La pub qui peut coûter cher au président PS de la région Ile-de-France

  

 

clip_image002Jean-Paul Huchon n’a pas senti le coup venir. Dans son entourage, on se dit «abasourdi». Certes, «pas désespéré», mais l’expression veut tout dire. «On n’a même pas encore réfléchi aux conséquences politiques. On n’a pas eu le temps», explique-t-on avec un accent de sincérité. Il y a pourtant le feu : le socialiste Jean-Paul Huchon, réélu président du Conseil régional en mars 2010, pourrait être déclaré inéligible pour un an.

En tout cas, c’est ce qu’a demandé, vendredi 3 décembre, le rapporteur au Conseil d’Etat. La décision de la plus haute juridiction administrative de France tombera d’ici une à deux semaines.

Tout est parti d’une plainte déposée par Paul Midy, un responsable UMP jusqu’ici inconnu, à peine soutenu par son parti. En cause : une campagne d’affichage datant de septembre 2009 réalisée par la région, qui présentait sa politique de transports avec ce slogan: «La Région fait grandir vos transports.»

 

(photo : La campagne litigieuse de septembre 2009)

Information ou propagande ?

D’après le rapporteur du Conseil d’Etat, il ne peut s’agir que d’une promotion du conseil régional, alors que le Code électoral interdit aux collectivités de faire la publicité de leurs réalisations dans les six mois qui précèdent un scrutin local. «Cette opération ne peut être regardée comme neutre dans le contexte de l’élection», a-t-il expliqué, rappelant que les transports avaient été au cœur de la bataille en Ile-de-France. Selon lui, l’affichage incriminé «vante» clairement le bilan de la région.

Le rapporteur ne considère pas que ces affiches ont fait basculer le scrutin, remporté avec 400.000 voix d’avance par la liste de Jean-Paul Huchon – il ne s’agit donc pas d’annuler l’élection ni de renvoyer les citoyens aux urnes. En revanche, il estime que la tête de liste en a profité, et que ces dépenses auraient dû figurer dans ses comptes de campagne. Si les 840.000 euros d’affiches avaient été intégrés, le plafond de dépenses autorisé aurait été dépassé. En conclusion, il recommande de décapiter la tête de liste.

La Région, évidemment, ne l’entend pas de cette oreille. L’avocat de Jean-Paul Huchon, Frédéric Thiriez, fait valoir qu’«il s’agissait d’une campagne récurrente, programmée chaque année à la même période, et que celle-ci était totalement neutre, dépersonnalisée, sans aucune allusion à son président».

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(Photo : La campagne sur les transports menée en 2008)

 

 

Incertitude politique

Surtout, la Région explique que la Commission des comptes de campagne et des financements politiques a validé les comptes déposés par la liste Huchon, en juillet dernier, estimant que ces opérations de communication institutionnelle «ne faisaient nullement référence à la campagne électorale en cours».

Le Conseil d’Etat va-t-il suivre la commission ou la contredire (comme c’est arrivé par le passé)? Les partisans de Jean-Paul Huchon veulent croire que la jurisprudence du conseil d’Etat va dans leur sens. Ainsi, lorsque Thierry Mariani (candidat UMP battu en Provence-Alpes-Côte d’Azur aux dernières régionales) s’est plaint devant le conseil d’Etat de la distribution massive d’un «journal» par la région socialiste, la plus haute juridiction administrative a estimé, dans une décision rendue le 4 octobre dernier, que ces publications avaient «un caractère purement informatif sur la vie régionale et n’(avaient) pas constitué les éléments d’une promotion publicitaire». Elles «ne peuvent être regardées comme ayant apporté à M. Vauzelle (le sortant socialiste) un avantage électoral susceptible d’avoir eu une influence sur la sincérité du scrutin », a tranché le conseil d’Etat, déboutant Thierry Mariani. 

A la Région, on croise donc les doigts : «Le Conseil d’Etat peut changer de jurisprudence, c’est son droit. Mais ce serait brutal, avec des conséquences politiques énormes.»

Même chose sur le plan financier. Si le Conseil d’Etat suit son rapporteur, le PS devra payer de sa poche les frais de campagne qui lui ont été remboursés par l’Etat, soit 1,6 million d’euros (d’après les calculs de la Région). Auxquels s’ajouteraient les 840.000 euros de la campagne d’affichage.

Ce serait un arrêt de mort politique. Une mort à laquelle Jean-Paul Huchon croyait avoir échappé en 2008, lorsque, bien que reconnu coupable de prise illégale d’intérêts, le président PS de la région Ile-de-France avait échappé à la peine d’inéligibilité prononcée en première instance.

Pour l’instant, sa majorité politique ne le lâche pas. Mais si l’élection de Jean-Paul Huchon était invalidée, les conseillers régionaux devraient désigner un nouveau président.

Vendredi, Cécile Duflot, la patronne du groupe écologiste, s’est fendue d’une phrase ambiguë, sur son compte twitter: «En plein vote du budget…. No comment.» Un autre élu vert affirme que «ce truc va fragiliser l’ensemble de la gauche, car ça nous tombe dessus en plein débat budgétaire. Si jamais Huchon est invalidé, ça signifie qu’on va se taper une élection sur fond de début de primaires (à gauche), ça va être sanglant…».

Aucun des six élus socialistes sollicités vendredi n’a souhaité répondre à nos appels, apparemment pris par la préparation du budget, qui devrait être voté d’ici deux semaines. Peut-être sans Jean-Paul Huchon.

Par Mathilde Mathieu, Michaël Hajdenberg, Stéphane Alliès

1 commentaire sur La pub qui peut coûter cher au président PS de la région Ile-de-France

  1. Les publicités vantant les réalisations des collectivités locales devraient être interdites en tout temps et en tout lieu. C’est en fin de compte l’argent du contribuable qui est ainsi utilisé pour enrichir des agences de publicité, et tous les aigrefins qui tournent autour, avec quel bénéfice pour le contribuable en question ? Absolument zéro. La logique voudrait donc que ce genre de message stupide répandu à nos frais sur les panneaux publicitaires soient purement et simplement interdits.

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