Rocard, ambassadeur du froid, souffle aussi le chaud

 

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Marianne2 poursuit sa série sur les sarkozystes de gauche. Octogénaire depuis deux semaines, Michel Rocard n’en a pourtant pas fini avec la politique. A l’instar de Martin Hirsch, il prépare ses arrières. A gauche évidemment.

 

 

Réunir la CFDT et le Medef le temps d’une folle soirée à Pigalle ? Avec Michel Rocard, c’est possible. Invitée à festoyer à l’occasion des 80 printemps de l’ex Premier ministre, Laurence Parisot a même déclaré, des trémolos dans la voix : «Je me sens largement rocardienne dans mon approche des relations sociales.» La patronne des patrons qui s’estime proche des idées d’un responsable de gauche, voilà qui ne manque pas de piquant. Pourtant, la déclaration de Parisot résume bien les contradictions inhérentes à la personnalité politique de Michel Rocard, ce dernier ayant déjà déclaré sa flamme au patronat lors de l’université du Medef début septembre. Membre du PS, pro Sarko un jour, anti le lendemain, le Premier ministre de Mitterrand est passé maître dans l’art du retournement de veste. Toujours du bon côté?

En 2007, Ségolène Royal affronte Nicolas Sarkozy. Après avoir tenté de persuader Royal de lui céder sa place (!) dans la course à l’élection présidentielle, Michel Rocard finit par se ranger du côté de la candidate socialiste et gesticule dans les médias pour faire barrage au candidat UMP. Quelques jours avant le premier tour de l’élection, il se prononce en faveur d’un accord Bayrou/Royal pour contrer le candidat Sarkozy. Dans une tribune publiée dans Le Monde, il alerte : « Si Nicolas Sarkozy est élu dans quelques semaines, nous n’aurons aucune excuse. L’UMP gagnera les élections législatives qui suivront; et pendant cinq ans, la France va souffrir. Tous les Français ne souffriront pas de la même façon : les plus riches vivront encore mieux. Les classes moyennes et les petits salariés vivront plus mal. »

Finalement, Sarkozy est élu et débauche à gauche. En août 2007, à peine débarqué du yacht de Bolloré, il charge Rocard de réfléchir à une réforme de la condition enseignante au sein de la « commission Pochard ». Le socialiste qui s’était montré si virulent pendant la campagne s’empresse d’accepter la mission. Mais en février 2008, alors que la commission s’apprête à rendre sa copie à Xavier Darcos, alors ministre de l’Education nationale, Rocard démissionne prétextant la publication dans Le Figaro d’une interview qu’il qualifie de « malversation » ; interview dans laquelle il apparaît comme favorable à la rémunération des profs au mérite.

Et si la raison d’un tel coup de théâtre était à chercher ailleurs ? Le rapport de la commission Pochard, jugé très libéral dès sa publication (notamment à cause de l’idée d’évaluer les professeurs et de donner plus d’autonomie aux chefs d’établissements) paraît bien loin des idées défendues par les socialistes en matière de réforme de l’enseignement. Rocard aurait voulu éviter de passer pour un traître idéologique qu’il ne s’y serait pas pris autrement : en claquant la porte deux jours avant la remise du rapport, il croit se dédouaner de toute responsabilité.

Sauf que le sarko-socialiste manque de constance. Après s’être fait une frayeur en risquant d’être associé à une réforme sarkozyste que le PS ne cautionnerait pas, il décide en septembre 2008 de saluer Nicolas Sarkozy « talentueux face à la crise » et applaudit des deux mains le RSA, mis en œuvre par un autre sarkozyste de gauche, l’inénarrable Martin Hirsch. Résultat des courses : un tollé au PS et une lettre bien sentie adressée à François Hollande par Guillaume Bachelay qui demande que Rocard « soit rappelé à l’ordre ». Après tout, si Frêche a mérité l’exclusion….

Mais en politique, ménager la chèvre et le chou peut rapporter gros. Sarkozy, qui aime garnir son tableau de chasse de proies socialistes, décide en mars 2009 de nommer Rocard ambassadeur chargé des négociations aux pôles Arctique et Antarctique  . A peine le socialiste est-il installé dans ses nouvelles fonctions que le chef de l’Etat lui confie, en août 2009, la co-présidence avec Alain Juppé de la commission sur le Grand emprunt national. Tout semble donc aller pour le mieux entre l’occupant de l’Elysée et son nouveau joujou socialiste.

Mais au creux de l’été, cette belle harmonie paraît menacée. Le discours de Grenoble prononcé par Sarkozy n’est pas du goût de l’ambassadeur du froid. Dans une interview accordée à Marianne, Rocard affirme que « Sarkozy le paiera et qu’il l’aura mérité ». A-t-il senti le vent tourner ? Sarkozy, de plus en plus décrié par les médias et par la classe politique de droite comme de gauche, ne sera peut-être pas en mesure de confier une commission ou une ambassade à qui que ce soit en 2012. Il est donc temps pour Rocard d’assurer ses arrières. A gauche bien sûr.

Laureline Dupont – Marianne

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