En PACA, le PS embourbé dans l’affaire Sylvie Andrieux …

… mais les médias se taisent

 

vauzelleandrieux En PACA, les subventions douteuses ont continué malgré l’enquête judiciaire

 

 

Sur quels critères étaient attribuées les subventions régionales aux associations des quartiers nord de Marseille ? C’est la question à laquelle tente de répondre le juge d’instruction Franck Landou, en charge d’une information judiciaire ouverte en janvier 2008 pour «détournement de fonds publics» et, dans le cadre de laquelle, il a, le 8 juillet, mis en examen, pour «complicité de tentative d’escroquerie» et «complicité de détournement de fonds publics», la députée Sylvie Andrieux, pilier du parti socialiste dans les 13e et 14e arrondissements du nord de Marseille. Vingt-deux autres personnes, dont trois cadres de la région Paca, Jules Nyssens, ex-directeur des services généraux, Franck Dumontel, ex-directeur de cabinet de Michel Vauzelle, et Guillaume Lalange, ex-directeur de l’aménagement du territoire, ont déjà été mises en examen dans ce dossier. La région s’est constituée partie civile début 2009.

Entre septembre 2005 et juin 2008, quelque 740.000 euros de subventions de la région Paca (sur un total voté d’environ 1,34 million d’euros) auraient été versés à une quinzaine d’associations fictives, situées pour la plupart sur la circonscription de Sylvie Andrieux, dans le cadre de la politique de la Ville, dont la députée était alors vice-présidente. «Dans un but que l’on peut qualifier d’électoraliste et de clientéliste», a affirmé au juge son ancien assistant parlementaire, Rolland Balalas, ex-secrétaire général du groupe socialiste au conseil régional, mis en examen en juin 2008. «En contrepartie des subventions, je m’étais engagé auprès de Rolland (Balalas) à être disponible lors des élections sur le secteur : cela signifiait amener des gens aux meetings de Sylvie (Andrieux), faire de la propagande pour elle, ce genre de trucs», a indiqué le responsable de plusieurs de ces associations «coquilles vides», Benyoub Same, originaire de la cité Font-Vert et décrit comme un leader d’opinion.

Un document interne montre que même après le début de l’information judiciaire, Sylvie Andrieux a soutenu des demandes de subvention d’associations pourtant signalées comme douteuses par les services de la région. Il s’agit d’un tableau datant d’octobre 2008, intitulé «Politique de la ville», et qui retrace les demandes de subventions de différentes associations. Après que les services régionaux eurent noté leurs observations sur les dossiers de demandes, Sylvie Andrieux cochait ceux qu’elle souhaitait voir mis à l’ordre du jour de la prochaine commission permanente (qui adopte quasi automatiquement toutes les demandes de subvention qui lui sont soumises). En face des demandes de subvention d’une association comorienne située dans le 13e arrondissement, et malgré un avis défavorable des services de la région, Sylvie Andrieux a inscrit une croix et écrit «Très important 80% à ce bureau de vote». Un agent territorial entendu par le juge interprète: «Je pense que Sylvie Andrieux fait allusion à un bon bureau de votes, un bureau de votes auquel elle tient beaucoup

Face à deux autres demandes de subventions émanant elles aussi d’une association comorienne du 13e, les fonctionnaires territoriaux ont donné un avis défavorable. Ils pointent notamment une absence de devis, plutôt gênante puisque l’association sollicite 35.000 euros pour réaliser des travaux de rénovation de ses locaux. Les services mentionnent aussi l’enquête judiciaire en cours, ainsi qu’un lien avec une des associations fictives de Benyoub Same. Malgré ces mises en garde, Sylvie Andrieux a porté une croix et noté «Très important Weygand Masse Andrieux». A savoir le nom de trois élus issus de dynasties socialistes solidement implantées sur le territoire des quartiers nord. «C’est le secteur géographique de ces élus, commente le même agent territorial. Comme la plupart des élus, ils défendent fortement les associations qui sont sur leur secteur.» (Félix Weygand a pris en 2002 la suite de son père Lucien Weygand, conseiller général sur le canton de la Rose, dans le 13e, depuis 1973. Les Masse, Marius puis son fils Christophe Masse – pour un seul mandat –, furent députés de la huitième circonscription de 1981 à 2007, année où Christophe Masse fut battu par une candidate UMP. Sylvie Andrieux est elle-même la fille du sénateur socialiste Antoine Andrieux et la filleule de la sénatrice socialiste Irma Rapuzzi, deux barons du defferrisme.)

Des alertes dès 2007

C’est-à-dire que, plus de huit mois après le début de l’enquête judiciaire, et trois mois après la mise en examen de son ex-assistant parlementaire, Sylvie Andrieux, qui s’est «toujours targuée de connaître les associations» selon Guillaume Lalange, continue de passer outre les mises en garde des services régionaux. Pourtant lorsque le quotidien La Provence révèle le début de l’affaire en décembre 2008, la même Sylvie Andrieux rejette immédiatement la responsabilité sur les «responsables administratifs de la Région» de qui dépend, selon elle, l’attribution des subventions.

