Le programme 2012 très socialo-compatible d’Eva Joly

 

  • Emmanuel Lévy – Marianne
eva-joly-denonce-le-yalta-financier-de-la-honte-chirac-delanoe Eva Joly, probable candidate des verts unifiés sous le label Europe Écologie livre à Libération ses orientations économiques. L’exercice ne lui est pas familier et le résultat est sans surprise. Seul objectif: être crédible et de gauche.

 

 

Ca commençait mal. Le slogan est aussi lourd que celui de champomi ou du fameux « sans alcool la fête est plus folle » de Mister cocktail vantant l’abstinence. « Pour une écologie de la sobriété joyeuse », le titre de l’interview d’Eva Joly dans Libération aurait fait les délices de Philippe Muray, grand pourfendeur des oxymores qu’offrent les sympathiques écolo-festifs.

Ce mardi 2 novembre, la probable candidate d’Europe écologie pour 2012 détaille son programme économique, possible socle de de campagne si elle venait à enlever l’investiture. Dans la droite ligne des interviews amies, voir complaisantes, que Libé réalise avec l’ancienne magistrate, le texte déroule une série de mesures parfois chiffrées. Premier étonnement donc, puisque Eva Joly est le plus souvent fâchée avec cette matière et avec les chiffrages en général.

La présence de l’économiste Pierre Larouturou (ancien du PS), désormais visible au sein du groupe d’experts chargés de penser le programme présidentiel, se dévoile. C’est lui d’ailleurs qui avait organisé, fin octobre, les États généraux pour l’emploi et l’écologie. L’homme qui voulait vendre la semaine de quatre jour aux socialistes a donc apporté son expertise aux neo-écologistes.

Sur le fond, on trouve un programme moins extravagant que ne le laisse prévoir le titre. Rien de très nouveau, et il apparaît même un peu petit bras puisqu’il n’y est question que de jouer avec un peu moins de 30 milliards d’euros (10 % du budget de l’état, 1,5 point de PIB). Mais il émerge du discours une certaine cohérence, moins fofolle que les précédentes livraisons de la maison verte. Cela ressemble à une synthèse entre les éléments programmatiques des différentes contributions au sein du PS d’une part et certaine thématiques portées par le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon d’autre part.

Ainsi, le renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu, axe central et commun à ces deux forces de gauche, prend-t-elle aussi sa place dans le corpus de sa troisième composante. Mais entre les deux. Alors que le PS réfléchit encore au degré de la pente de la progressivité, et que le PG mise sur un rabot, enfin plutôt un couperet, avec un taux marginal de 90 % pour les revenus excédants 30 000 euros de revenu mensuel, Eva Joly coupe la poire en deux : « En quinze ans , la tranche supérieur de l’impôt sur le revenu est passée de 57% à 40%. Nous reviendrons à un taux d’imposition de 50% pour les revenus supérieurs à 70 000 euros par ans. Et nous créerons deux nouvelles tranches : 60% pour les revenus entre 100 000 et 500 000 euros et 70% au-delà. »

Tiens, déjà une petite approximation, ce ne sera pas la seule : le taux est bien passé de 57% à 40%, mais avec l’inclusion de l’abattement 20%, ce qui ramène la baisse de 57% à 44% en réalité.

Le copié-collé des programmes de gauche ne s’arrête pas là. Coté recettes, on retrouve de nombreux éléments communs :

– l’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle du travail;

– la lutte contre la fraude, avec ici une progression de 25 % des postes de contrôleurs du fisc;

– l’inévitable réduction des niches fiscales, avec en ligne de mire les gros bataillons, en termes de milliards, que constituent les heures sup, ou la TVA réduite sur la restauration.

Sur ce dernier point, Eva Joly fait dans l’à peu près. La liste des dispositifs voués à la disparition date un peu. Au nombre des niches à mettre en cause figure ainsi « les crédits d’impôts sur les intérêts d’emprunts immobiliers », mesure à laquelle le gouvernement  met fin dans son projet de loi de finance en discussion.

Pour Eva Joly, ces réformes permettent de dégager de nouvelles marges d’actions : « Avec un budget économe, juste et stratège nous pourrions dégager 28 milliards d’euros et consacrer la moitié de cette somme à la réduction de la dette ». Soit 14 milliards, issus des économies sur les niches et 14 issus des hausses de prélèvements.

Comme il faut bien faire«  sérieux », la question de la réduction de la dette est donc également abordée.

Sans le nommer Eva Joly se réfère aux travaux de Paul Krugman (qu’elle a rencontré), lequel dénonce « l’idéologie dominante libérale qui a voulu faire croire que l’on pouvait s’endetter à l’infini ». L’économiste nobélisé et éditorialiste de gauche au New York Times est parmi les premiers à avoir décrypté la stratégie des néo-libéraux visant à réduire la place de l’Etat. Le processus libéral de réduction du périmètre de l’état s’organise souvent en trois étapes:

Acte I : forte diminution des recettes fiscales grâce au programme électoraliste libéral.

Acte II : s’en suit un déficit chronique supposé rendre le poids de la dette insupportable.

Acte III : pour retourner à l’équilibre budgétaire, il faut donc couper fortement dans les dépenses. Le tour est joué: la taille de l’État s’est réduite.

Notons que, si le « programme evajolyste » rejoint celui des socialistes, la pédagogie s’en distingue : l’ex-magistrate n’hésite pas, elle à assumer une sorte de « rigueur de gauche ».

Reste la fiscalité écologique proprement dite.

Très écolo, la fin des subventions/exonérations sur les pesticides et les agro-carburant sont évoquées, ainsi que l’augmentation du bonus/malus sur les voitures. Ce sont dans ces politiques dites de transformation écologiques (dont 3,2 milliards pour un RSA étendu au moins de 25 ans, une constante chez les écolos) qui seraient dépensés, la seconde moitié des 28 milliards économisés la première allant au « remboursement de la dette ». Là aussi petit à peu près puisque avant de rembourser, il s’agit d’abord d’équilibrer les comptes en réduisant le déficit, lequel excède très largement les 14 milliards d’euros.

Notons une absente de taille : la taxe carbone. Sous aucune de ses formules protéiformes (façon TVA notamment), celle-ci n’est abordée. Il faut dire que la question n’est pas vraiment populaire, comme on l’a vue lors de son évocation par le duo Juppé-Rocard, et risquerait de fâcher tout rouge le partenaire socialiste qui s’est rangé derrière Ségolène Royal. La présidente de Poitou-Charente en avait démonté le principe, soulignant son caractère inégalitaire et couteux pour les ménages modestes.

1 commentaire sur Le programme 2012 très socialo-compatible d’Eva Joly

  1. Un Président au-dessus des partis , oui , bien sûr .
    Mais ne rêvons pas, n’est pas de Gaulle qui veut et les circonstances actuelles ne produiront pas un tel homme , hélas.
    Par contre , et j’insiste , le plus urgent est d’abattre le sarkozisme et sa vision néolibérale, nuisible à la France et aux Français. C’est la seule tâche qui devrait compter, c’est la seule tâche qui devrait mobiliser les forces vives de la Nation
    Et pour la faire aboutir , je ne vois rien d’autre que le rassemblement en laissant les ambitions personnelles et les « petites querelles » au vestiaire.
    Je rêve bien sûr , hélas…

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