à notre pacte républicain… Mais, la France, elle est fondée sur les principes de la République. Nous ne sommes pas comme les Anglais. Nous ne sommes pas comme les Allemands. De ce point de vue là, nous reconnaissons des citoyens avec des droits universels. Donc il n’y a pas de ce point de vue là d’erreur ni de faute. (…) Nous n’avons pas le même système multiculturel que les Anglais ou que les Allemands. Nous ne participons pas de la même expérience, parce que nous sommes Républicains. »

Sur les primaires au Parti Socialiste

Dominique de Villepin porte « un regard empreint de curiosité et d’inquiétude, parce que j’espère que nous n’allons pas vivre à l’heure des petites phrases comme on le voit ici, et des divisions. Il y a des grands enjeux pour notre pays, il y a des choix importants. Tout ce que je souhaite, c’est que l’accent soit mis sur les projets, beaucoup plus que sur les rivalités de personnes. (…) Il faut souhaiter que la mécanique des primaires ne soit pas justement une petite moulinette où les ego et les intérêts personnels passent devant les grands débats et les vrais débats. »

Sur le silence de Dominique Strauss-Kahn

« Il y a un impératif quand on dirige une grande institution internationale, c’est qu’on n’interfère pas dans la politique intérieure, à aucun moment. Donc il n’a pas le choix. Le jour où il aura pris sa décision, je pense qu’il le dira. »

Sur la nécessité d’un rassemblement national après 2012

Dominique de Villepin croit « de moins en moins » à l’homme providentiel. « Il y a aujourd’hui, quand on regarde l’échiquier politique, une incapacité pour un homme ou une femme seule à porter les problèmes de notre pays, tant les défis sont grands. Et plus j’avance, plus j’ai la conviction ou l’espoir qu’en 2012, ce soit un gouvernement de rassemblement national (je ne dis pas d’union nationale, parce qu’ils ont le plus souvent échoué), mais en tout cas de très large rassemblement. Il faut que nous sortions de nos querelles, de nos chapelles. Il n’y a ni à droite aujourd’hui, ni à gauche les idées et les solutions qui sont à la hauteur des défis qui sont les nôtres. Comment chasser les peurs? Comment regarder le monde? Comment nous réconcilier avec nous-mêmes? Tout ceci dépasse de très très loin la droite et la gauche. »

Sur sa candidature à l’élection présidentielle de 2012

Dominique de Villepin prendra sa décision « quand le débat commencera véritablement à être au coeur et dans la tête des Français. (…) Les Français, ils sont aujourd’hui préoccupés par toutes les difficultés qui sont les leurs. Ce sera dans le temps de l’automne ou même peut-être un peu plus tard. Je pense que nous aurons une élection qui deviendra sérieuse tardivement. »

Sur l’obtention des 500 signatures

« Ecoutez, je le souhaite. Mais on peut espérer que dans une démocratie comme la nôtre, il n’y ait pas d’à priori. Il y a suffisamment d’élus pour qu’ils puissent encourager des candidatures sérieuses. »

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