Le Rafale risque le crash au Brésil… malgré ce qu’affirmait Sarkozy

  • Par Julie de la Brosse

 

Rafale La nouvelle présidente brésilienne préférerait le F-18 de Boeing au Rafale pour équiper son armée de l’air. Malgré un démenti officiel, les chances que la France remporte ce contrat géant semblent s’amenuiser avec le temps… En septembre 2009, au retour d’une visite officielle au président Lula, Nicolas Sarkozy affirmait que le Rafale était quasiment vendu.

 

Même en faisant toute les concessions imaginables, il n’est pas sûr que la France parvienne à vendre son si cher Rafale au Brésil. Samedi, le constructeur de l’avion de chasse, Dassault Aviation, a réaffirmé qu’il était prêt à « transférer 100% de l’ensemble des technologies civiles et militaires du Rafale au Brésil » en cas de victoire finale. Un effort considérable qui pourrait bien ne pas être récompensé. A peine trois jours plus tard, des sources proches du dossier ont déclaré à l’agence Reuters que la présidente du Brésil, Dilma Rousseff avait une préférence pour le F-18 de Boeing. C’est en tout cas ce qu’elle aurait déclaré lors d’un récent entretien avec Timothy Geithner, le secrétaire américain au Trésor. Informé des propos prêtés à Dilma Rousseff, le ministre de la défense, Nelson Jobim, a immédiatement démenti au journal Estado de Sao Paulo. Mais les chances que la France remporte l’un des plus gros contrats du monde (environ 6 milliards de dollars), semblent s’amenuiser avec le temps.

Depuis plus de 10 ans maintenant que dure l’appel d’offre pour 36 avions de chasse, de nombreuses rumeurs ont entouré le fameux contrat. En septembre 2009, au retour d’une visite officielle au président Lula, Nicolas Sarkozy affirmait que le Rafale était quasiment vendu, ce qui n’a pas empêché les négociations de traîner en longueur. Avec l’élection de Dilma Roussef, c’est tout le dossier qui est reparti à zéro. Il y a moins d’un mois, la présidente a déclaré qu’elle allait relancer la procédure d’appel d’offre. Celle-ci faisait alors valoir qu’elle prendrait son temps – au moins quelques mois – pour réexaminer le dossier. Un violent camouflet pour la France, pour qui la décision finale ne devait être qu’une simple formalité.

Aujourd’hui, sans vraiment baisser les bras, le gouvernement se veut plus précautionneux. « La position française est inchangée, nous sommes convaincus de la qualité de l’offre française et nous sommes donc confiants sur les suites de cette compétition« , a déclaré ce mercredi François Baroin, porte-parole du gouvernement. Un son de cloche identique chez Dassault, le constructeur du Rafale : « Rien n’est perdu, rien n’est gagné, l’appel d’offres est en cours et il n’y a pas d’annonce officielle du gouvernement brésilien, a souligné un porte-parole de l’avionneur. Le dossier reste complexe, parce que dans ce genre de négociations, tout est très complexe. »

Nombreux handicaps

Complexe c’est le moins que l’on puisse dire. Depuis le lancement du programme en 1988, l’avion de combat « omnirôle » français n’a jamais réussi à s’exporter. Souvent considéré comme trop cher et trop complexe, l’avion présenterait aussi le désavantage de ne pas savoir s’adapter aux besoins de ses potentiels clients. « C’est un appareil très cher et qui a été conçu pour répondre aux spécificités de l’armée française, ce qui le rend peu exportable. D’ailleurs, dès le départ, l’armée de l’air brésilienne a indiqué qu’elle n’en voulait pas. En cas d’échec au Brésil, il n’y aura donc aucune surprise à avoir« , expliquait récemment à L’Expansion.com l’économiste Elie Cohen. En 2009, dans leur rapport technique sur l’avion de chasse, les forces armées brésilienne disaient même préférer le Gripen, l’appareil suédois concurrent. L’avion français, lui, n’arrivait qu’en troisième position.

« Le prix de l’avion, et ses spécificités techniques peuvent être un frein à la conclusion de ce contrat. Mais à ce niveau de la compétition, dans un marché aussi politique que le marché de l’armement, il est évident que d’autres facteurs entrent en ligne de compte« , estime pourtant Claude Serfati, directeur du Cemotev, et spécialiste de l’économie de l’armement. Certes, le Rafale est plus cher que son concurrent américain le F-18, mais Dassault, que l’on soupçonne d’avoir déjà considérablement allégé son prix, serait aussi plus conciliant. Le groupe est désormais disposé à réaliser tous les transferts de technologies demandés par le Brésil. Ce que se refuse à faire Boeing et que ne peut faire Saab sans l’approbation du Congrès américain : nombre de ses composants sont en effet d’origine américaine. Sur ce point, l’avantage français aurait donc pu faire pencher la balance.

