Mitterrand pendant la guerre d’Algérie

Un livre dévoile le rôle du ministre de la IVe république

 

51AIvMDXBLL__SS500_ Quand le garde des Sceaux François Mitterrand quitte son ministère en mai 1957, en pleine guerre d’Algérie, 45 nationalistes ont été guillotinés : François Malye et Benjamin Stora dévoilent dans un livre choc un pan obscur de la vie du président qui abolira la peine capitale en 1981.

Cet ouvrage, « François Mitterrand et la guerre d’Algérie » (Calmann-Lévy) est l’aboutissement d’une enquête de deux ans.

« Nous avons épluché minutieusement de très nombreuses archives, dont quelque 400 pages de comptes rendus des séances du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de l’époque, celles du ministère de la Justice ou encore de l’Office universitaire de recherches socialistes et découvert des documents inédits », explique l’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie.

Révélation de ce livre, co-écrit avec François Malye, grand reporter au Point : pendant seize mois le ministre de la Justice du gouvernement socialiste de Guy Mollet a laissé sans broncher couper les têtes des nationalistes algériens, qu’ils aient ou non du sang sur les mains.

Les dossiers sont préparés à la Chancellerie. Et le garde des Sceaux, vice-président du CSM, s’oppose à 80% des recours en grâce.

Pendant ces longs mois, François Mitterrand ne fait pas mystère de sa volonté d’abattre la rébellion. La tendance de son vote au CSM ? « C’était véritablement très répressif, c’est incontestable. Mais c’était la vision qu’il avait de l’Algérie, il pensait que c’était la meilleure solution », se souvient Jean-Claude Périer, seul survivant du CSM de l’époque.

Fin politique et ambitieux, Mitterrand, qui avait alors 40 ans, devait aussi pour durer donner des gages aux durs du gouvernement, notent les auteurs.

A ce moment très particulier de l’Histoire, ce qu’on peut lui reprocher, « c’est d’avoir accompagné, sans jamais le transgresser, un mouvement général d’acceptation du système colonial et de ses méthodes répressives », soulignent-ils.

« L’historien Jean-Luc Einaudi, poursuit M. Stora, avait déjà ouvert une brèche dans ce passé et dressé en 1986 une première liste des exécutions pendant la guerre d’Algérie ».

« Mais personne n’avait encore pris à bras le corps le sujet Mitterrand », assure-t-il. « Pourquoi lui ? Parce qu’il est devenu président de la République. C’était un passage obligé », répond Benjamin Stora.

Les auteurs ont aussi recueilli, en France et en Algérie, les témoignages inédits d’acteurs de cette période, comme l’historienne Georgette Elgey qui fut témoin des événements en tant que journaliste puis conseillère à l’Elysée à partir de 1982, et de personnalités comme Robert Badinter, Roland Dumas, Michel Rocard ou Jean Daniel.

Pour la première fois, ils ont accepté d’aborder cet aspect méconnu de la vie politique de Mitterrand, qu’il refusera de renier. Il fera néanmoins cet aveu plusieurs décennies plus tard: « J’ai commis au moins une faute dans ma vie, celle-là ».

« Ce que je voulais aussi, c’était entendre les voix des Algériens et cela a été la source de révélations extraordinaires. Ainsi, le frère d’un des guillotinés ou encore un ancien responsable du PC algérien se sont confiés. Ils n’avaient jamais parlé », assure l’historien. « Ce livre est aussi le croisement des paroles et des sources des deux côtés » de la Méditerranée.

Sous le même titre, un documentaire des mêmes auteurs sera diffusé sur France 2 le 4 novembre.

François Mitterrand et la guerre d’Algérie

François Malye et Benjamin Stora – Calmann-Lévy – 300 p. 17 euros)

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