En mai 2007, quand une fonctionnaire mentionne, dans une note interne, des anomalies dans l’attribution de certaines subventions associatives et s’étonne notamment du financement à 100% de véhicules, elle se fait violemment rabrouer au téléphone par Sylvie Andrieux. «Elle m’a dit : “Comment avez-vous pu écrire cette note; vous n’y connaissez rien, vous ne connaissez pas les associations; vous n’êtes pas sur le terrain; moi j’y suis et je les connais”», raconte la fonctionnaire. Et rien ne change. «Après la note du 30 mai, (…) si l’on s’opposait pour des raisons techniques au passage d’un dossier de demande de subventions, Mme Andrieux disait qu’il fallait le faire passer à tout prix, précise un autre agent territorial. Quand je parle de raisons techniques opposées à Mme Andrieux, il s’agit par exemple d’associations où, dans le conseil d’administration, il y avait plusieurs membres d’une même famille, ou par exemple une association qui avait un budget inférieur au montant de la subvention demandée.»

Débordés par les centaines de dossiers arrivant, selon Guillaume Lalange, «par cartons entiers» au service de la politique de la Ville «quinze jours ou trois semaines» avant les sessions de la commission permanente qui votait les subventions, les agents se contentaient donc de s’assurer que toutes les pièces exigées étaient présentes, sans vérifier ni la pertinence des demandes, ni l’usage des sommes attribuées. Un travail d’abattage qui a pu par exemple permettre à la région de débloquer quelque 150.000 euros à une association qui a pour objet la réhabilitation de l’image et de l’environnement des cités nord, pour l’achat… de deux pompes à chape liquide, finalement utilisées, dans son entreprise de BTP, par l’un des responsables associatifs mis en examen. Ou encore de ne pas tiquer lorsque des associations sans aucun lien officiel présentaient des factures provenant du même fournisseur pour des montants semblables à l’euro près.

Une fonctionnaire se demande aussi «pourquoi, dans le cadre de la réhabilitation des quartiers ou l’animation de ceux-ci, il faut tant de minibus et d’ordinateurs». «Ecœuré par la dilapidation de l’argent public», selon un collaborateur de Rolland Balalas au groupe PS, «nous nous en sommes plaints en direct à elle-même (Sylvie Andrieux) et c’est monsieur Balalas qui est monté au feu.» «Madame Andrieux avait répondu qu’en période électorale, on ne pouvait pas être regardants», raconte-t-il à la brigade financière.

Des associations douteuses créditées jusqu’au printemps 2008

Autre curiosité, en septembre 2007, une fonctionnaire, intriguée par la présence de deux factures et d’un devis venant du même fournisseur dans trois dossiers de demande arrivés simultanément, a la curiosité d’appeler l’entreprise en question. Elle découvre que ces documents sont des faux, qui n’ont jamais été émis par le fournisseur cité. Interrogée par la brigade financière, la fonctionnaire explique que «le signalement que j’ai fait était dû à la chance car j’ai eu les dossiers des trois associations en même temps. Si ça n’avait pas été le cas, rien ne se serait passé». Les trois associations concernées sont toutes liées à Benyoub Same. Alertée, sa supérieure refuse de signer les autorisations de paiement et signale les fausses factures à Guillaume Lalange, à l’époque directeur de l’aménagement du territoire. En mars 2008, ce dernier signe pourtant sans coup férir ces propositions de paiement, sur la foi de nouvelles factures (qui se sont révélées tout aussi fausses que les premières) produites par les associations et sans même en vérifier la véracité auprès du fournisseur mentionné.

«Je reçois un coup de téléphone de M. Balalas qui m’assure que ces associations sont connues de lui-même, et de Mme Andrieux, et que ce sont de bonnes associations, que ces associations ont des problèmes de trésorerie et risquent de fermer car elles n’ont pas l’argent pour tourner», justifie Guillaume Lalange. «Et Balalas dans ce cadre-là est le représentant de Mme Andrieux, Mme Andrieux connaît très bien les associations, les présidents», précise-t-il. D’après Jules Nyssens, ex-directeur général des services, seule une «autorité crédible, c’est-à-dire toute personne n’étant pas dans le circuit hiérarchique mais dont l’autorité peut apparaître supérieur», peut avoir donné l’ordre de payer des propositions de paiement pour des dossiers dans lesquels avaient été constatées de graves irrégularités, «peut-être celle du directeur de cabinet ou de la vice-présidente», cible-t-il. En parallèle, Rolland Balalas dit avoir informé dès septembre-octobre 2007 Sylvie Andrieux de la découverte de faux dans les dossiers présentés par Benyoub Same. Elle lui aurait demandé de voir Benyoub Same: «Tu lui dis ce qui se passe, qu’apparemment des gens se sont aperçus qu’il faisait des faux et qu’à un moment ça pouvait me mettre en danger et tu lui demandes de reparamétrer ces dossiers.» Rolland Balalas précise : «Elle m’a dit qu’il était fou de faire ce genre de choses, que ça la mettait en danger, qu’il fallait que ça s’arrête. Mais ça n’a pas empêché Mme Andrieux de continuer à le financer.» Car, selon le témoignage d’un collaborateur de Rolland Balalas à la région, «Benyoub Same a continué à venir dans les locaux du groupe PS au conseil régional après l’alerte pour fausses factures» pour «déposer des dossiers». Les associations de Benyoub Same sont créditées en avril, mai et juin 2008.

Contactée par le biais de sa permanence parlementaire, Sylvie Andrieux était injoignable et son avocat ne souhaite pas être cité sur des réponses «qu’elle fera elle-même, et d’abord au juge».

par Louise Fessard (Médiapart)

 

 

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