Jack Lang: courtisan à Paris, socialiste dans le Nord

 

 

 (dessin: Louison)

Marianne2 se penche sur les «sarkozystes de gauche». Il y a ceux qui sont partis à temps, ceux qui ne peuvent raisonnablement plus quitter le chef de l’Etat et ceux, enfin, qui naviguent entre deux eaux. Jack Lang est de cette dernière catégorie, celle des «sarkozystes de gauche» qui ne savent décidément pas choisir leur camp…

Il serait encore ministre de la Culture qu’il serait foutu de se classer lui-même monument historique. Personne ne lui en voudrait : Jack Lang est bel et bien un monument de la vie politique française. Inamovible, malgré les années. Inamovible et pourtant si mouvant dans sa pensée. Surtout ces dernières années. Le plus mitterrandien des mitterrandiens (ce qui n’est pas une mince affaire) s’est trouvé un substitut à « Tonton » en la personne de Nicolas Sarkozy. Votant, contre l’avis de son parti, certains des textes portés par la majorité. Acceptant, sans sourciller, des missions qui lui étaient confiées par l’Elysée (membre du Comité Balladur, émissaire du chef de l’Etat en Corée du Nord puis à Cuba). Faisant de lui, finalement, un éminent représentant de cette caste en péril, celle des « sarkozystes de gauche ».

En cette rentrée politique 2010, c’est une autre mission que notre Jack Lang national a acceptée : celle de conseiller spécial du Secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, sur les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes. À peine nommé que, déjà, il parlerait des heures durant de ce « phénomène qui persiste et s’étend » et auquel il est censé trouver des « réponses juridictionnelles ». Le sujet le « passionne », affirme-il. Presque autant que le Grand Louvre auquel il consacre un livre sur lequel il a travaillé cet été et qui devrait sortir prochainement. Jack Lang à l’assaut des pirates des temps modernes ? L’affaire peut paraître incongrue. Pas pour le principal intéressé qui rappelle sa formation en « droit international ». Dans les allées du pouvoir, le bruit courait pourtant qu’il se serait bien vu au poste (en voie de création) de Défenseur des droits. Mais du côté de la majorité, cette idée de confier une nouvelle fois un maroquin à un membre de « l’opposition » aurait été vue d’un très mauvais œil… « Rumeur », balaie d’un mot Jack Lang.

Faut-il alors voir derrière sa nouvelle mission auprès de l’Onu, une manière de prendre un peu de distance avec Nicolas Sarkozy ? Jack Lang en est-il d’ailleurs seulement capable ? Ne voit-il pas, par exemple, dans le discours de Grenoble un virage de la part de Nicolas Sarkozy qu’il pourrait dénoncer, comme l’a fait avec virulence dans Marianne, cet autre « sarkozyste de gauche » qu’est Michel Rocard ? Non. Pour Jack, Grenoble et la déchéance de nationalité, ne sont « pas un virage » : « C’est un choix premier. Un choix qui se place dans la continuité d’une politique énoncée depuis longtemps ». Même s’il reconnaît y voir « une mise en scène supplémentaire » de la part de Nicolas Sarkozy, il ne semble pas prêt à condamner ce discours plus que ça.

« J’ai toujours agi selon ma conscience »

Et il ne renie rien : « J’ai toujours agi selon ma conscience ». Y compris lorsqu’il fut le seul socialiste à approuver la réforme constitutionnelle ? « Je suis fier et heureux d’y avoir participé. Aujourd’hui, je persiste et signe. Au congrès de Reims qui a suivi, pas une remarque ne m’a été faite par les militants que j’ai pu y croiser. » Non, rien de rien, Jack Lang ne regrette rien. Il suffit pourtant de lui faire remarquer qu’une des mesures phares de la révision constitutionnelle, le référendum d’initiative populaire, n’est toujours pas applicable (faute de loi organique) pour que le doute s’installe. Pas tout de suite tout même. « C’est regrettable… », juge-t-il, après quelques secondes de silence. « Plus que critiquable », lâche-t-il dans la foulée. Puis, prenant ce qui lui reste de courage à deux mains, le grand Jack finit par reconnaître qu’il ne s’agit pas là d’un simple « oubli » mais bien d’« une faute » ! Oui, en en l’aidant un peu, l’ancien ministre de l’Education sait se montrer critique à l’égard du gouvernement. Parfois même, il sait l’être tout seul. Sur France Inter, il y a seulement quelques jours, il a par exemple appelé le chef de l’Etat à instaurer un « moratoire » sur les suppressions de postes dans l’Education nationale. 

Sans doute pas suffisant pour regagner l’estime et la confiance de ses petits camarades du Parti socialiste. Jack Lang considère pourtant entretenir des « rapports clairs et transparents » avec sa formation. « À chaque fois qu’une mission m’a été confiée, j’ai prévenu les instances du parti. Ça a été le cas lorsqu’il y a eu la controverse sur ma participation au Comité Balladur sur la réforme des institutions. J’avais prévenu François Hollande (alors Premier secrétaire du PS, ndlr) et Jean-Marc Ayrault. Cette fois encore, j’ai prévenu Martine Aubry de ma mission auprès de l’Onu. Elle m’a d’ailleurs félicité. Elle m’a même appelé pour me fêter mon anniversaire »

Certains sarkozystes se vantent pourtant d’avoir fait disparaître, à l’occasion du redécoupage électoral, en accord avec la Première secrétaire du PS, la 6e circonscription du Pas-de-Calais dont il est l’élu à l’Assemblée nationale. « Ma circonscription était bancale : elle se trouvait entre Boulogne-sur-Mer et Calais. Je n’étais pas opposé à ce redécoupage… », explique un Jack Lang qui se retrouve malgré tout dans une situation délicate. Car désormais, même s’il affirme que « rien est décidé », un choix cornélien s’offre à lui, comme un symbole de cet entre-deux eaux dans lequel il navigue aujourd’hui : se rabattre sur la circonscription de Boulogne-sur-Mer (« Il n’en est pas question. C’est impensable. Le député-maire, Frédéric Cuvilier, est de gauche ») ou sur celle de Calais (qui compte « un maire de droite »). Ça n’est décidément pas facile tous les jours d’être un « sarkozyste de gauche »…  

Gérald Andrieu – Marianne2.fr

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