Le budget magique de Christine Lagarde

C’est sans doute la traduction concrète de la «rilance», très chère à Christine Lagarde depuis juin. Mercredi 15 septembre, la ministre des finances a dévoilé en primeur au Figaro les grandes lignes du budget 2011. Un seul mot pour le définir: magique. Tout s’éclaire comme par enchantement.

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«Nous prévoyons 2% de croissance l’an prochain, ce qui pourrait représenter deux fois plus d’emplois créés que cette année, soit environ 160.000 créations d’emplois marchands en 2011», explique-t-elle. Avant de revenir aux grandes lignes budgétaires: «Passer de 8% à 6% nécessitera de réduire de 40 milliards d’euros les déficits publics. Le retour de la croissance apportera mécaniquement 7 milliards. Les mesures de relance, qui figuraient dans le budget 2010 et ne seront plus dans celui de 2011, représentent près de 16 milliards. Quant à la réduction de 5% des dépenses de fonctionnement et d’intervention annoncée par le président de la République, elle permettra, ajoutée aux autres mesures d’économies, 7 milliards d’économies. Restent 10 milliards à prendre sur les niches.»

Dans ces explications, un seul chiffre est à peu près sûr : la fin du plan de relance –  dont la Cour des comptes vient de rappeler qu’il a coûté beaucoup plus cher que prévu (35 milliards au lieu de 26) pour un effet qu’on peine à mesurer (peut-être 0,2% de croissance) – va permettre d’économiser 16 milliards d’euros en 2011.

Pour le reste, tout est flou, approximatif, peut-être même utopique, à commencer par l’hypothèse de croissance de 2% en 2011. Depuis 2007, aucune prévision de croissance retenue par les lois de finances successives n’a été respectée. En raison de la crise, justifie la majorité. L’explication est un peu courte pour justifier les dérapages continuels. A l’automne 2009, les voix d’économistes n’ont pas manqué pour dire que les prévisions de croissance retenues par le gouvernement étaient irréalistes: la loi de finances 2010 prévoyait une augmentation de 2% du PIB en valeur pour cette année!

Le 2% de croissance annoncé pour 2011 risque d’être tout aussi hypothétique. La Commission européenne, mardi 14 septembre, a certes relevé ses prévisions de croissance pour 2010, mais en prenant en compte l’effet de rebond qui a eu lieu au deuxième trimestre. Elle prévoit par contre un net ralentissement de l’activité d’ici à la fin de l’année. Prévisions qui se retrouvent dans les calculs du FMI, de la Cnuced ou de l’OCDE. Si la baisse de régime de l’activité se confirme, la France, comme le reste du monde, abordera le début 2011 tous freins serrés.

Cela n’empêche pas le gouvernement de prévoir la création de 160.000 emplois en 2011. Chiffre aussi étonnant puisque l’économie française a le plus grand mal à créer des emplois pérennes avec une conjoncture inférieure à 2,5%. A moins que les temps partiels, les heures de travail grappillées ici ou là, et qui ont constitué l’essentiel de l’amélioration des statistiques de l’emploi ces derniers mois, constituent désormais la définition de la création d’emploi pour le gouvernement.

Mais qu’importe pour Bercy ! L’important est d’annoncer un chiffre porteur. D’autant qu’à partir de ce moment, toutes les difficultés s’évanouissent. «Mécaniquement, le retour de la croissance apportera 7 milliards», assure la ministre des finances. Par quel miracle? Une partie peut provenir de la hausse de l’impôt sur les sociétés, qui a fondu de près de 30 milliards d’euros entre 2008 et 2009. Mais est-ce dans ces proportions?

 

Impasse budgétaire

En-dehors des effets « mécaniques », le gouvernement prévoit une réduction des dépenses de fonctionnement de l’Etat de l’ordre de 5% qui là encore devrait rapporter 7 milliards. 5% de baisse des dépenses de l’Etat est un objectif énorme, jamais réalisé dans le passé. En dépit de  la réforme générale des politiques  publiques  (RGPP), censée illustrée le sérieux du gouvernement dans la conduite des affaires, « la part des dépenses publiques dans le PIB a augmenté de 3,2 points en 2009. La hausse de ce ratio est imputable à la baisse du PIB pour 1,1 point, mais elle résulte surtout de la croissance des dépenses publiques, de 3,8 % en valeur et 3,7 % en volume. », rappelait  la Cour des comptes dans un rapport sur les finances publiques publié en mai 2010.  

Même si  la grâce touche le gouvernement et le conduit à abandonner ses mauvaises habitudes, difficile d’imaginer une telle rupture. Sauf à renoncer à des dizaines de missions, le chiffre de 5% semble inaccessible. Mais dans ce cas, il faut dire lesquelles. La non-reconduction d’un fonctionnaire sur deux, la  déduction forfaitaire et l’augmentation de al dernière tranche des impôts sur les revenus portée de 40% à 41% ne rapportent que 3, 5 milliards d’euros.

Enfin, il reste les niches fiscales. Le coup de rabot généralisé annoncé en juillet est finalement « une lime à ongle », a ironisé Gilles Carrez, rapporteur  UMP de la commission des finances à l’Assemblée nationale. Seules, vingt-deux niches ont été retenues. Naturellement les plus coûteuses (crédit impôt recherche, niche Coppé sur les  plus-values réalisées par la vente de filiales par les holdings, abaissement de la TVA sur la restauration) n’ont pas été touchées. On ne parle même pas du bouclier fiscal.

La réduction  de 10%  sur ces 22 niches devrait rapporter 500 millions d’euros.  Il manque donc au bas mot 9 milliards . Et ce n’est ni la réduction par deux des crédits sur les équipements photovoltaïques ni la diminution  des crédits d’impôt sur les équipements permettant les économies d’énergie qui vont combler la différence.

L’impasse inavouée du gouvernement porte au moins sur une bonne dizaine de milliards. C’est une question d’habitude. Depuis 2007, le gouvernement, tout en se drapant dans la rigueur et la compétence, a laissé dériver les finances publiques dans des proportions inconcevables. De 45 milliards d’euros en 2006, le déficit public est passé à 150 milliards en 2010 et devrait retomber au mieux à 80 milliards en 2011. Dans ses études, la Cour des comptes rappelait que deux tiers de ce déficit étaient liés non pas à la conjoncture mais aux choix gouvernementaux.

Martine Orange

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