Une décision très politique

En réalité, la décision brésilienne, si elle devait être prise avant les élections d’octobre, pourrait se fonder sur des raisons diplomatiques. Depuis qu’elle est arrivée au pouvoir, Dilma Rousseff semble vouloir resserrer les liens avec Washington, qui s’étaient détériorés dans les dernières années de la présidence Lula. Or la France, qui jusqu’à peu présentait de nombreux atouts pour un Brésil en quête de notoriété internationale, est en train de perdre des points face à la puissante Amérique. « Au niveau géopolitique, l’image de la France s’est énormément détériorée en un an, estime Claude Serfati. Entre l’affaire Karachi ou encore les relations entretenues avec le Maghreb, le Brésil qui comptait sur la France pour l’élever sur la scène internationale, est en train de douter« , explique l’universitaire. A l’époque où Lula assumait publiquement sa préférence pour le Rafale, le président français et le brésilien affichaient en effet leur dessein de faire force commune lors des futurs G20. « Or aujourd’hui, les espoirs que la France soit force de proposition au niveau International sont en train de disparaître« , ajoute Claude Serfati. Voilà qui pourrait expliquer la préférence éventuelle du Brésil pour l’avion de chasse américain. Mais là encore la prudence doit être de mise. Dans le secteur militaire, les retournements sont fréquents, et les rumeurs souvent utilisées pour faire jouer la concurrence…

6 commentaires sur Le Rafale risque le crash au Brésil… malgré ce qu’affirmait Sarkozy

  1. Comment imaginer après l’abandon de sa souveraineté que la France même dans le domùaine de l’armement puisse encore présenter le moindre avantage pour des investisseurs étrangers ? L’industrie d’armement est essentiellement politique. Sans la possibilité de se démarquer à cet égard, la France perd ll’un de ses arguments les plus forts. L’ abandon de la ligne gaullienne et la réintégration de nos forces dans l’OTAN, sont de ce point de vue des fautes politiques majeures.

  2. Monsieur GENESTE a raison de souligner que ce bel avion Rafale a été conçu il y a plus de trente ans et que mise à part sa version Marine, avec l’activation en 2011 du centre de formation des pilotes de l’Aéronavale sur ce bel engin…..on ne voit pas trés bien quel autre programme pourrait s’enchainer d’autant qu’un engin comme le Rafale est fait pour durer….voire la longévité du Mirage IV .
    Faisant de la lutte anti-terroriste le principal axe de développement de nos capacités de Défense car n’ayant plus d’armée ennemie en tenue officiellement désignée, il est à craindre que nous n’ayons pas de nouveaux besoins mis à part un avion agile ,furtif et performant à basse altitude….aux antipodes du concept Rafale.
    Enfin le Rafale s’inscrivait dans un package plus large de besoins de matériels de Défense brésilienne,notamment avec le naval de Défense. DCNS peut se réjouir du contrat en cours avec le Brésil et à cet égard le président Patrick Boissier de DCNS répond aux inquiétudes de Dominique DAGUET, je le cite :
    Il vaut mieux être celui qui réalise et transfert des technologies et en bénéficie, que celui qui en subit les conséquences néfastes.

  3. Daguet Dominique // 14 février 2011 à 15 h 13 min //

    Au train où vont les choses, il faudra « donner » l’avion pour qu’il soit pris… Quant aux technologies à transférer, le risque est de se créer de toute pièce un concurrent… L’occident a créé la puissance économique de la Chine, on voit qu’aujourd’hui elle talonne les Etats-Unis pour la première place… Il aurait mieux valu contribuer largement à industrialiser le Maghreb, avec l’avantage complémentaire de fixer sur place une main d’oeuvre que l’on ne peut pas intégrer ici… C’était l’un des objectifs du plan de Constantine…

  4. normal le rafale pour les besoins de la france ne sont peut être pas compatibles avec ceux du brésil

  5. Au delà des polémiques sur les faiblesses de l’actuel locataire de l’Elysée à jouer les VRP des hautes technologies,civiles et militaires, françaises, s’agissant du Rafale,il faut quand même se rappeler que ce bel outil a d’abord été conçu pour faire plaisir aux pilotes de l’Armée de l’Air , de l’Aéronavale françaises et à industriel en panne de carnet de commandes militaires.
    Cet avion excellent en mission de police de l’Air et combat aérien à haute altitude , pas trés furtif ,est d’évidence mal adapté à des missions basses altitudes ou d’appui de troupes au sol.
    En fait, cet avion ne peut voler loin et longtemps que grâce à de multiples ravitaillements en vol … possibles uniquement en cas de supériorité aérienne absolue.
    Son coût d’investissement et surtout de fonctionnement est considérable. Une mission de cinq heures d’un Rafale en Afghanistan nécessite, par exemple, 20 tonnes de carburant !
    A une époque où la chasse au gaspi de Kérosène devient majeur y compris pour les armées,on devine aisément que la décision des Brésiliens ne sera pas « bling-bling »;à moins que , comme le souligne Julie de la Brosse , d’opaques tractations politiques viennent boulverser la logique des choix.

  6. Je trouve que l’on fait tout un plat de l’éventuelle exportation du Rafale. La question fondamentale n’est pas tant celle de son exportation que celle de la volonté de la France de rester indépendante dans ce domaine là. En effet, quel programme y a-t-il pour la suite alors que le programme date d’il y a 30 ans? Le Grippen est un bon avion, suédois et, comme bien expliqué, pour une bonne partie en réalité américain. L’Eurofighter est d’une classe en-dessous et d’un prix bien supérieur alors qu’il est européen. Il faudrait donc faire le constat, au minimum, de ce qui s’est passé ces 30 dernières années en matière d’avions de combat, en tirer les leçons et prendre des décisions… Mais nos politiques sont-ils capables de le faire?
    Rappelons, pour ceux qui ne le sauraient pas, la stratégie européenne actuelle en matière d’armements: exporter au maximum pour faire supporter à des pays tiers les développements que ne veulent pas payer les européens pour leur propre protection. Clairement, une telle stratégie est mortelle à moyen et long termes. Mais l’histoire récente a montré que jouer les Cassandre n’empêche pas les catastrophes d’arriver. Alors…
    Attendons, la « cata »finira bien par se produire!

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